24.24/Et3 - S’impliquer pour le collectif aujourd’hui dans le cadre des associations de parents et des conseils de participation
« Les parents ne s’investissent plus pour l’école de leur enfant », « les parents sont inaccessibles, on ne les voit jamais », « c’était mieux avant, les gens s’impliquaient plus pour le collectif », « on a l’impression que les parents ne s’intéressent plus à ce que leurs enfants vivent à l’école », « les parents doivent prendre leur part éducative, ils délèguent désormais toute l’éducation à l’école »… Voilà une série de phrases qui nous parviennent, à l’UFAPEC, et qui ont très certainement chacune leurs fondements. Mais, heureusement, notre quotidien nous montre aussi à quel point les contre-exemples à ces affirmations sont nombreux. Ce qu’elles soulignent d’ailleurs, ces affirmations, c’est qu’il y a une nécessité à encourager la mise en place de relais divers entre l’école et les familles, entre l’école et les parents, pour que chacun s’entende et se comprenne au bénéfice d’une scolarité positive du jeune. Nous verrons dans cette étude que l’association de parents (AP), à sa manière, et le conseil de participation (CoPa), à sa manière également, peuvent être mobilisés, et sont mobilisés en de nombreux endroits, pour renforcer les partenariats et créer des relais entre l’école et les familles.
L’élément déclencheur qui nous a amené à vouloir explorer, aujourd’hui, en 2024, les sources de motivation des parents à s’investir pour le collectif à travers les structures instituées en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), à savoir l’AP et le CoPa, ce sont les circonstances particulières de la pandémie et de l’après pandémie de Covid. Cet épisode, à la fois proche et déjà lointain, a eu des conséquences encore difficilement mesurables à tous les niveaux de la société et impactera durablement chacune et chacun d’entre nous d’une manière ou d’une autre. Les écoles n’ont pas été épargnées. Les associations et le monde du volontariat non plus. Nous aurons l’occasion ici, même si ce n’est pas le sujet central de cette étude, de voir que cela a été vécu différemment d’un endroit à l’autre.
Si nous n’avons pas voulu porter le focus outre mesure sur les difficultés rencontrées durant et après les différents confinements, c’est parce que nous voulons que cette étude ne se borne pas à poser des constats et des complaintes, mais bien plutôt interroge positivement la question des fondements de la motivation des parents à s’investir pour l’école de leur enfant. L’objectif est d’aider les parents individuels qui nous liront à se découvrir des motivations et à se questionner sur leurs propres motivations ou démotivations. Toutefois, l’objectif est aussi de permettre aux parents déjà investis au sein d’un comité d’AP ou d’un CoPa de trouver des pistes de motivations à l’intention d’autres parents susceptibles de les rejoindre dans leur engagement.
Il nous a semblé par ailleurs intéressant de lier cette question de la motivation à s’investir aux freins potentiels à cet investissement. Nous l’explorerons sur base de témoignages de nombreux parents. Ces freins peuvent être propres à chaque individu ou liés au fonctionnement ou a des particularités au sein du collectif. Mais il peut aussi s’agir de freins circonstanciels ou structurels, ou encore d’une rupture ou d’une absence de partenariat avec des acteurs nécessaires à l’existence sereine et adéquate d’une AP ou d’un CoPa (comme la direction, le pouvoir organisateur, mais certainement aussi l’équipe éducative dans son ensemble). Tous ces témoignages de parents ont été récoltés au cours de l’année 2024 lors de réunions régionales organisées à Liège, Namur, Charleroi et Soignies, mais aussi lors de notre table-ronde du 3 octobre dernier dans le cadre d’un atelier intitulé : « Faire vivre une AP informée, accueillante et dynamique ».
Une autre dimension explorée ici concerne les besoins des parents investis au sein d’une AP ou d’un CoPa. Il nous semble effectivement important, pour pousser la réflexion un pas plus loin encore, que les parents prennent conscience de ce qui leur manque ou de ce qui constitue un élément nécessaire à leur action et à leur implication. Identifier les besoins permet ensuite de les exprimer auprès des interlocuteurs ad hoc et ainsi de mieux les rencontrer.
Enfin, si la pandémie de Covid et ses conséquences sur la société constituent un contexte particulier dans lequel s’inscrit désormais l’action des parents, celle-ci s’inscrit aussi dans un contexte préexistant sans doute plus déterminant encore : la place de l’individu dans la société occidentale aujourd’hui. C’est pourquoi notre étude s’ouvre sur deux réflexions portées par des intellectuels français quant à l’implication de l’individu contemporain vis-à-vis du collectif. Avec Gilles Lipovetsky, nous développerons la question de la prise de liberté et d’autodétermination de l’individu vis-à-vis des idéaux collectifs et les conséquences de ce bouleversement, menant notamment à une priorisation de l’épanouissement dans le cadre de la sphère privée. Avec François de Singly, nous observerons comment cette primauté de l’individu n’exclut pas l’intérêt, ni même la nécessité du lien au collectif. Au contraire, l’investissement en temps, en compétences et en ressources dans l’action collective serait une manière pour l’individu, rendu plus autonome qu’hier, d’exprimer sa liberté…