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Du clic au déclic : et si les influenceurs faisaient plus que vendre des baskets à nos enfants ?
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13.25/ Du clic au déclic : et si les influenceurs faisaient plus que vendre des baskets à nos enfants ?
Le paradoxe de la condition humaine, c'est qu'on ne peut devenir soi-même que sous l'influence des autres.
Boris Cyrulnik
Introduction
Les débats autour des jeunes et des écrans sont vifs et au cœur des préoccupations actuelles. Des craintes sont exprimées au sujet de la santé mentale, la socialisation et le développement cognitif des jeunes. Dans ce contexte, parents et associations de parents d’élèves sollicitent l’UFAPEC pour organiser des soirées d’échange et d’information : comment accompagner mon enfant dans son utilisation d’internet et des réseaux sociaux ? Dans une société digitalisée, comment réguler les usages, comment prévenir sans interdire purement et simplement ?
Aujourd’hui, les influenceurs jeunesse, devenus des acteurs médiatiques incontournables, représentent un des enjeux de l’éducation au numérique et aux médias.
Un des objectifs des influenceurs est de gagner de l’argent grâce à une célébrité générée par des clics et des partages. Ces youtubeurs et autres sont recrutés pour du marketing d’influence et du placement de produits auprès des jeunes consommateurs.
Les influenceurs influent sur les opinions de leur public. Certains, au mépris des valeurs démocratiques, encouragent des formes de radicalisation et de violence préoccupantes. Les plateformes de streaming ou de vidéos en ligne (dont la responsabilité éditoriale n’est pas engagée)[1] et les contenus de création sont clairement à réglementer de façon urgente.
À côté de cela, le monde de l’influence digitale peut aussi amener du positif. Certains influenceurs ont encore pour objectif de sensibiliser la jeune génération à des enjeux de société essentiels. D’autres streamers y ajoutent une visée éducative au-delà de la seule sensibilisation…
Dans un monde où le profit et le chacun pour soi ont tendance à s’imposer, ce genre d’influenceurs pourrait-il contribuer à éveiller les jeunes aux valeurs citoyennes comme la défense de l’environnement ? N’est-ce pas surestimer le potentiel de ces créateurs de contenu engagés ? Jusqu’où peuvent-ils aller ? Et les jeunes eux-mêmes, qu’en pensent-ils ?
Influentia
Comment définir un influenceur et l’influence qu’il exerce sur ses d’abonnés ? Comparer un influenceur à une star ou à une étoile du web est finalement assez proche du sens premier du terme, influentia en latin, qui désignait au Moyen Âge l’action attribuée aux astres sur la destinée des hommes.[2] Aujourd’hui, les influenceurs sont des personnes qui impactent, par leur célébrité médiatique, la façon de penser et d’agir de leur communauté.
L’Union européenne s’est emparée de la question pour réguler le marketing d’influence. Elle définit un influenceur comme « un créateur de contenu à but commercial, qui établit des relations de confiance et d’authenticité avec son public (principalement sur les plateformes de médias sociaux) et s’engage en ligne avec des acteurs commerciaux par le biais de différents modèles commerciaux à des fins de monétisation ».[3]
Les influenceurs jeunesse, qui sont des jeunes eux-mêmes, sont principalement présents sur les plateformes YouTube, TikTok, Instagram et Snapchat. Ils y publient des photos, des vidéos, des tutoriels, en passant par les vlogs (blogs dont le média est la vidéo).
Le poids ou le succès de chaque influenceur se mesure au nombre d’interactions (likes ou j’aime, vues, partages, commentaires…). Ces interactions sont chiffrées et monétisées[4]. Comme le souligne Émilie Le Guiniec, elle-même influenceuse et qui défend une éthique du métier, la célébrité sur les réseaux sociaux est devenue un véritable enjeu de société à laquelle on peut même attribuer une valeur patrimoniale, c’est dire ![5]
Suivre ou ne pas suivre les influenceurs…
Pour mieux comprendre les avis et les usages des jeunes sur la question, nous avons donné la parole à Mathias, à Sacha et à Hervé papa de deux enfants.
Mathias, vingt et un ans, qui a intégré l’armée depuis quelques mois, a un avis plutôt négatif sur les influenceurs. Il s’est intéressé aux streamers dès qu’il a eu un téléphone à 12 ans. Il nous en cite quelques-uns : GMK qui présente et fait vendre des voitures de sport de luxe à Monaco en partageant sa passion et en créant des contenus que le jeune homme juge intéressants, Lenna Vivas pour le gaming ou encore Nasdas Chienneté, influenceur n° 1 en France connu pour mettre en scène la vie de sa cité et pour partager ses revenus. Mathias souligne que cet influenceur a été auditionné par une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs. En effet, Nasdas fait l’objet de polémiques où il est accusé notamment de banalisation de la violence.[6]
Aujourd’hui, le jeune homme a pris du recul par rapport à la question, notamment via sa formation à l’armée où il doit régulièrement vivre sans GSM ni internet. Il s’est distancé du monde des influenceurs comme des réseaux sociaux dont il juge l’impact néfaste : On n’a pas besoin de regarder des filles qui montrent leur corps ou des mecs qui sont prêts à faire n’importe quoi pour faire le buzz. Les influenceurs, ils t’apprennent à devenir matérialiste, à tomber dans le luxe, ils donnent envie ![7]
Pour lui aujourd’hui, les influenceurs comme les réseaux sociaux sont une perte de temps qui empêche de faire des choses essentielles à notre équilibre, comme la pratique du sport.
Sacha, vingt ans, qui se lance dans des études d’e-marketing, a, quant à lui, une vision plutôt positive, voire admirative des influenceurs (qu’il qualifie de streamers, c’est-à-dire des créateurs de contenus). Il les considère avant tout comme créatifs et talentueux : Je trouve que c'est chouette qu'il y ait des gens qui fassent ça. Parfois, j’ai envie d’être à leur place, pas en tant qu’acteur, mais comme créateur de contenu. J’en suis environ une vingtaine, essentiellement sur la plate-forme Twitch ; ils sont Français. Celui que je regarde le plus souvent, c'est Squeezie, qui fait beaucoup de vidéos de concept et de divertissement. Il crée un jeu qu'il met en place avec toute une équipe et puis il invite d'autres YouTubers, d'autres streamers, d'autres influenceurs. C’est ça que je trouve cool. Après, il y a Masetu, qui fait le même genre de créations et qui a fait un documentaire sur sa vie ; ça c'était cool. Et il a fait aussi des chansons. Je suis aussi Inoxtag. Et pareil, il fait un peu la même chose avec un plus gros budget ; Il adore faire des documentaires sur ce qu'il fait, comme l’ascension de l'Everest. Il adore pousser les limites. Sur Twitch, c'est une plateforme de streaming où on est en direct avec eux et on peut réagir. En gros, la streameuse regarde des vidéos, et nous, on regarde avec elle. On donne notre avis aussi. On peut être plus de 2.000 personnes sur un live. Ça dépend des influenceurs, il y en a qui montent à 50.000, 150.000 personnes. Tu peux même aller sur place, si t'as envie évidemment. Tu peux acheter des billets.
À vingt ans, Sacha est conscient que les influenceurs sont un peu des modèles et qu’ils peuvent inciter à la surconsommation ; mais, pour sa part, il estime qu’il sait se réguler à ce niveau.
Pour Sacha, le streaming, c’est surtout une affaire de jeunes et il n’en parle qu’avec ses amis proches ; les adultes comme ses parents n’y connaissent pas grand-chose et même critiquent.
Enfin, le jeune homme voit les influenceurs non pas comme une perte de temps mais comme une bonne occasion de s’évader et de se sentir moins seul.
Émilie Le Guiniec rejoint le point de vue de Sacha au niveau du capital artistique : selon elle, devenir un influenceur célèbre demande un véritable talent et beaucoup d’investissement et ce n’est pas à la portée de tous.[8]
Hervé, papa d’un garçon de treize ans et d’une fille de onze, est relativement serein par rapport à la question. À notre demande, il a discuté avec ses enfants de leurs usages. Comme pour de nombreux adolescents et pré-adolescents, les enfants d’Hervé suivent des influenceurs pour s’amuser et s’informer : Tout d’abord, l’utilisation d’internet à la maison est cadrée par une application de contrôle parental et un temps d’écran défini. Mes enfants connaissent des influenceurs comme anyme023, inoxtag, youyou.ytb, Mcfly et Carlito, Lena Situations. Mon fils regarde des influenceurs pour l’humour, le divertissement, le gaming (par exemple Fortnite) et les mangas (par exemple One Piece ou Naruto). Il n’en parle pas tellement avec ses copains, mais il a eu l’occasion d’en discuter au cours de technologie, dans le cadre duquel les élèves ont fait leur fiche signalétique numérique. Ma fille regarde des influenceurs qui parlent des animaux, de sciences, de cuisine, de bricolage. Elle suit par exemple Marcelarium qui présente des vivariums et où le sensationnel a son importance évidemment. [9]
Ces différentes contributions semblent montrer que les avis, les motivations et les usages des jeunes par rapport aux influenceurs sont variables et évolutifs. Il ressort que plus on fait partie de l’univers de l’influence (streamer, acteur ou public), plus on reconnaît ses apports et inversement. Les jeunes qui arrivent à l’âge adulte semblent avoir un certain recul et voient les influenceurs comme un moment de divertissement avant tout. Pour les plus jeunes, un accompagnement parental est utile pour les aider à développer un regard critique et nuancé.
Le potentiel des influenceurs « éthiques »
Nous l’avons déjà évoqué, l’impact des influenceurs va bien au-delà d’une dimension commerciale ou publicitaire et certains de ces influenceurs conduisent à de l’extrémisme menaçant nos états de droit. En revanche, d’autres influenceurs, dits éthiques, existent. C’est ce type d’influenceurs sur lequel nous voulons nous attarder maintenant. Quel impact peuvent-ils avoir sur les jeunes ? Ces influenceurs seraient-ils des alliés dans l’éducation et en particulier dans l’éducation citoyenne de nos enfants ?
Généralement les influenceurs éthiques sont des nano ou petits influenceurs avec une audience limitée (entre mille et cinq mille abonnés).[10] Parmi eux, certains se préoccupent d’enjeux de société comme la sauvegarde de la nature, une consommation plus responsable, la défense de nos démocraties. En utilisant leur notoriété et en collaborant à des initiatives éthiques, ces streamers semblent participer à un changement de mentalités et de comportements.[11] Camille Chaudron (@girl_go_green) par exemple, qui se définit comme éveilleuse de conscience plutôt qu’influenceuse et qui est engagée pour la transition écologique, explique : J'essaie de montrer à ma communauté tous les moyens d’actions qui existent. Je partage des recettes DIY (Do it yourself, faites le vous-même), des marques éco-responsables, qui peuvent être des alternatives à un mode de consommation classique. Mais je partage aussi le travail d’associations, des actions de désobéissance civile etc.[12]
Toutefois, ce n’est pas si simple de distinguer les influenceurs dits éthiques des autres, il s’agit d’être prudent : motivations et positionnements peuvent être aussi sujet à controverse. Citons par exemple les célèbres McFly et Carlito (7,5 millions d’abonnés) déjà connus des enfants d’Hervé. Ces deux influenceurs français, présentés comme figures inspirantes pour la jeunesse par certains (en prônant des valeurs positives telles la bienveillance, l’humilité et le dépassement de soi, l’engagement pour certaines causes)[13], sont aussi contestés par d’autres qui perçoivent du marketing politique pour la réélection d’Emanuel Macron dans le clip des deux youtubeurs rappelant les gestes barrières en 2021.[14]
En outre, la frontière est parfois floue entre activiste et influenceur : Greta Thunberg ou encore, chez nous, Anuna De Wever et Adelaïde Charlier, à l’origine des marches pour le climat, sont d’abord de jeunes activistes, même si elles sont bien suivies sur le web et les réseaux sociaux. Leur but n’est pas de faire « carrière » comme influenceuses, mais bien d’utiliser le web pour promouvoir leurs idées et inciter les jeunes à soutenir leur cause, si louable soit-elle.
Cela étant dit, peut-on se réjouir de voir nos enfants sensibilisés à des enjeux de société par des personnalités du web ? C’est le point de vue d’enseignants du secondaire que nous avons interrogés dans le cadre de notre étude sur l’éducation aux enjeux climatiques.[15] C’est le pari également d’institutions qui recourent aux influenceurs pour susciter un engagement citoyen comme l’explique la brochure du CSEM (le conseil supérieur de l’éducation aux médias en FWB) consacrée à la question des influenceurs et à laquelle l’UFAPEC a participé : dans le cadre du 30eanniversaire de la Convention des Nations Unies relative au droit de l’enfant, l’Union européenne et l’Unicef ont lancé la campagne #The real challenge avec l’aide des influenceurs de la plateforme TikTok en novembre 2019. Face à la prolifération de fake-news sur la pandémie du Covid-19, l’OMS, a demandé aux influenceurs, notamment sur Instagram et YouTube, de diffuser des messages factuels à ceux qui les suivent. Leur campagne #SafeHands a également été massivement relayée par les influenceurs sur TikTok.[16]
Mais le fait d’avoir une audience limitée permet-il d’avoir beaucoup d’impact ? Et les influenceurs célèbres s’engagent-ils pour des causes importantes ? Mathias est dubitatif : Greta Thunberg, Anuna De Wever, Adelaïde Charlier ? Non, je ne connais pas. Je ne crois pas que les influenceurs vont sauver la planète. Les jeunes qui suivent les influenceurs célèbres s’intéressent peu à l’écologie…
Sacha ne suit pas non plus d’influenceurs « engagés ». Ceux qu’il suit évoquent parfois des situations comme le massacre de la population gazaouie, mais très brièvement.
Le jeune homme estime que les influenceurs devraient s’engager plus, mais il souligne aussi le risque de perdre de l’audience en allant trop loin: Il y a aussi des sujets dont ils ne peuvent pas parler, comme la politique. Je pense surtout à Squeezie, un des plus gros influenceurs en France. Quand il y a eu les élections et qu'il y a eu une montée fulgurante du RN (Rassemblement national)[17], Squeezie avait dit dans une de ses stories Instagram qu'il fallait surtout voter pour la gauche pour ne pas faire monter le RN. Il s'était fait lyncher sur les réseaux.
Comme le constate Sacha, ce sont souvent les personnes déjà sensibilisées à une cause, voire des militants, qui suivent les influenceurs éthiques. De ce fait, le rapport de l’influenceur à sa communauté est différent, chacun s’apportant quelque chose comme l’explique encore Camille Chaudron : ma communauté est un véritable puits d’informations auprès de qui je peux me tourner quand j’ai une question ou que je cherche une solution alternative. C’est donnant-donnant et c’est ça qui est beau.[18]
Par ailleurs, comme le souligne la rédactrice Laura Hood, les influenceurs éthiques sont confrontés à des difficultés supplémentaires :
- se montrer le plus authentiques possible et sans artifice alors qu’ils évoluent dans la jungle du sensationnel
- être un exemple dans le mode de vie qu’ils prônent et qu’ils partagent (décroissance, sobriété, comportements et achats éthiques)
- diversifier leur public : conserver ceux qui sont déjà convaincus, mais surtout convaincre des nouveaux, ce qui est contraire à la logique des algorithmes.[19]
Toutefois, la génération Z (née entre 1997 et 2012 environ) pourrait changer la donne. Le développement durable serait un moteur d’achat essentiel de ces jeunes adultes et ados.[20] Amélie Deloche, cofondatrice du collectif « Paye ton influence » qui milite pour une transition écologique du secteur, va plus loin estimant que les « gros » influenceurs alimentent un imaginaire de la surconsommation complètement dépassé [21].
Cela expliquerait que les influenceurs éthiques, s’ils ne sont pas nouveaux, soient aujourd’hui plus nombreux et plus populaires qu’hier. Laura Hood est convaincue de leur rôle dans la cause climatique : Leurs efforts font d'eux une ressource précieuse lorsqu'il s'agit de défendre la durabilité, la consommation éthique et la lutte contre le changement climatique.[22] Des influenceurs « slow life » (vie lente) encouragent leur communauté à adopter un mode de vie plus respectueux du vivant. La journaliste Clémence Floc’h confirme qu’ils sont nombreux aujourd’hui à refuser ce que l’on nomme le portage : recevoir, porter ou afficher les nouveaux produits des marques pour faire vendre un maximum.[23]
Le fait que les influenceurs éthiques soient souvent des nano-influenceurs renforce l’authenticité et la proximité, ce qui attire un certain nombre de marques.[24]
Conclusion et perspectives
En quelques années, les influenceurs sont devenus des figures clés du web. Sous le vocable « influenceur » se trouvent des profils bien différents : les motivations réelles des stars du web ne sont pas toujours claires et la frontière entre influenceur et militant peut être floue.
Devenir influenceur est un « nouveau » moyen de faire connaitre un sujet, une cause ou soi-même avec une audience beaucoup plus large qu’avant internet, même pour les nano-influenceurs, et qui semble à la portée de tous. En effet, c’est aussi ça la grande révolution d’internet : n’importe quel individu peut aujourd’hui être un créateur de contenu, choisir de poster des infos sur sa passion, ses combats ou sa vie à une plus ou moins large audience. Cela débouche sur tout ce dont est capable l’être humain : le pire comme le meilleur, ni plus, ni moins !
Les gros influenceurs, plus médiatisés et connus des jeunes, ont d’abord un objectif de rentabilité financière. Faire le buzz, être dans le sensationnel ou l’extrême, avec toutes les dérives que cela peut entrainer, leur permet de réaliser leur objectif. Prendre parti pour une cause ou une autre peut les desservir et peu vont oser vraiment s’engager. Force est de constater que ce ne sont généralement pas ces streamers professionnels qui vont mettre nos enfants en action face aux défis sociétaux d’aujourd’hui et de demain.
Les nano-influenceurs, eux, ont des communautés restreintes, mais avec lesquelles ils entretiennent des liens plus étroits et authentiques, tout en ayant des moyens plus limités. Leur objectif premier n’est donc pas forcément pécunier. Parmi ces nano-influenceurs, certains militent pour des causes politiques, idéologiques et culturelles.
En nous inscrivant dans une démarche abordant l’éducation aux médias, nous avons choisi de mettre le projecteur sur les streamers qui défendent plus de justice sociale et climatique en nous demandant si ces mêmes jeunes pouvaient susciter une action citoyenne chez nos enfants. La réponse est oui, mais un intérêt préalable ou le bouche à oreille (la bouche pouvant être celle de l’adulte, parent ou enseignant) augmentent les chances de découvrir ces influenceurs.
À nous, adultes, d’accompagner les jeunes pour leur permettre d’évoluer dans un monde digitalisé dont ils doivent apprendre à maitriser les codes tout en étant conscients de ses dérives potentielles. Cela fait pleinement partie de l’éducation au numérique et aux médias, à la maison comme à l’école.[25]
À la maison, l’UFAPEC rappelle le besoin pour le jeune d’avoir des règles claires et propres à chaque âge dans l’utilisation des écrans et, en même temps, le besoin de ne pas être dénigré dans ses pratiques. Dans le même sens, s’intéresser à ce que son enfant fait sur le web et partager sur ses propres usages permet l’échange et le débat. C’est ce qui contribue à développer chez le jeune un point de vue critique et nuancé.
À l’école, l’UFAPEC rappelle l’importance :
- d’informer les parents sur les outils numériques utilisés en classe ;
- d’inscrire la formation des élèves au numérique dans la perspective globale de l’éducation aux médias, en faveur d’un développement critique des médias numériques, comme le prévoient les référentiels FMTTN[26] du tronc commun ;
- de s’assurer d’une évaluation sur les compétences digitales des élèves à l’issue des du tronc commun ;
- d’outiller et préparer les enseignants à la bonne utilisation du numérique et à l’évolution de leur rôle qui y est associée ;
- de veiller à la qualité des contenus numériques déployés au sein de la FWB.[27]
Encore à nous adultes de soutenir les jeunes générations dans la défense de valeurs qui nous sont essentielles ! Et si la génération Z, canardée de pubs et d’incitations à l’achat, vit encore des contradictions dans ses pratiques de consommation, elle pourrait aussi être la première à se positionner pour une consommation plus éthique et durable.
Nous laissons le mot de la fin à la jeune Amélie Deloche : on dit beaucoup que les influenceurs sont le problème (…) ces mêmes influenceurs peuvent aussi être la solution ![28]
Dominique Houssonloge
[1] Les plateformes de vidéos en ligne sont des sites internet d'hébergement de vidéos, apparus au début des années 2000, et popularisés par des acteurs comme YouTube (fondé en 2005).
En principe, elles se basent sur un système de contenu généré par les utilisateurs — dits UCG pour users-generated content —[1], ce qui les oppose aux médias traditionnels de diffusion d'images, aux médias audiovisuels et aux autres médias de masse. Ces plateformes participent donc à l'évolution d'Internet vers un web collaboratif dite web 2.0. La législation de l'Union européenne considère un « service de plateformes de partage de vidéos » comme « un service (...) pour lequel l’objet (...) du service (...) est la fourniture au grand public de programmes, de vidéos créées par l’utilisateur, ou des deux, qui ne relèvent pas de la responsabilité éditoriale du fournisseur de la plateforme de partage de vidéos ». Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Plateforme_de_vid%C3%A9os_en_ligne
[2] CNRTL (Centre national des ressources textuelles et lexicales), influence - https://www.cnrtl.fr/definition/academie9/influence
[3] Parlement européen, L'impact des influenceurs sur la publicité et la protection des consommateurs dans le marché unique. Étude, 16/02/2022, p. 15 - https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/IPOL_STU(2022)703350
[4] LE GUINIEC E. et FLOC’H C., Influenceurs, un quotidien sous algorithme, Laffont, 2024, p. 18
[5] Idem.
[6] Nasdas est notamment pointé, en France, par la députée Léa Balage El Marikya qui alerte sur les contenus de l’influenceur qui mettraient en scène « des actes souvent pénalement répréhensibles tels que des menaces au couteau, des actes de racisme, du harcèlement, de l’exploitation, du détournement de mineur ou des violences conjugales ». Source : Le Parisien, 12 juin 2025 - https://www.leparisien.fr/politique/quand-une-deputee-ecologiste-nargue-linfluenceur-nasdas-apres-son-audition-a-lassemblee-nationale-12-06-2025-VCZY35YCNVETJBSKMKESACX52E.php
[7] Propos recueillis le 18/08/2025.
[8] LE GUINIEC E. et FLOC’H C., op. cit.
[9] Propos recueillis le 18/08/2025.
[10] On distingue les méga-influenceurs (plus d'un million d'abonnés), les macro-influenceurs (100.000 à un million d'abonnés) qualifiés de célébrités ou personnalités publiques, les micro-influenceurs (5.000 à 100.000 abonnés) ou encore les nano-influenceurs. Source : Kolsquare, Nano-Influenceurs : comment les experts peuvent les utiliser pour créer un impact durable ?, 06/08/2025 - https://www.kolsquare.com/fr/blog/la-montee-en-puissance-des-nano-influenceurs
[11] Un récent article de la RTBF dresse une liste non-exhaustive d’influenceurs « positifs » : RTBFactu, Les influenceurs : chance ou catastrophe pour le climat ?, 24/01/2025 - https://www.rtbf.be/article/les-influenceurs-chance-ou-catastrophe-pour-le-climat-11479927
[12] ATTAL D. pour Refyld, Camille Chaudron, éveilleuse de conscience, 20/04/2022 - https://refyld.com/blogs/reveil/camille-chaudron-girl-go-green?srsltid=AfmBOooQhvIaRqvStI426kWOv33fXKXixMQ2_EK5KmS3OdT10U7vTJ1y
[13] LEROY C., « Mcfly : parcours, salaire, influence » in Planète grande école, 9/10/2024 - https://www.planetegrandesecoles.com/mcfly-parcours-salaire-influence
[14] WIKIPEDIA, Mcfly et Carlito - https://fr.wikipedia.org/wiki/Mcfly_et_Carlito
[15] BAIE F., Éducation aux enjeux climatiques : peut-on mieux faire ? Étude UFAPEC 2025 n°08.25/Et1, p. 40 - https://www.ufapec.be/files/files/analyses/2025/UFAPEC_0825-Et01-Enjeux-climatiques.pdf
[16] CSEM, Apprendre et développer son esprit critique à l’ère des influenceurs, juin 2020, p. 14.
[17] Parti classé à l’extrême droite et présidé par Marine Le Pen
[18] ATTAL D., op. cit.
[19] HOOD L., « Comment les « influenceurs éthiques » incitent leur public à sauver la planète » in The conversation, 20/06/24 - https://theconversation.com/comment-les-influenceurs-ethiques-incitent-leur-public-a-sauver-la-planete-230750
[20] GMELCH A., « Où la génération Z fait-elle ses achats en ligne ? » in Lengow blog, 16/04/24 - https://blog.lengow.com/fr/canaux-marketing/ou-la-generation-z-fait-elle-ses-achats-en-ligne/ Ce besoin des marques de paraitre plus « vertes » explique, entre autres, les nombreuses pratiques commerciales de greenwashing. Le greenwashing, ou écoblanchiment, est un procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation pour se donner une image trompeuse de responsabilité écologique. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Greenwashing
[21] Interview d’Amélie Deloche in Les Échos, 10/06/2022, https://www.lesechos.fr/travailler-mieux/rse/les-influenceurs-alimentent-un-imaginaire-de-la-surconsommation-completement-depasse-1412537
[22] HOOD L., op. cit.
[23] LE GUINIEC E. et FLOC’H C., op. cit., pp. 192-193
[24] Kolsquare, op. cit.
[25] Pour des ressources : https://www.csem.be/eduquer-aux-medias/productions/carnet-8-apprendre-et-dvelopper-son-esprit-critique-lre-des
[26] Le référentiel du tronc commun FMTTN définit les attendus d’apprentissage relatifs à la formation manuelle, technique, technologique et numérique, de la 1re année primaire à la 3e année secondaire. Adopté par le gouvernement le 24 février 2022, ce référentiel est entré en vigueur en septembre 2022 pour les 1re et 2e primaires. https://pactepourunenseignementdexcellence.cfwb.be/mesures/la-transition-numerique/#:~:text=secondaire%202025PDF-,Questions%20fr%C3%A9quentes,S%C3%A9curit%C3%A9
[27] Voir l’ensemble des revendications relatives au numérique dans Mémorandum UFAPEC, janvier 2024, p. 17 - UFAPEC - Mémorandum UFAPEC 2024
[28] Interviewée dans LE GUINIEC E., op. cit., p. 188
