Analyse UFAPEC décembre 2019 par L. Vandebroek

24.19/ Obésité juvénile : parlons santé !

 La pire indécence du XXIe siècle, c’est l’Occident obèse face au tiers-monde rachitique
Le ventre de l’Atlantique - Fatou Diome

Introduction

Aujourd’hui, force est de constater que l’obésité juvénile est devenue un problème de santé publique, tout comme la surcharge pondérale ou encore l’anorexie, mais qui ne feront pas ici l’objet d’investigation. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ainsi que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déplorent une progression de la maladie qui n’est pas près de s’arrêter d’après des spécialistes de la santé (médecins, diabétologues, endocrinologues). [1]

En effet, contrairement aux idées reçues, les États-Unis ne sont pas les seuls pays pourvoyeurs d’obésité. D’autres sont également montrés du doigt. Ainsi, la population de jeunes au corps arrondi s’est imposée aux quatre coins du globe. Il existe une diversification des profils au niveau social, culturel, économique, etc.

En outre, ce phénomène semble également complexe en raison de ses multiples facteurs : environnementaux, génétiques, socio-économiques, psychologiques, etc. Dès lors, une difficulté serait de saisir la diversité entre chaque enfant puisque chaque corps est pluriel.

Les parents et associations de parents (AP), mais aussi les enseignants, nous partagent régulièrement leur questionnement, inquiétude, voire leur impuissance, par rapport à la problématique de l’obésité et de ses impacts sur la santé des jeunes. Les services de promotion à la santé sont également interpellés par ce phénomène lors des visites médicales. Dans cette analyse, il s’agira de traiter diverses questions telles que : comment appréhender cette maladie à la maison et à l’école, d’où vient-elle, quel impact ? Qui est concerné ? Quelles solutions ? Reflète-t-elle notre société de consommation ?

Définition

Selon l’OMS : « Le surpoids et l’obésité sont définis comme une accumulation anormale ou excessive de graisse qui présente un risque pour la santé » [2].

  • Surpoids et obésité : quelle différence ? 

D’après cette même organisation, il n’est pas facile de mesurer un excès de graisse tant l’anatomie d’un jeune peut varier au fil des années. C’est pourquoi, les spécialistes de la santé recourent à divers outils de mesure, suivant l’âge de l’enfant. [3] Ainsi, par l’intermédiaire d’indicateurs de croissance (taille couchée/debout-pour-l ‘âge, poids-pour-l ‘âge, indice de masse corporelle (IMC), etc.), il est possible d’estimer le statut pondéral du jeune en le rapportant à des normes, des courbes de croissance perçues comme points de repère.

  • Plus concrètement

- Lorsque la valeur obtenue (de l’indicateur) est supérieure ou égale au percentile 85, l’enfant sera déclaré « en surpoids ».

- Lorsque la valeur obtenue (de l’indicateur) est supérieure ou égale au percentile 97, l’enfant sera diagnostiqué « obèse ».

  • Trois formes d’obésité

* Généralisée : l’excès de graisse est entreposé tant dans la partie supérieure que dans la partie inférieure du corps.

* Androïde : l’excèdent de graisse est stocké davantage dans la partie supérieure du corps.

* Gynoïde : l’excèdent de graisse est stocké davantage dans la partie inférieure du corps. [4]

D’après les spécialistes, situer la zone dominante de stockage de graisse permet de comprendre, de prévenir, mais aussi de guérir la maladie le plus favorablement possible.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes …

  • Dans le monde

Une quarantaine d’années suffit pour conclure à une augmentation importante du pourcentage d’enfants et d’adolescents présentant une obésité. Les pays à faibles ou moyens revenus seraient les premiers touchés.

À contrario, le pourcentage de jeunes présentant une maigreur (insuffisance pondérale) diminue lentement, excepté sur certains continents tels que l’Asie (du Sud et du Sud-Est) et l’Afrique (du centre, de l’Est et de l’Ouest). [5]

       RTBF.be 1    De plus en plus de jeunes obèses. - © Simon MALFATTO

 

« Dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), plus d’un adulte sur deux est en surpoids ou obèse et près d’un enfant sur six. » [6] publie CERIN. Les pays exposant un taux d’obésité relativement élevé sont les Etats-Unis (38.2%), le Mexique (32.4%), la Nouvelle Zélande (30.7%) et la Hongrie (30%). Le Japon (3.7%), la Corée (5.3%), l’Italie (9.8%) et la Suisse (10.3%) comptent quant à eux un taux d’obésité relativement faible. Sachant que la moyenne des pays de l’OCDE s’élève à 19,5% de personnes obèses, il serait pertinent de questionner cette importante différence entre pays.

  • En Belgique

18,6 % d’individus de quinze ans et plus seraient obèses ; ce qui représente plus ou moins un belge sur six. [7] Mais encore… D’après les résultats d’une enquête HBSC (2010) menée en fédération Wallonie-Bruxelles concernant les élèves de secondaire (6065 jeunes), l’obésité toucherait 5,1 % d’entre eux. De plus, les chercheurs ont démontré une relation significative entre l’obésité et la faible fréquence de la pratique d’une activité physique. Cela voudrait donc dire que la surcharge pondérale serait bien moindre, voire inexistante, chez le jeune qui se dépense physiquement. [8] Vous l’aurez compris, les comportements sédentaires (télévision, jeux vidéo, smartphone, etc.) entraînent vraisemblablement un excès de graisse [9].En  Belgique

Que nous révèlent ces chiffres ?

Le passage d’une société traditionnelle à une société moderne avec notamment l’avènement de l’industrialisation et du capitalisme a bouleversé les codes, les pratiques. Dit autrement, les modes, les habitudes, les principes et les conditions de vie, etc. ont changé, laissant place aux nouvelles techniques, aux évolutions, mais aussi à la sédentarité et à la relation moyens-fin (par l’argent) conduisant à la différenciation sociale, aux « classes sociales »  [10]. Sans oublier la génétique, les nombreuses maladies, autres facteurs d’embonpoint, qu’il est essentiel de prendre en compte.

En outre, nous sommes pleinement ancrés dans une culture de masse : ensemble de biens fabriqués en grande quantité, diffusés (ou achetés par) auprès de l’opinion publique. Cette augmentation de la productivité a appelé à la diminution des prix. Ainsi, l’alimentation la moins couteuse renfermerait, dans la majorité des cas, des ingrédients élevés en calories et nettement moins favorables à la santé. Par faute de moyens et de connaissances, les personnes plus précarisées (socio-économiquement) auraient plus de risques de développer une forme d’obésité. Ce qui marque un écart considérable entre les plus défavorisés et les moins défavorisés, mais également une différence au point de vue des habitudes culturelles.

Catherine Grangeard (psychanalyste) relate ces propos dans La clinique lacanienne : C’est entendu : dans nos sociétés, les gens bénéficient des progrès techniques et se dépensent donc moins physiquement. Ce qui évite de la fatigue mais, en contrepartie, occasionne moins de dépenses d’énergie. Comme par ailleurs l’alimentation est abondante, trop riche en calories et pas toujours en qualité nutritionnelle, telle personne, bien de son époque, stockera facilement […] [11]

Dès lors, est-il avéré de percevoir le jeune comme victime ou responsable de sa maladie ?

L’obésité juvénile n’est pas sans risque

  • Trois altérations

- La première implique le corps et ses différentes maladies somatiques. Ainsi, parmi les risques encourus, nous pouvons citer :

* Les maladies cardiovasculaires : l’hypertension, la dyslipidémie (concentration importance d’un ou plusieurs lipide.s), etc. ;

* Le niveau endocrinien : le diabète, la puberté précoce, etc. ;

* Les difficultés musculosquelettiques :  les maladies articulaires, les pieds plats, l’ostéonécrose etc. ;

* Au point de vue pulmonaire : le syndrome d’apnée du sommeil chez les enfants fortement obèses, l’asthme, l’insuffisance cardiaque, etc. [12]

- La deuxième impacte les domaines sociaux du jeune tant au point de vue de ses relations privées (amicales, amoureuses, familiales, médicales) qu’au sein de ses rapports professionnels (établissements scolaires, recherche du stage, d’emploi).

- La troisième, quant à elle, affecte le psychologique du jeune : faible estime de soi, dépression, culpabilité, impuissance face à son corps ; ce qui peut mener au suicide.

Aussi interpellantes soient elles et sous-jacentes à la problématique de l’obésité, les deux dernières conséquences feront l’objet d’une autre analyse plus approfondie.

Pistes et conclusion

L’obésité traverse les époques, s’amplifie et fait polémique. Un point d’attention doit être posé. Le domaine de la santé (OMS) ainsi que certaines organisations, structures telles que les établissements scolaires, les familles, etc. s’inquiètent pour l’avenir de ces jeunes.

Les facteurs d’obésité peuvent être nombreux et indépendants parfois de l’enfant tels que l’émergence de la modernité et de ses cultes, l’environnement, les maladies, la génétique. Il est nécessaire de les prendre en compte afin de ne pas « diaboliser » le jeune, victime lui-même de cette société consommatrice. Cette pluralité de facteurs prédéterminants des comportements humains en dit long sur l’origine de l’obésité.

Ainsi, nous pouvons insister sur le rôle de la société qui a notamment connu un bouleversement social, économique, politique fort ; ce qui a considérablement influencé le taux d’obésité, mais aussi souligné plus localement l’importance pour l’enfant d’être bien entouré (personnel éducatif, parents…). Lutter contre ce phénomène demande de faire appel à l’individuel et au collectif. L’approche systémique semble être un bon outil réflexif.

Dans un souci d’appréhender, prévenir, sensibiliser l’opinion publique au sujet de cette problématique, l’approche par niveaux d’organisation peut s’avérer bénéfique. En effet, elle convient d’attribuer la position de tout un chacun en interaction constante avec d’autres systèmes. En d’autres termes, elle permet de mettre en exergue l’existence d’une diversité d’organisations, d’acteurs entourant le jeune et influençant ses comportements. Ainsi, trois niveaux d’imputation entrent en jeux : macro (l’état, les croyances, les représentations, les jugements…), méso (les multiples institutions, les espaces de loisirs…) et micro (la famille, le voisinage…).

En parallèle à notre thématique : l’obésité, nous pourrions questionner ces niveaux ainsi que leur efficacité, leur efficience.

De la sorte, à plus petite échelle, la famille, premier lieu de socialisation de l’enfant semble être un exemple, un repère pour ce dernier. Effectivement, elle serait en quelque sorte un service de première ligne capable de répondre aux nécessités, aux difficultés plus générales du jeune. On pourrait incontestablement lui conférer une multitude de rôles, notamment : accompagnant, aidant, conseiller, protecteur, soigneur, etc. En lien dès lors avec l’obésité juvénile, il est permis de se demander si les parents ne devraient pas davantage inclure l’alimentation saine et la pratique d’un sport dans leur mode de vie [13] ? Des associations, des institutions existent pour épauler la parentalité.

Au niveau des écoles, les associations de parents sont un lieu d’échange et d’information pour les familles… En outre, promouvoir la santé à l’école et le bien-être du jeune en tant que citoyen responsable autonome, etc. font partie également des missions de certains services comme les « PSE » (Promotion de la santé à l’école) ou encore les centres « PMS » (Psycho-médico-social). L’école elle-même participe à la lutte contre l'obésité : promulgations, activités, ateliers, etc. autour de questions relatives à la santé. Mais est-ce bien suffisant et, si pas, qu’est-ce qui fait résistance ?

Gardons également à l’esprit que L’UFAPEC aspire à une relation partenariale (famille – école) favorable. C’est pourquoi, elle met l’accent sur le rôle-clé d’un établissement scolaire. Notamment, celui d’informer, prévenir, sensibiliser sur des thématiques diverses telles que l’éducation à la santé.

Plus globalement, il serait pertinent de questionner l’intervention des politiques sociales, économiques et politiques ainsi que leurs dispositifs déjà mis en œuvre. Les grands groupes de décideurs encouragent-ils suffisamment les jeunes, mais surtout leur environnement familial, à adopter une vie saine (activité physique, alimentation équilibrée, etc.) ? Notamment, au vu des faibles remboursements liés à une pratique physique, peut-on dire que les mutuelles participent, favorisent l’accomplissement d’un sport surtout auprès des milieux défavorisés socialement ou économiquement ? Mais encore, ne devrions-nous pas rendre davantage visible et accessible la nourriture saine et nutritive et amoindrir la haute teneur en graisses, sucres, sel présente dans une majorité de produits ? Ne laissons-nous pas trop de place aux industries alimentaires ? Quelle confiance leur accorder in fine ? Chacun apportera ses réponses, n’oubliant pas l’objectif premier de toute éducation : la santé, le bien-être et l’épanouissement de chaque enfant, de chaque jeune.

 

Laura Vandebroek

 

 


[1] Obésité en Belgique?: L’inquiétant constat des médecins spécialistes. (2015, mai 6). https://www.rtbf.be/info/societe/detail_obesite-en-belgique-l-inquietant-constat-des-medecins-specialistes?id=8973995

L’obésité dans le monde (OCDE 2017). (s. d.). https://www.cerin.org/rapports/lobesite-dans-le-monde-ocde-2017/

[2] OMS | Obésité. (s. d.). https://www.who.int/topics/obesity/fr/

[3] OMS | Surpoids et obésité?: Définitions. (s. d.). https://www.who.int/dietphysicalactivity/childhood_what/fr/

[4] Obésité?: Définition. (s. d.). https://www.obesite.com/comprendre/definition/

[5] Dix fois plus d’enfants et d’ados obèses qu’il y a 40 ans. (2017, octobre 11). https://www.rtbf.be/info/societe/detail_dix-fois-plus-d-enfants-et-d-ados-obeses-qu-il-y-a-40-ans?id=9732892

[6] CERIN - Centre de recherche et d’information nutritionnelles. (s. d.). https://www.cerin.org/

[7] L’obésité dans le monde (OCDE 2017). (s. d.). https://www.cerin.org/rapports/lobesite-dans-le-monde-ocde-2017/

[8] Cf. Moreau N., de Smet P., Godin I. La santé des élèves de l’enseignement secondaire : résultats de l’enquête HBSC 2010 en Fédération Wallonie-Bruxelles. Service d’Information Promotion Éducation Santé (SIPES), ESP-ULB, Bruxelles, février 2013, pp. 45-46.

[9] Michaël Lontie, Sédentaire ou actif ? L’esprit sain exige un corps sain... analyse UFAPEC n°15.12, mai 2012.  http://www.ufapec.be/nos-analyses/1512-sedentaire-actif.html

[10] Classe sociale?: Définition simple et facile du dictionnaire. (s. d.). https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/classe-sociale/   

Dominique Houssonloge, Une alimentation saine pour tous, analyse UFAPEC n°29.16, décembre 2016 http://www.ufapec.be/nos-analyses/2916-alimentation-saine-pour-tous.html

[11] Grangeard, C. (2010). Vers une psychanalyse de l'obésité. La clinique lacanienne, 18(2), pp. 141-150. https://www.cairn.info/revue-la-clinique-lacanienne-2010-2-page-141.htm

[13] Dominique Houssonloge, L’école et l’alimentation saine pour tous …, analyse UFAPEC n°35.16, décembre 2016. http://www.ufapec.be/nos-analyses/3516-ecole-alimentation.html

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