Analyse UFAPEC décembre 2021 par A. Floor
  • Le (para)médical et le scolaire vont-ils s’entendre au bénéfice des élèves à besoins spécifiques ?

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17.21/ Le (para)médical et le scolaire vont-ils s’entendre au bénéfice des EBS ?

Le plus important n’est pas de donner une étiquette à l’enfant, mais de trouver ensemble ce qui l’aidera à s’épanouir.

T.D.A quoi ? Fondation Roi Baudoin 

Introduction

Le 1er septembre 2018 entrait en vigueur le décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques[1], auquel a été attribué par facilité le titre de décret aménagements raisonnables. Ce décret "aménagements raisonnables" a subi des évolutions législatives en étant intégré dans le code de l'enseignement et à la suite de l'arrivée du décret sur les pôles territoriaux. Le décret aménagements raisonnables donne une place de choix aux spécialistes chargés d'attester des besoins spécifiques de leurs patients pour qu'ils soient reconnus et puissent bénéficier d'aménagements raisonnables. Cela fait trois ans que les écoles fonctionnent avec cette nouvelle donne. Comment se passe l'articulation entre le monde scolaire et le milieu (para)médical ? Est-ce un plus pour l'élève à besoins spécifiques ? Les écoles se sentent-elles soutenues et aidées par ces professionnels ? Comment l’accompagnement des élèves à besoins spécifiques (EBS) a-t-il évolué depuis le 1er septembre 2018 ? Qu’en disent les acteurs de terrain ? Pour ce faire, nous avons interrogé et récolté les avis des acteurs de l’école (parents, enseignants, thérapeutes, directions, centres PMS…) tout au long de ces trois années afin de coller au mieux aux diverses réalités des écoles.

Place des spécialistes dans le décret et dans l’arrêté de gouvernement

Le décret "aménagements raisonnables" a été intégré dans le code de l’enseignement[2]. Les deux premiers livres du code, entrés en vigueur le 1er septembre 2020, regroupent toute la législation actuelle qui concerne l’enseignement fondamental et secondaire, ordinaire ou spécialisé, organisé ou subventionné par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le décret a ensuite subi des modifications avec la parution du décret sur les pôles territoriaux[3], nous relèverons un changement important qui touche précisément au diagnostic puisque la condition d’un an entre le diagnostic et la première demande d’aménagements raisonnables a été supprimée.

Quelles sont les missions des spécialistes du monde médical et paramédical telles qu'elles sont définies dans le code de l'enseignement ?

La principale consiste à attester des besoins spécifiques via un diagnostic. Le diagnostic invoqué pour la mise en place des aménagements est établi par un spécialiste dans le domaine médical, paramédical ou psycho-médical, ou par une équipe médicale pluridisciplinaire. Le Gouvernement fixe la liste exhaustive des professions habilitées à poser ledit diagnostic [4]. Rappelons que ce décret est paru en décembre 2017 pour entrer en vigueur en septembre 2018. Les écoles et les parents auront cependant dû attendre le 22 août 2019 pour que la liste des professions médicales, psycho-médicales et paramédicales reconnues officiellement pour poser le diagnostic soit publiée au Moniteur belge[5]. Une année scolaire à naviguer dans le flou !

Parmi les professionnels repris dans la liste exhaustive se retrouvent les médecins (qui ne peuvent poser un diagnostic que dans leur champ de compétences), les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les logopèdes, les orthopédagogues cliniciens, les orthoptistes-optométristes[6] et les psychologues. Les centres PMS peuvent également poser un diagnostic si la demande de mise en place d’aménagements raisonnables vient des parents, de l’élève majeur, d’un membre du conseil de classe ou du centre PMS. Une décision d'un organisme public chargé de l'intégration des personnes en situation de handicap peut également ouvrir le droit à une demande d’aménagements raisonnables.

Rencontres spécialistes, parents et école

A la demande des parents ou de l'élève s'il est majeur, le monde médical ou paramédical peut aussi apporter son aide au monde scolaire lors des réunions de concertation en apportant un éclairage utile sur la nature ou l'accompagnement des besoins attestés. Cet éclairage est cependant soumis à l'accord de la direction de l'établissement. Cependant cette intervention est subordonnée à l'accord du directeur après concertation avec l'équipe éducative et après consultation, le cas échéant, des centres PMS. Cette présence, dans tous les cas, nécessite un accord du directeur, après concertation avec l'équipe éducative et après consultation, le cas échéant, des centres PMS ou des centres agréés par la Communauté française et visés à l'article 12, § 1er, alinéa 3, 1°, et 3°, du décret du 3 mars 2004 organisant l'enseignement spécialisé[7]. Une convention de partenariat particulière peut être conclue entre l'école et des acteurs spécialisés du monde médical, paramédical ou psycho-médical ou des organismes publics régionaux d'intégration de personnes handicapées en vue d'interventions ciblées au bénéfice de l'élève à besoins spécifiques.

Pour comprendre le profil particulier de leur élève à besoins spécifiques, les enseignants auront donc au minimum à lire les documents envoyés par les spécialistes afin de fixer la nature, la durée et les modalités des aménagements pédagogiques. Ces documents établis par les spécialistes occupent une place particulièrement importante, car ils constituent le socle sur base duquel l'équipe éducative dans le fondamental ou le conseil de classe en secondaire va élaborer et évaluer les aménagements pédagogiques à mettre en place.

Le code évoque donc la tenue de réunions de concertations rassemblant le directeur ou son délégué, l'équipe éducative dans l'enseignement fondamental, le conseil de classe dans l'enseignement secondaire, ou leurs représentants, un représentant du centre PMS compétent pour l'école ordinaire concernée, si l'un des partenaires ou le directeur du centre PMS l'estime nécessaire, les parents de l'élève ou l'élève lui-même s'il est majeur, un représentant du pôle territorial compétent lorsque la prise en charge de l'élève concerné par le pôle pourrait être nécessaire. Nous consacrerons une autre analyse à la faisabilité de la tenue de ces réunions de concertation dans les écoles. Nous questionnons cependant déjà cette autorisation à obtenir de la part de la direction de l'école pour que les spécialistes qui suivent l'enfant à besoins spécifiques puissent participer à ces réunions de concertation. Qu'est-ce qui pourrait motiver une direction, des enseignants à refuser de recevoir des clés de compréhension, un éclairage sur les besoins spécifiques d'un de leurs élèves ?

Les enseignants de l'ordinaire déplorent depuis longtemps les manquements dans leur formation initiale en ce qui concerne l'accompagnement et l'encadrement des élèves à besoins spécifiques. Ne serait-ce pas là une occasion pour eux de s'informer auprès d'acteurs spécialisés dans cet accompagnement ? Pourquoi ouvrir ainsi les portes des écoles au monde médical et paramédical sous conditions ? Il y a, en plus, une différence de traitement entre les centres PMS et les spécialistes. Le centre PMS qui éventuellement a posé un diagnostic pour l'élève concerné[8] peut venir à ces réunions de concertation si l'un des partenaires ou le directeur du centre PMS l'estime nécessaire. Sa présence n'est pas soumise à l'accord de la direction, alors que le spécialiste qui a posé le diagnostic pour un autre enfant doit obtenir l'accord de la direction et pourrait donc se voir refuser d'assister à ces réunions de concertation. Pourquoi cette différence ?

Comment se déroule cette entrée du monde médical et paramédical dans le monde scolaire ?

  • Du point de vue des spécialistes

Rappelons, si cela est encore nécessaire, que, pour ouvrir le droit aux AR, l'élève doit, selon le code, fournir ce fameux sésame qui atteste de ses besoins spécifiques. Le monde médical et paramédical s'est donc retrouvé dans la position de producteur d'attestations, de preuves pour ouvrir un droit pour leurs patients. Soulignons qu'il n'y jamais eu de concertation entre ces deux secteurs, scolaire et médical, préalablement à cette disposition décrétale. Le monde médical et paramédical ne comprenait pas bien ce que l'école attendait de lui. Et l'école a parfois fait preuve d'excès de zèle en exigeant de recevoir l'intégralité des bilans médicaux et en particulier les scores des tests de QI. La question du secret médical se trouve aussi au cœur de cette question des documents à transmettre aux écoles pour ouvrir le droit aux aménagements.

Dans son article traitant des liens entre orthophonie et école, Marianne Woollven[9] a interrogé de nombreux orthophonistes[10] sur leurs pratiques professionnelles et le lien très étroit qu'ils entretiennent avec l'école. L'objet professionnel de l'orthophonie est bien le langage dans sa totalité ; or, l'école précisément développe les compétences en lecture et écriture. L’orthophonie est dépendante de l’école dans la mesure où cette dernière fixe d’une part les normes d’acquisition du langage écrit sur lesquelles sont basés les bilans et rééducations paramédicaux, et qu’elle peut d’autre part lui adresser des élèves en difficultés[11]. Les orthophonistes en France ou logopèdes en Belgique vont donc dans la très grande majorité des cas intervenir quand il y a difficultés scolaires, échecs… Tout l'enjeu pour cette profession sera d'éviter une instrumentalisation par l'école, l'élève, les parents. Pas question de devenir professeur particulier, dispensateur de remédiation… Je pense que si on est orthophoniste justement on n’est pas institutrice, et qu’on ne sait pas être institutrice, on ne nous a pas formées pour être institutrices. On nous a formées pour être des thérapeutes du langage, donc on ne fait pas du tout le même travail, et je crois qu’il est important de le dire ici. Nous ne sommes pas un soutien pédagogique ou une aide pédagogique. Nous ne sommes pas l’école. Nous sommes des rééducateurs du langage. Des spécialistes du langage (UNFD, 1986).[12]  Nous avions déjà attiré l'attention dans notre étude de 2015 [13]sur cette place difficile à tenir pour les logopèdes en Belgique et en particulier pour ceux qui reçoivent les élèves dans les murs de leur école. Caroline Déom, Présidente de l’ASELF[14] , identifie plusieurs facteurs à l’augmentation des prises en charge logopédiques : pas de mise en place d’un enseignement différencié, les méthodes d’apprentissage ne sont pas en lien avec la neurobiologie (comment le cerveau d’un enfant grandit, comment favoriser la mémorisation…). La formation initiale des enseignants devrait inclure des formations en neurobiologie. Le recours trop systématique aux logopèdes dans les écoles explique aussi une grande partie de prises en charge excessives. Les logopèdes en viennent, en effet, selon elle, à faire de la remédiation scolaire plutôt que véritablement de la logopédie.

En ce qui concerne la transmission des informations liées à leur patient au monde scolaire, Marianne Woollven met en évidence que le secret médical est bien d’application ainsi que l’obtention de l’accord des parents sur ce qui sera transmis. Le tri des informations relayées aux écoles se déroule selon différents critères : informations nécessaires à l'organisation de la scolarité, compétences, capacités, difficultés… En entretien, un responsable syndical explique qu’il y a des choses « qu’on n’a pas à dire » aux enseignants. Il estime qu’avec l’accord des parents, il est possible de « parler des compétences, des capacités et des déficiences [...] dire […] comment le patient, dans ce cas-là l’enfant, tirerait un meilleur profit de, compte tenu de ses difficultés et de ses capacités, en le représentant comme-ci ou comme-ça, oui. Mais après voilà, ça va pas aller plus loin »[15]. Les éléments d'information sur l'origine des troubles ne seront pas transmis à l'école, car cela ne sera pas utile aux enseignants et cela pourrait être préjudiciable aux jeunes. Ainsi, l’origine du trouble, c’est-à-dire la dimension paramédicale, est considérée comme extérieure aux compétences de l’école et ne la concerne donc pas. Seules peuvent être transmises des informations relatives aux « compétences », qui peuvent avoir un effet sur les apprentissages et les résultats scolaires. Il revient donc à l’orthophoniste de juger ce qui est nécessaire à l’organisation de la scolarité et donc de déterminer ce qui relève de son propre champ d’action d’une part et du domaine de l’école d’autre part.[16]

  • Ce qu’en dit l’école

Nous avons interrogé différents intervenants qui œuvrent dans l'accompagnement d'élèves à besoins spécifiques dans l'enseignement ordinaire[17] : enseignants et éducateurs relais EBS, direction d'école secondaire, psychologue d’un centre PMS, formatrices d'enseignants sur la thématique des EBS, orthopédagogue, neuropsychologue, personnes travaillant dans un pôle territorial[18], parents d'EBS, APEDA[19], EHD[20], Le ballon vert[21], Class Contact[22]… Dans les faits, en Fédération Wallonie-Bruxelles, les écoles ont vu arriver toutes sortes de documents : des bilans médicaux dont ils ne saisissaient parfois pas un traître mot, des attestations mentionnant simplement le trouble concerné, des listes standardisées d'aménagements où tout était coché, des documents expliquant les difficultés de l'enfant et leurs conséquences sur les apprentissages… Je reçois des bilans tous les jours, ils sont indéchiffrables avec leur liste prédéfinie d’aménagements à mettre en place. Parfois il y en a 25 qui sont cochés à mettre en place à l’école et à la maison. Ce n’est pas du tout réaliste.

On reçoit des protocoles de 3-4-5 pages, c’est beaucoup trop long. Face à cette situation, le collège a fait une fiche reprenant les aménagements qu'il peut faire et que l’on renvoie directement au paramédical, au spécialiste. Nous nous sommes basés sur les 8 fiches outils enseignants de la FWB et nous avons repris les aménagements que l’école sait mettre en place :  en classe, pour les évaluations… On met un petit point autre, mais on ne laisse pas trop de place car cela doit rester faisable au niveau de l’équipe pédagogique.[23]

Maïté Pire, ergothérapeute et coordinatrice AR au pôle la Cime, déplore aussi cette inadéquation des documents fournis par le monde médical ou paramédical aux écoles. Celles-ci bien souvent ne savent rien en faire et ne peuvent pas se baser sur ceux-ci pour concevoir les aménagements pour leur élève à besoins spécifiques. Pour elle, il faudrait que les paramédicaux eux aussi se forment et s'informent pour avancer vers une école inclusive. Il faudrait même sensibiliser les paramédicaux à ce décret, car il y a encore beaucoup trop de bilans de logo, ergothérapeutes, neuropsy qui font une liste d’AR et qui ne sont pas du tout dans l’échange avec l’école ni dans la volonté de construire quelque chose avec l’école qui soit vraiment en lien avec les besoins de l’élève et la réalité de l’école. Cela ne vient pas en soutien dans la rédaction du protocole. C’est juste un bilan et ils pensent que leur travail est fini. Dans la démarche d’une école inclusive, si tout le monde ne s’y met pas, alors je suis d’accord pour dire que les écoles auront trop à faire.

Selon Maïté Pire, les écoles n’ont pas besoin du diagnostic, de l’étiquette, mais plutôt de comprendre quels sont les difficultés et les besoins du jeune. Un enseignant pourra plus facilement accompagner le jeune quand il aura compris que c’est une difficulté dans la compréhension de texte, dans la lenteur à la lecture. Il se sentira plus à même de trouver comment aider le jeune, même en dehors des AR. Elle préconise qu’à côté du bilan rédigé pour le médecin, les paramédicaux rédigent une annexe spécifique destinée aux écoles dans laquelle ils expliquent les répercussions du trouble sur la scolarité et les apprentissages pour que les enseignants puissent plus facilement imaginer des aménagements et y mettre du sens.

Françoise Drion qui est responsable à l'EHD attire l'attention sur le risque de limiter un élève à une étiquette. Le monde médical et paramédical colle une étiquette sur le dos de l'enfant. Mais comment vit-il cela ? Et sa famille ? Il est primordial de replacer l'enfant et sa famille au centre des discussions. La famille a aussi un rôle ; elle a des attentes et des souhaits qu’il faut pouvoir entendre et ne pas se contenter de les repousser quand on ne peut pas y répondre positivement. Bien souvent les familles nous disent : "Oui mais à l’école, ils ne veulent pas. Ils disent que ce n’est pas possible et on a une fin de non-recevoir." Le dialogue doit rester vivant avec les familles et les enfants et pas seulement avec ceux qui font les rapports, les diagnostics.

Les enseignants relais et directions présentes soulignent aussi combien il est primordial que l’élève soit associé au processus. Les AR fonctionnent quand l’élève est partie prenante du processus. Et parfois les adultes imaginent des choses qui ne correspondent pas du tout aux besoins de l’élève. Les parents ne comprennent pas parfois.

Les écoles sont toutes confrontées à des accompagnements très différents de leurs élèves. Certains élèves "faiblement" à besoins spécifiques se retrouvent détenteurs d'un droit à des aménagements pédagogiques, matériels ou organisationnels parce que les parents ont fait les démarches, alors que d'autres, à besoins spécifiques plus lourds, ne possèdent pas le fameux sésame. Que faire ? Adopter à la lettre le décret ? Adopter une vision plus large des besoins spécifiques et des aménagements que celle du décret ?

Au-delà de l'adéquation des documents fournis par le monde (para)médical, l’école reproche aussi au monde médical ou paramédical de reporter parfois toute la charge et la responsabilité sur les seules épaules des enseignants. Le bilan dit que l’enfant est TDA, il y a une liste d’aménagements à mettre en place, mais aucun suivi n’est assuré auprès de l’enfant : pas de ritaline, pas de suivi neuropsy. Il n’y a rien. C’est comme si le spécialiste était là pour donner le diagnostic, puis plus rien. Les seules possibilités que l’enfant ait, c'est que nous l’école, on mette en place les aménagements. Il y a des choses qui bloquent dans les écoles, c'est vrai, mais aussi ailleurs, dénonce une enseignante ressources EBS.

Les professionnels qui suivent les enfants et qui accompagnent les familles sont parfois suspectés d'abuser de celles-ci. En effet, les élèves sont les "patients" de ces thérapeutes, c'est leur fonds de commerce. Et de plus, ils viennent en donneurs de leçons dans les écoles sans prendre en considération que l'enseignant est face à 25 élèves, alors que le thérapeute, lui, suit son patient individuellement dans son cabinet.

Nous ne pouvons que constater que si la communication du monde médical et paramédical vers l'école se limite à une transmission d'étiquette et une liste standardisée d'aménagements, elle rate complètement sa cible. Il était urgent de rassembler ces deux mondes pour se mettre d'accord sur un outil diagnostic qui pourrait soutenir les enseignants et servir de base à la mise en place d'aménagements adéquats en concertation avec l'élève et sa famille. Thérèse Lucas, chargée de mission à la cellule aménagements raisonnables de la Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire, a lancé un groupe de travail sur cette question et présente pour le moment à différents organes un outil conçu en concertation avec différents professionnels (Pôles territoriaux, centres PMS, paramédicaux) pour proposer un protocole commun qui simplifierait la communication entre les personnes qui font le diagnostic et les enseignants. L'idée n'est pas de ne pas mettre le diagnostic en évidence, mais plutôt de partir des besoins de l’élève.

Espérons que cet outil diagnostic puisse être élaboré en concertation avec les familles et les jeunes concernés. Il est, en effet, essentiel de les associer à ce processus d'identification des forces, faiblesses, besoins, etc.  pour éviter le piège d'une attente démesurée envers l'école, les enseignants ou envers l'enfant lui-même.

Conclusion

Depuis septembre 2018, l'articulation entre les mondes (para)médical et scolaire s'est déroulée avec quelques grincements de dents. Les experts du monde (para) médical se sont retrouvés prescripteurs d'attestations sans avoir pu dialoguer préalablement avec le monde scolaire. A la parution du décret, les enseignants ont eu l'impression d'être inondés de "nouveaux" dys et d'attestations aux profils très variés. Le décret a aussi parfois été brandi comme un outil de revendications. Les parents les plus avertis ont bien compris que cette attestation était le sésame pour ouvrir le droit aux aménagements raisonnables. Ils transmettent donc parfois en toute bonne foi l'intégralité des bilans médicaux aux écoles. D'autres parents ne connaissent pas l'existence des aménagements raisonnables ni des besoins spécifiques. Beaucoup de parents sont perdus et désorientés aussi après avoir reçu l'annonce du diagnostic. Le monde médical et paramédical a un rôle essentiel à jouer auprès de ses parents pour expliquer les conséquences de tel ou tel trouble sur la scolarité de leur enfant, mais aussi sur la vie quotidienne de leur enfant. Les parents, la fratrie auront eux aussi à s'adapter, à mettre en place des stratégies… Comment aider son enfant TDA/H à gérer son impulsivité ? Comment aider les frères et sœurs à décoder les signes précurseurs d'un débordement émotionnel ?

Pour l'UFAPEC, proposer aux professionnels un outil diagnostic approuvé et porteur de sens pour les écoles est un pas indispensable vers un accompagnement constructif pour l'élève à besoins spécifiques. Encore faut-il l'y associer, ainsi que sa famille qui a aussi besoin d'être aiguillée et guidée pour un accompagnement adéquat. Cet outil ne peut cependant pas exister, comme l'ont souligné les nombreux témoins rencontrés dans le cadre de cette analyse, sans l'organisation de réunions rassemblant l'école, la famille, l'élève, le thérapeute ou toute personne pouvant éclairer sur le profil particulier de l'enfant. Cet outil aura aussi à être adapté en fonction de l'évolution de chaque élève à besoins spécifiques.

Le relationnel école-experts ou centre PMS -famille-élève à besoins spécifiques a toute sa raison d'être pour identifier les besoins, les ressources, les forces et s'accorder sur des stratégies communes. Il en va du bien-être de tous !

 

Anne Floor

 

 


[1] https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/44807_000.pdf. Nous l’appellerons par facilité décret « aménagements raisonnables ».

[2] Articles 1.7.8-1 et suivants du Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire. LOI - WET (fgov.be)

[3] Les missions des pôles territoriaux sont définies à l’article 6.2.3-1 du décret du 17 juin 2021 portant création des Pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en œuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale. 

[4] Articles 1.7.8-1 et suivants du Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire. LOI - WET (fgov.be)

[5] Arrêté du Gouvernement de la Communauté française fixant la liste exhaustive des professions médicales, psycho-médicales et paramédicales reconnues officiellement pour poser le diagnostic invoqué pour la mise en place des aménagements raisonnables dans l'enseignement fondamental ou secondaire ordinaire. https://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_02.php?ncda=47077&referant=l01

[6] Un bilan neurovisuel chez les enfants présentant des troubles des apprentissages peut s’avérer utile dans le diagnostic et la prise en charge de leurs difficultés. Une mauvaise vision, un trouble réfractif, une vision binoculaire perturbée ainsi qu’une altération de la vision fonctionnelle peuvent être un obstacle supplémentaire aux apprentissages et devraient être dépistés systématiquement chez les enfants atteints de dyslexie, de dyspraxie, de troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité ou à haut potentiel. Extrait d’une fiche de la boîte à outils coordonné par l’UFAPEC et l’APEDA, Temps 2 Recevoir le diagnostic 2. Suivi thérapeutique de l’enfant. https://www.ufapec.be/files/files/outils_brochures/Fiches-outils-DYS/th-5-diagnostic-suivi-therapeutique-enfant.pdf

[7] Articles 1.7.8-1 et suivants du Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire. LOI - WET (fgov.be)

[8] Conformément à l'article 5, § 3, du décret du 14 juillet 2006 relatif aux missions, programmes et rapport d'activités des centres psycho-médico-sociaux, lorsque la demande de mise en place d'aménagements raisonnables est introduite par les parents de l'élève mineur ou de l'élève lui-même s'il est majeur ou de toute personne investie de l'autorité parentale ou qui assume la garde en fait de l'enfant mineur, par un membre du conseil de classe ou par le centres psycho-médico-sociaux, ce dernier est également habilité à établir un diagnostic. Article 3 de l’Arrêté du Gouvernement de la Communauté française fixant la liste exhaustive des professions médicales, psycho-médicales et paramédicales reconnues officiellement pour poser le diagnostic invoqué pour la mise en place des aménagements raisonnables dans l'enseignement fondamental ou secondaire ordinaire. Microsoft Word - 20190717s47077.docx (cfwb.be)

[9] Maîtresse de conférences en sociologie à l'INSPE Clermont-Auvergne 

[10] Les orthophonistes sont les équivalents en France des logopèdes en Belgique.

[11] Marianne Woollven, « L’orthophonie et les troubles du langage écrit : une profession de santé face à l’école », Revue française de pédagogie [En ligne], 190 | janvier-février-mars 2015, mis en ligne le 31 mars 2018, consulté le 09 décembre 2021, section 17.

[12] Propos d’une orthophoniste, lors d’un colloque organisé en 1986 par l’Union nationale France Dyslexie (UNFD).

[13] Elèves « Dys », TDA/H, HP… : au-delà des discours, quels outils pour les enseignants et les professionnels de la santé ? Etude UFAPEC - décembre 2015 N°35.15/ET 2 https://www.ufapec.be/files/files/analyses/2015/3515-etude-dys-enseignants.pdf

[14] SELF : association scientifique et éthique des logopèdes francophones

[15] Marianne Woollven, « L’orthophonie et les troubles du langage écrit : une profession de santé face à l’école », Revue française de pédagogie [En ligne], 190 | janvier-février-mars 2015, mis en ligne le 31 mars 2018, consulté le 09 décembre 2021, Section 28.

[16] Ibidem.

[17] Réunion zoom organisée le 19 mai 2021 par l’auteure.

[18] Concrètement, un pôle territorial est une structure attachée à une école d’enseignement spécialisé, dite « école siège ». Les pôles territoriaux constitueront, pour les écoles d’enseignement ordinaire, un soutien concret dans la mise en place des aménagements raisonnables (AR) et des intégrations permanentes totales (IPT) au bénéfice des élèves à besoins spécifiques (EBS), sur tout le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

[19] L’Association belge de Parents et Professionnels pour les Enfants en Difficulté d’Apprentissage est un centre d’expertise pluridisciplinaire, intégrant des parents, des enseignants et des thérapeutes, actif depuis 1965 sur l’ensemble des troubles de l’apprentissage (troubles “Dys” mais aussi TDA/H et HP). C’est aussi un espace d’écoute et d’orientation pour les parents de jeunes présentant des troubles de l’apprentissage.

[20] L’École à l’Hôpital et à domicile donne la possibilité à tout enfant malade, inscrit dans l’enseignement maternel, primaire ou secondaire, de ne pas décrocher sur le plan scolaire et de pouvoir réintégrer son école d’origine dans les meilleures conditions. Des professeurs se rendent auprès des jeunes et adaptent les cours à leurs besoins et à leurs possibilités. Ils sont bénévoles et les cours donnés sont gratuits.

[21] L'asbl Le Ballon Vert est une association sans but lucratif, créée en 2008, à la suite du constat des difficultés rencontrées par les parents pour scolariser leurs enfants porteurs de handicaps moteurs visibles et non visibles (troubles de l’apprentissage).

[22] ClassContact est une Asbl qui installe gratuitement, à domicile, à l’hôpital et dans la classe, le matériel informatique et les connexions Internet nécessaires à l’enfant malade pour entrer en contact avec sa classe. Il peut ainsi suivre les cours en direct et communiquer avec les enseignants et les élèves.

[23] Témoignages d'enseignants ou éducateurs relais élèves à besoins spécifiques dans des écoles secondaires

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