Analyse UFAPEC décembre 2020 par A.Pierard

19.20/ Intégration dans l’enseignement ordinaire, besoin de soutien supplémentaire ?

Introduction

L’intégration des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire existe légalement depuis de nombreuses années. Depuis 2009, de plus en plus d’élèves et leurs parents sont heureux de pouvoir bénéficier du cadre du décret pour mettre en place des protocoles d’intégration, avec le soutien de l’enseignement spécialisé.

Depuis la création du regroupement des parents de l’enseignement spécialisé à l’UFAPEC en 2011, nous entendons, lors de nos réunions, des parents satisfaits du système, mais d’autres se plaignent du peu de périodes de soutien accordées dans le cadre de ces projets d’intégration. Lors des rencontres, ces parents nous expliquent que les quatre périodes prévues dans le cadre du décret ne sont pas suffisantes pour accompagner correctement leurs enfants dans l’enseignement ordinaire. Ces mêmes parents se tournent alors vers d’autres dispositifs pour donner le meilleur à leurs enfants : services d’accompagnement de l’AVIQ[1] ou du PHARE[2] et ASBL diverses. Qu’est-ce qu’ils apportent de plus que l’enseignement spécialisé ? Comment suppléent-ils aux manquements du système ?

Prônée par le pacte pour un enseignement d’excellence, l’inclusion scolaire est un enjeu important pour la scolarité des élèves à besoins spécifiques, c’est leur intégration qui est en jeu et, par la suite, la place qu’ils pourront prendre ou pas dans notre société. Comme les conventions relatives aux droits des enfants et des personnes en situation de handicap le stipulent, les élèves à besoins spécifiques ont droit à une scolarité épanouie et une inclusion scolaire dans l’établissement de leur choix.

A l’heure où les pôles territoriaux se mettent en place pour la rentrée scolaire 2021, il nous semble important de nous pencher sur la question de l’inclusion scolaire. Quels sont les besoins des enfants, des écoles et des familles en termes d’intégration scolaire dans l’enseignement ordinaire ? De quoi les écoles ordinaires ont-elles besoin ? Comment l’enseignement spécialisé peut-il y répondre ? Comment créer des synergies constructives entre l’enseignement spécialisé et l’enseignement ordinaire ? Quelle place, à leurs côtés, pour des services non scolaires ? Comment se coordonnent ces différents types d’aides ? Est-ce vraiment un plus pour l’enfant ?

L’inclusion scolaire

Fréquenter l’enseignement ordinaire est de plus en plus demandé par les familles d’élève à besoins spécifiques pour être intégré au maximum, pour aller dans l’école du village, pour être en classe avec les copains du quartier, pour être scolarisé avec la fratrie… Le souhait est de pouvoir vivre dans un environnement scolaire ordinaire. Les moyens mis en place actuellement pour aider cette inclusion scolaire sont les aménagements raisonnables et l’intégration.

  • Les aménagements raisonnables

Un aménagement raisonnable est une mesure appropriée, prise en fonction des besoins dans une situation concrète, afin de permettre à un élève à besoins spécifiques d’accéder, de participer et de progresser dans son parcours scolaire, sauf si ces mesures imposent à l’égard de l’établissement qui doit les adopter une charge disproportionnée. Le caractère raisonnable de l’aménagement est évalué entre autres, à la lumière les indicateurs définis dans le décret.[3] Les aménagements raisonnables, bénéficiant d’un cadre légal depuis 2018, sont un élément essentiel dans l’évolution de l’inclusion scolaire. Ils permettent d’adapter les méthodes et outils selon les besoins spécifiques de l’élève, sans devoir faire appel à l’enseignement spécialisé. Mais ce n’est pas toujours facile pour les parents de faire accepter par les enseignants la mise en place de ces aménagements. Certains enseignants sont réticents, ne veulent pas s’adapter en pensant que cela n’est pas juste par rapport aux autres élèves de la classe. Certains pensent qu’ils vont perdre du temps dans le programme s’ils doivent s’arrêter aux particularités de chaque élève. La question importante à ce sujet est de savoir si l’enseignement doit être égalitaire ou équitable.

  • L’intégration

L’intégration scolaire des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire bénéficie d’un cadre légal en 2009 grâce à deux textes de loi :

  • Le décret du 5 février 2009 relatif à l’enseignement intégré[4] ;
  • La Convention des Nations Unies ratifiée par la Belgique le 23 mars 2009.[5]

En pratique, l’intégration dans l’enseignement ordinaire consiste en une mise en synergie de l'enseignement spécialisé et l'enseignement ordinaire ; une collaboration entre écoles concrétisée par un protocole d'intégration et un plan individuel d’apprentissages (PIA) construits en concertation ; des périodes d'accompagnement de l'élève par du personnel de l'enseignement spécialisé. L’objectif est de mettre à la disposition de la personne handicapée les ressources et moyens indispensables au développement de son autonomie et à la compensation de ses limitations fonctionnelles.[6]

Selon les besoins spécifiques de l’élève, son parcours et la collaboration instaurée entre les écoles et les centres P.M.S., l’intégration scolaire peut prendre trois formes :

  • une intégration permanente totale ;
  • une intégration permanente partielle (pour une partie des cours) ;
  • une intégration temporaire partielle (pour une partie des cours et une durée déterminée).

L’élève en intégration peut bénéficier de quatre périodes (une période équivaut à une heure) d’accompagnement de la part d’un membre de l’équipe de l’école spécialisée partenaire. Pour certains, cela ne suffit pas. Comme l’explique Ludivine Halloy, conseillère pédagogique au SeGEC, les quatre périodes octroyées actuellement, c’est vrai que c’est peu. L’intégration avec l’intervention ponctuelle d’un professionnel ne suffit pas, car il n’est présent que quatre périodes par semaine. Si aucun aménagement raisonnable n’est mis en place le reste du temps c’est évidemment largement insuffisant. L’élève à besoins spécifiques nécessite des aménagements au quotidien et non une intervention ponctuelle.[7]

Pour combler les manques, les parents qui le peuvent décident de mettre en place d’autres choses, parfois en complément de l’intégration, avec des services et ASBL actifs en matière d’inclusion scolaire. Qu’est ce qui est possible actuellement ? Est-ce accessible pour tous les élèves à besoins spécifiques et leurs familles ? Est-ce que cela répond à leurs besoins ? Comment coordonner ces différents services au bénéfice de l’élève à besoins spécifiques ?

Les partenaires externes de l’inclusion scolaire

  • Les services de l’AVIQ et du PHARE

L’intégration scolaire fait partie des missions des services d’accompagnement dépendant de ces deux institutions. Ils peuvent aider à la mise en place d’un projet d’intégration dans le cadre du décret, mais ils peuvent aussi accompagner l’enfant en classe, qu’il y ait projet d’intégration ou non. L’idée est de travailler en complémentarité avec l’école, ordinaire ou spécialisée, pour répondre aux besoins spécifiques de l’élève et accompagner sa scolarité.

La Fédération Wallonie-Bruxelles et les régions (wallonne et bruxelloise) sont liées par des accords de coopération pour assurer ce soutien dans la scolarité des élèves à besoins spécifiques. Cet accord permet aux services agréés d’intervenir auprès des élèves pendant le temps scolaire, en collaboration avec les écoles. Cet accord officialise et réglemente les collaborations entre l’enseignement et les services de l’AVIQ et du PHARE afin de soutenir l’intégration scolaire.

Elodie et Camille ont, toutes les deux, été engagées, chacune, dans un service d’aide précoce (SAP)[8] comme détachées dans le cadre de projets d’inclusion scolaire. Elodie explique essayer de maintenir une fréquence pour le suivi des enfants. Quand on met en place un accompagnement scolaire, on essaie d’aller au moins une fois par semaine. J’ai déjà essayé tous les 15 jours et cela n’apporte rien. On essaie d’accorder le temps qu’il faut, sur un territoire énorme. Cela ne représente qu’une dizaine d’enfants.[9] Camille précise pouvoir suivre sept enfants par semaine.

Camille explique s’organiser avec l’institutrice. Comme c’est du maternel, elle travaille souvent par ateliers. Souvent, elles font les ateliers avec les enfants, et on me propose de refaire avec l’enfant ce qui n’a pas été pendant la semaine. On prend donc le temps de refaire ce qui a été compliqué le reste de la semaine. On parle des activités de la semaine à venir avec l’institutrice et je fais également savoir si une activité me semble compliquée pour l’enfant, s’il y a besoin d’adapter. On peut mettre en place du matériel adapté.[10]

  • Les associations spécifiques

Depuis plusieurs années, des associations émergent et ont une vision d’inclusion scolaire. Ces associations peuvent apporter une aide pédagogique, un soutien scolaire aux élèves à besoins spécifiques :

  • L’APEDAF (association des parents d’enfants déficients auditifs francophones) ;
  • « Cœur à Corps » auprès des élèves porteurs des différents besoins spécifiques ;
  • La fondation SUSA auprès d’élèves autistes ;
  • « On souffle dans ton dos » auprès d’élèves porteurs de troubles du développement ;
  • « Roméo ASBL » auprès d’élèves ayant des troubles autistiques ou un handicap léger mental ou physique ;
  • Etc.

D’autres associations ne sont pas actives auprès des élèves à besoins spécifiques dans les écoles, mais défendent l’inclusion scolaire, font de la sensibilisation et aident à la mise en place de projets d’intégration et d’aménagements raisonnables. Pour en citer quelques-unes, avec lesquelles l’UFAPEC est en lien : l’APEAD (aphasie et dysphasie), l’APEDA (difficultés d’apprentissages), l’APEPA (autisme), Inclusion ASBL (handicap mental), EHP Belgique (haut potentiel), TDAH Belgique (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), X Fragile ASBL (syndrome X Fragile, cause de déficience intellectuelle), Grandir ensemble.

Ces associations pensent pallier les manques du système. Comme l’expliquent Josée Comparato, aide pédagogique pour l’APEDAF, et Sophie Leclère, responsable de l’ASBL Cœur à Corps, nombreux sont les parents et professionnels qui sont d’accord pour dire qu’il n’y a pas assez d’heures d’intégration. Sophie Leclère remarque qu’il y a de plus en plus d’associations comme les nôtres qui sont là, mais on est vraiment des bouche-trous. On pallie les manques de l’État. Josée Comparato précise que leurs associations sont des bouche-trous mais, pas au sens péjoratif, car on vient avec plus de choses. C’est comme l’opération CAP48 ou les masques cousus par la population dans le cadre de la crise sanitaire due à la covid-19. Est-ce normal que des associations et des citoyens pallient les manques de l’État ? Le système scolaire ne devrait-il pas permettre une inclusion scolaire de qualité sans l’intervention de ces associations ?

Des parents préfèrent faire appel à ces associations que de mettre en place un projet d’intégration avec l’enseignement spécialisé, car cela ne nécessite pas une orientation, une étiquette qui confirme le handicap de l’enfant. Actuellement, pour mettre en place un projet d’intégration scolaire, il faut passer par l’enseignement spécialisé. Mais, comme l’explique Josée Comparato, beaucoup de parents n’ont pas forcément envie que leur enfant soit inscrit dans le spécialisé. Dans l’esprit des gens, le spécialisé a encore une connotation négative, cela renvoie au handicap.[11] Dans le même sens, Camille explique que pour les parents c’est compliqué de se faire à l’idée que leur enfant relève de l’enseignement spécialisé, ils sont encore dans le deuil de l’enfant ordinaire, dans l’acceptation du handicap.[12]

Pour ce qui est du travail concret de ces associations auprès des élèves à besoins spécifiques, Sophie Leclère et Josée Comparato expliquent ce qu’il en est pour leurs associations.

  • L’ASBL Cœur à corps travaille aux côtés d’enfants pour qui les quatre heures d’intégration ne sont clairement pas suffisantes. Notre activité est orientée par rapport à l’outil numérique, l’entrée de la tablette dans la scolarité d’un enfant. On est complémentaires à l’intégration, car celle-ci n’aborde pas forcément l’outil numérique. On va vraiment partir sur cette demande-là, gérer l’outil numérique en parfaite autonomie.[13]
  • Josée Comparato explique l’intérêt de l’APEDAF pour les élèves malentendants et leurs parents. Nous allons en classe ou au domicile de l’enfant, cela fait une sacrée différence pour les remédiations individuelles, c’est une de nos forces. De plus, par rapport aux quatre périodes de suivi par l’enseignement spécialisé, quand l’APEDAF peut en donner 10, forcément, les parents vont trouver cela plus intéressant.[14] Ce qui plait particulièrement, c’est cette flexibilité de présence, à la maison comme à l’école.

Ces associations déplorent un manque de reconnaissance par le monde de l’enseignement. Comme l’explique Josée Comparato, nous faisons le même boulot que les enseignants du spécialisé, la qualité est exactement la même, la formation du personnel est la même et pourtant nous avons toujours le sentiment d’être la cinquième roue du carrosse. Et cela est une frustration immense pour nous. Nous aimerions être reconnus officiellement comme tous les autres partenaires.[15]

Sophie Leclère abonde dans son sens. L’école ne se rappelle pas toujours nous avoir demandé de venir. On se retrouve parfois dans des réunions très cocasses où les gens ne savent pas qui on est. On n’est pas considérés toujours à notre juste valeur. Un autre aspect du manque de considération, c’est par exemple quand on arrive et qu’on nous apprend que les enfants font un spectacle ou que c’est journée pédagogique.[16]

Elodie partage ce vécu. On a beau initier beaucoup de choses dans une école, quand il y a des réunions, on nous oublie. On doit appeler nous-mêmes pour connaitre la date. Ils font leur petite popote avec l’école spécialisée et font comme si de rien n’était quand tu les appelles pour savoir quoi.[17] Camille explique avoir modifié cela. Maintenant c’est moi qui programme les réunions, comme ça je suis sûre de ne pas être oubliée.[18]

De plus, certains enseignants ne voient pas d’un bon œil la présence d’un tiers dans la classe, pensant que cela distrait l’ensemble des élèves. Comment collaborer dans ces conditions ?

On peut aussi se poser la question de la légitimité de ces professionnels à travailler auprès des élèves à besoins spécifiques en milieu scolaire. Quelle est leur formation ? Qu’en est-il quand ce sont des volontaires qui interviennent ?

Un autre problème par rapport à ces associations, c’est la participation financière qui peut freiner les demandes d’intervention de la part des parents. Sophie Leclère le reconnait, la participation financière des parents est un frein pour certaines familles, chaque cas est analysé séparément. Il y a des arrangements financiers possibles.[19] Comme l’explique Josée Comparato, nous demandons une contribution forfaitaire. Nous sommes une ASBL. Nous avons des frais comme les déplacements, les bureaux, le matériel pédagogique… l’ASBL a donc besoin de fonds propres pour tous ces frais inhérents au fonctionnement. Nous avons eu de la chance de recevoir des fonds du côté du Fonds Reine Paola (subside ponctuel). Ceux-ci nous ont permis d’aider les familles en difficulté.[20]

De plus, ce n’est pas toujours facile pour les parents de connaitre ces associations et d’y faire appel. Les associations actives dans le monde du handicap sont nombreuses et dispersées. Pour aider les élèves à besoins spécifiques et leurs parents, faut-il envisager un répertoire de celles-ci ? Ces associations pourraient-elles rassembler leurs forces et travailler en cohésion afin d’être accessibles pour tous ?

Il faut aussi souligner l’importance de la coordination entre services (enseignement spécialisé, services de l’AVIQ et du PHARE et associations). C’est une cacophonie qui se joue parfois au détriment de l’élève entre ces différents intervenants qui défendent chacun leur travail. Les écoles en ont marre de voir débarquer des personnes différentes dans les classes. La concertation est plus qu’essentielle entre tous ces partenaires.

Comme le pointe Ludivine Halloy, il faut aussi reconnaitre que le système actuel, avec les 4 périodes d’accompagnement ou l’intervention des services du PHARE et de l’AVIQ, déresponsabilise les équipes enseignantes par rapport aux aménagements à mettre en place. Quelqu’un vient pallier les besoins de l’enfant à certains moments de la semaine, mais cela empêche de réfléchir à ce que l’enseignant peut faire pour s’adapter.[21]

L’aide ponctuelle de l’enseignement spécialisé, des services de l’AVIQ et du PHARE et des associations spécifiques ne semble donc pas suffire pour une inclusion réussie des élèves à besoins spécifiques.

Quel avenir pour l’inclusion scolaire ?

Dans l’avis du Pacte pour un enseignement d’excellence, un des objectifs est d’inscrire l’approche évolutive propre à l’école inclusive et les différents aspects de l’enseignement à des élèves à besoins spécifiques dans la formation initiale et continuée des personnels enseignants et de directions ; et renforcer les stages dans l’enseignement spécialisé dans toutes les filières de formation initiale des enseignants.[22] Pour un enseignement inclusif de qualité, un prérequis  est d’avoir sur le terrain, dans l’enseignement ordinaire, des enseignants formés à s’adapter aux besoins spécifiques des élèves.

Il est aussi prévu d’envisager une mise en œuvre progressive des aménagements raisonnables sur le plan matériel, pédagogique et organisationnel, afin de rendre l’enseignement ordinaire apte à répondre aux besoins spécifiques des élèves ; et, lors de toute création de place, mettre en œuvre une démarche visant à la création de place pour élèves à besoins spécifiques.[23] Ceci afin que l’enseignement ordinaire soit réellement inclusif et ouvert aux besoins spécifiques des élèves.

Dans ce sens, une évolution du système d’intégration scolaire est envisagée. Il faut réfléchir de manière globale le soutien et l’accompagnement des élèves à besoins spécifiques et pas seulement apporter un soutien ponctuel, au cas par cas. Cette évolution de l’enseignement ne veut pas dire que les services et associations œuvrant dans le milieu n’ont plus leur place et leur raison d’être. Comme le souligne Ludivine Halloy, au contraire, elles ont des compétences très précieuses. Pour la plupart, leur équipe est hyperspécialisée dans un domaine. Ces ASBL ont développé une réelle expertise et peuvent former les enseignants dans une visée inclusive. Au SeGEC, nous avons une cellule de formateurs pour les aménagements raisonnables. Certains de ces formateurs sont des responsables d’ASBL apportant aussi un soutien aux élèves. Comme il n’y a pas grand-chose dans la formation de base par rapport aux besoins spécifiques, il y a un réel besoin de formation continue et de travail avec des partenaires experts en la matière.[24] Ces associations peuvent soutenir l’enseignement et travailler à ses côtés pour une inclusion scolaire de qualité.

Ce n’est pas seulement le système scolaire qui doit évoluer, mais bien la société dans son ensemble. Les réactions et sentiments engendrés par la rencontre du handicap sont multiples, certaines écoles, mais aussi certains parents, ne veulent pas de l’intégration des élèves à besoins spécifiques. Face à la différence, les a priori et préjugés nourrissent les peurs, les malaises et la gêne. Que dire à une maman qui appelle l’UFAPEC parce qu’une pétition circule dans l’école de son enfant contre l’intégration une élève trisomique ? Que penser du risque de fermeture d’une classe, car la moitié des parents désinscrit leurs enfants suite à l’accueil d’un élève à besoins spécifiques ?

  • Création des pôles territoriaux

Les pôles territoriaux auront pour mission d’accompagner les écoles ordinaires dans la mise en place de leur stratégie concernant les aménagements raisonnables et l’inclusion des élèves à besoins spécifiques. Afin d’assurer ce soutien, et pour accompagner l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie relative aux aménagements raisonnables intégrée au Plan de pilotage/contrat d’objectifs de l’établissement, des « pôles territoriaux » attachés à un établissement de l’enseignement spécialisé seront créés, au sein de chaque réseau, pour accompagner concrètement et activement les établissements qui accueillent le public actuellement visé par le mécanisme de l’intégration, en particulier dans le cadre de la gestion des moyens alloués au dispositif.[25]

Les équipes des pôles territoriaux devront :

  • assurer un rôle d’interface avec les établissements d’enseignement spécialisé du territoire ;
  • assurer le lien entre les différents partenaires, internes et externes à l’école, qui jouent un rôle de soutien aux élèves ;
  • accompagner l’élaboration par l’établissement et l’équipe pluridisciplinaire du projet individuel d’apprentissage de l’élève et les aménagements raisonnables à prévoir ;
  • aider à la mise en place des aménagements raisonnables ;
  • assister les établissements dans l’information aux équipes éducatives, aux autres élèves et aux parents.

Dans le système actuel, des enseignants expriment ne pas être à l’aise avec l’intégration scolaire. Comment s’adapter et porter une attention particulière à un élève à besoins spécifiques quand on a 24 autres élèves dans la classe ? Les pôles territoriaux pourront-ils répondre aux craintes de ces enseignants ?

Elodie, Josée Comparato et Sophie Leclère espèrent qu’avec les pôles territoriaux, leur travail de partenaire sera mieux reconnu. Les services de l’AVIQ et du PHARE et les associations pourront être des collaborateurs pour les pôles dans l’exercice de leurs missions.

L’intervention permanente des pôles territoriaux dans l’enseignement ordinaire pourra rassurer les professionnels qui, comme Sophie Leclère, craignent que l’élève à besoins spécifiques soit laissé pour compte en leur absence. Il est important de garder un œil car si on n’est plus là, les aménagements risquent de disparaitre, surtout s’il n’y a pas d’intégration. Il y a des enfants pour qui on sera là toute l’année scolaire et d’autres enfants pour qui la mise en autonomie va se faire beaucoup plus vite. On sera toujours disponibles pour une réunion, une question même si on ne vient plus en classe.[26] Comme les pôles, ces associations sont des ressources précieuses pour l’inclusion scolaire.

Conclusion

L’inclusion scolaire des élèves à besoins spécifiques est en pleine évolution. Afin de faire progresser le système, les aménagements raisonnables ont été décrétés et les pôles territoriaux vont voir le jour en septembre 2021. L’objectif est de répondre au mieux aux besoins spécifiques des élèves car, comme on a pu l’observer sur le terrain, pour beaucoup d’entre eux, quatre périodes d’accompagnement par du personnel de l’enseignement spécialisé en intégration, cela ne suffit pas.

A côté de cela, des services et associations peuvent aussi apporter leur soutien aux élèves à besoins spécifiques. Les intégrations qui marchent le mieux sont celles où les intervenants (enseignement spécialisé, services de l’AVIQ et du PHARE, associations spécifiques) sont considérés comme de réels partenaires par les écoles ordinaires et où il y a une volonté de collaborer ensemble.

Le grand changement, c’est celui des mentalités et du regard sur les besoins spécifiques et l’inclusion scolaire. Il ne faut pas penser une intégration au cas par cas, mais bien une école inclusive, pouvant accueillir les élèves à besoins spécifiques avec l’aide des pôles territoriaux, des services de l’AVIQ et du PHARE et des associations partenaires. Nous rejoignons la vision de Ludivine Halloy. Il faut changer le regard et accompagner non plus uniquement les élèves, mais bien les équipes enseignantes. Il faut passer d’un système individualisé, à une prise de conscience des écoles, une vision plus macro et pédagogique de l’inclusion scolaire. Pour être dans un enseignement inclusif, il faut une politique d’adaptation généralisée. Le système actuel pallie une urgence, mais ne travaille pas sur la cause de l’incendie.[27] Pour cela, il est essentiel que les pôles territoriaux soutiennent l’enseignement ordinaire dans l’accueil des élèves à besoins spécifiques et que les services et associations spécifiques puissent trouver une place de réel partenaire, au bénéfice des élèves à besoins spécifiques dans le cadre d’un travail collaboratif.

Si la mise en place de l’intégration reste complexe et nécessite un investissement et une collaboration des différents acteurs qui ne va pas de soi, l’intégration porte aussi en elle les prémices d’une société qui a réussi le pari de la différence comme atout. Dans ce sens, l’UFAPEC demande un renforcement de l’inclusion des élèves à besoins spécifiques dans l’ordinaire parce qu’elle est essentielle. Le bain dans le milieu scolaire ordinaire favorise grandement l’évolution et la maturation des enfants à besoins spécifiques. Ils grandissent ainsi parmi toutes les sortes d’élèves sans être plongés dans un milieu composé uniquement par le handicap. Ce genre de projets peut aussi contribuer à maintenir les enfants à besoins spécifiques dans leur environnement de vie et leur éviter des heures de déplacement. Ils restent ainsi proches de leur quartier et grandissent près de leurs amis, voisins…[28]

 

Alice Pierard

 

 

[1] L’Agence pour une Vie de Qualité (AVIQ) est un organisme d’intérêt public autonome gérant les compétences de la santé, du bien-être, de l’accompagnement des personnes âgées, du handicap et des allocations familiales en région wallonne. La branche AVIQ-Handicap est chargée de mener à bien la politique wallonne en matière d'intégration des personnes avec handicap.

[2] Le Service Personne Handicapée Autonomie Recherchée (PHARE) apporte information, conseils et interventions financières aux personnes handicapées en région bruxelloise.

[3] Décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques–article 2-  01-02-2018.

[4] Décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé modifié par le décret du 5 février 2009 relatif à l’enseignement intégré : http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_01.php?ncda=28737&referant=l01

[5] Texte intégral de la Convention relative aux droits des personnes handicapées du 23 mars 2009 : http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?id=1413

[6] PETIT Christian, "De l'intégration scolaire", paru dans VST, Vie sociale et traitements, n°69, 2001, p. 35.

[7] Témoignage de Ludivine Halloy, récolté le 9 décembre 2020.

[8] Les services d'aide précoce sont des équipes de professionnels au service des parents. Ils ont pour mission de les accompagner dans leur quotidien et de les aider face au handicap de leur enfant. Par des visites régulières à la maison, à la crèche ou à l'école, le SAP établit avec les parents un projet éducatif adapté.

[9] Rencontre virtuelle avec des professionnelles des services de l’AVIQ et d’associations spécifiques, organisée par l’UFAPEC le 18 novembre 2020. Dans la suite de l’analyse, il y sera fait référence avec la mention « rencontre virtuelle ».

[10] Rencontre virtuelle.

[11] Rencontre virtuelle.

[12] Idem.

[13] Idem.

[14] Idem.

[15] Idem.

[16] Idem.  

[17] Rencontre virtuelle.

[18] Idem.

[19] Idem.

[20] Idem.

[21] Témoignage de Ludivine Halloy, récolté le 9 décembre 2020.

[22] Pacte pour un enseignement d’excellence, Avis n°3 du groupe central, 7 mars 2017, Pacte d Excellence - Avis N° 3 du Groupe central (ressource 14928).pdf, p. 245.

[23] Idem, p. 246.

[24] Témoignage de Ludivine Halloy, récolté le 9 décembre 2020.

[25] Pacte pour un enseignement d’excellence, Avis n°3 du groupe central, op cit, p. 252.

[26] Rencontre virtuelle avec des professionnelles de services de l’AVIQ et d’associations spécifiques, organisée le 18 novembre 2020.

[27] Témoignage de Ludivine Halloy, récolté le 9 décembre 2020.

[28] Mémorandum UFAPEC, 2019, MEMORANDUM-2019.pdf (ufapec.be), p 13.

 

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