Analyse UFAPEC 2011 par B. Loriers

29.11/ Quel est le rôle des parents dans la motivation à apprendre ?

Introduction

Une des préoccupations majeures de notre mouvement parental est la lutte contre l’échec scolaire, et la réussite de l’élève dépend en grande partie de sa motivation à apprendre. Comment prévenir le décrochage scolaire ? Directement liées au décrochage, les questions de motivation scolaire sont l’objet de défis pour l’environnement éducatif de l’élève: la famille, les enseignants, les autres professionnels de l’éducation. L’environnement de l’enfant-élève est un puissant moteur qui peut favoriser sa motivation.

Le décrochage scolaire est un phénomène complexe lié à une multiplicité de facteurs, organisés selon des effets en cascade. Pour Benoît Galand[1], le décrochage scolaire estinfluencé en amont par des facteurs liés à la santé (dépression, consommation de psychotrope, etc.) et à la trajectoire scolaire : sanctions déjà reçues, exclusions, aspirations parentales, etc.".

Viau définit la motivation comme un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre ce but[2]. Pour Tardif, la motivation est conçue comme une composante essentielle de la réussite de l’élève à l’école[3] (…). Dans cette analyse, nous nous penchons essentiellement sur l’environnement parental : en quoi influence-t-il le climat motivationnel ?

La motivation d’apprendre nait avant l’école

La famille est la première véritable école de l’enfant apprenant. Le plaisir que l’enfant trouve dans les apprentissages se trouve au milieu des adultes et de la famille qui l’entourent, bien avant l’école. Les valeurs culturelles et spirituelles influencent les apprentissages. L’enfant doit baigner dans un univers de stimulations, dans un milieu familial qui valorise les activités intellectuelles, comme la lecture et l’écriture, pour le plaisir que ces activités procurent, aussi bien que pour leur utilité dans la vie quotidienne. (…) Les parents sont les plus grands modèles d’identification pour l’enfant[4].

La discordance entre les valeurs qui sont véhiculées à la maison et à l’école peut aussi expliquer en partie la démotivation des élèves. Par exemple, certaines familles accorderont plus d’importance aux travaux manuels, aux sports, et négligeront de transmettre le goût d’apprendre. L’enfant-élève peut parfois se retrouver en conflit de loyauté entre la famille et l’école. L’élève peut voir dans les contenus enseignés une atteinte à sa culture familiale, susceptible de rendre légitime un rejet des matières enseignées.

Par ailleurs, apprendre c’est accepter de remettre en cause ses représentations de départ pour s’ouvrir à de nouvelles voies. Cela nécessite une certaine confiance en soi et en l’autre, dont le parent. Pousser l’enfant à la découverte de la nouveauté, de l’inconnu est aussi très porteur. Faire de nouvelles expériences, sortir du cocon familial … Transmettre le goût d’apprendre, transmettre des connaissances et des habiletés, cela ne suffit pas pour éduquer.

L’enfant et le jeune ont besoin de sécurité, d’amour et de stimulation pour être capable d’apprendre et devenir autonome. C’est au sein de la famille d’abord que se transmettent des valeurs humaines, altruistes. Nos enfants ont aussi besoin de modèles parentaux, d’exemples à suivre pour percevoir de qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Ils ont besoin de se sentir suffisamment en sécurité que pour se lancer dans les apprentissages, d’où l’importance de la sécurité émotionnelle et affective, car si l’enfant est inquiet pour la sécurité ou le bien-être d’un de ses parents, il n’aura pas l’esprit libre pour écouter et apprendre.

Relations parents-enfant

Ecouter, c’est déjà s’engager à croire dans les ressources de l’autre[5] : la bonne qualité des relations entre les parents et l’enfant, le dialogue peuvent avoir une influence sur la réussite scolaire.

En encourageant leur enfant à réussir des activités difficiles à l’école, les parents l’aident à surmonter ses peurs et lui inculquent le goût du succès. A partir de 7 ans, l’apprentissage de l’effort devient très important. Si on n’encourage pas l’enfant à terminer ce qu’il entreprend, même quand c’est difficile, il est fort probable qu’on ne pourra pas le faire durant l’adolescence[6].

En secondaire, beaucoup de jeunes sont laissés à eux-mêmes, les parents ne s’occupent plus de la scolarité de leur enfant, soit parce qu’ils veulent le rendre autonome, soit parce qu’ils manquent de temps, soit encore parce qu’ils sont dépassés par les exigences de l’école.

Responsabiliser l’enfant

Quand un parent dit à son enfant qu’il n’a pas bien acquis telle ou telle matière par la faute de l’enseignant (trop nerveux, trop rapide,…), en excusant son acte, c’est déresponsabiliser l’enfant dans son rôle d’élève, en ne lui donnant aucun tort. Or, ce dernier doit pouvoir se remettre en question et prendre conscience qu’il travaille et progresse avant tout pour lui-même. Il est préférable, en cas d’échec de l’enfant, de faire remarquer qu’il ne pourra changer le comportement de l’enseignant, mais que l’enfant lui-même a la capacité de changer le déroulement de ses apprentissages.

L’une des causes qui empêchent de développer la motivation de l’enfant à l’école est la surprotection. Pour Germain Duclos, certains parents nourrissent des attitudes infantiles chez leur enfant, en les surprotégeant. C’est le cas du parent qui maintient son enfant dans un univers régressif, n’encourageant aucune tentative d’autonomie ni aucun effort.[7]

L’un des rôles des parents est d’aider leur enfant à accepter des contraintes non négociables, des frustrations passagères pour aller plus loin.

Obsession de résultats

Les élèves ont besoin de trouver du sens dans leur apprentissage pour pouvoir participer aux travaux scolaires. Les parents marchandeurs peuvent recourir à différentes « carottes » ou différents « bâtons » pour motiver leur enfant à réussir : récompense, promesse, ou menaces et punitions. On parle ici de motivation extrinsèque, où le jeune ne pratique pas une activité pour le plaisir, mais pour éviter une punition, ou pour obtenir une récompense, des félicitations ou de bonnes notes. Le jeune n’a ici que des buts de résultats. L’élève ne travaille pas ici pour le plaisir d’apprendre, mais plutôt pour obtenir des gratifications. Cette motivation est fragile, car il est prouvé que les élèves qui perdent facilement leur intérêt sont ceux qui recherchent uniquement le résultat, les notes par exemple. On instaure ainsi la compétition entre les élèves, on produit quelques gagnants, et beaucoup de perdants. Cela provient d’une obsession d’efficacité et de rentabilité qui est très présente dans notre monde occidental[8]. Mais cette motivation extrinsèque s’avère parfois nécessaire pour débuter un apprentissage ou pour débloquer une situation.

Pour que l’enfant ait envie d’apprendre et que cette motivation persiste dans le temps, la meilleure garantie est le plaisir qu’il découvre lors de ses apprentissages. On parle ici de motivation intrinsèque. Se motiver soi-même pour acquérir de nouvelles connaissances, voilà la motivation la plus forte. La personne autodidacte manifeste cette grande motivation. Certains croient que le meilleur apprentissage se fait au prix d’efforts frustrants et peu motivants. Ils ne savent pas que l’apprentissage de qualité, qui demeure dans le bagage de l’enfant, est celui qui est fait avec motivation et créativité[9].

Projection d’attentes

Certains parents projettent aussi les difficultés qu’eux-mêmes ont connues lors de leur scolarité. Connaître ses propres motivations est important pour bien remplir son rôle de parent dans l’accompagnement scolaire. A titre d’exemple, un parent ayant de très fortes motivations personnelles de reconnaissancesociale ou d’intégration à un groupe donné aura tendance à demander à son enfant de réussirscolairement puis professionnellement pour être en conformité à ce qui est attendu dans songroupe social d’appartenance.Ainsi certains parents n’avaient qu’une attente : que leur enfant devienne médecin car c’est cequi était attendu des enfants dans leur milieu social, sans savoir si cela correspondait vraimentaux propres motivations et attentes de leur enfant[10].

Attentes réalisables

Les parents doivent avoir des attentes et des exigences pour leur enfant, mais celles-ci doivent refléter les habiletés et les capacités de leur enfant[11]. Si une tâche est trop facile, l’élève n’y verra pas un moyen de prouver sa compétence, et sa motivation sera donc faible. De même, si la tâche est trop compliquée pour l’élève, le stress provoqué par cette difficulté risque de démotiver cet élève, qui perdra confiance en lui.

Il est normal d’avoir des attentes par rapport à son enfant, mais ces attentes doivent rester réalisables. Si les attentes des parents ne sont pas réalistes, ces derniers vont nourrir des frustrations par rapport à leur enfant, et ils seront dans l’incapacité de faire le deuil de l’enfant rêvé pour apprécier à leur juste valeur les qualités de leur enfant réel.

Petits conseils concrets d’un Directeur…

Dans le journal de l’école fondamentale de l’INDA Arlon[12], Jean-Pierre Merveille rappelle certaines balises en ce qui concerne le rôle des parents pour motiver leur enfant dans son travail scolaire:

  • Mettre l’enfant au travail, l’y accompagner quelques minutes, quand c’est possible, mais surtout, ne pas faire à sa place !
  • Garantir des conditions de travail acceptables : pas trop de bruits autour de lui, pas de tentations audiovisuelles ou autres, pas d’heures indues.
  • Valoriser l’effort entrepris, d’autant que souvent l’enfant est fatigué de sa journée.
  • Mieux vaut un devoir imparfait qu’un devoir corrigé par maman : cela permet à l’enseignant d’apprécier la nécessité de revoir la matière ou non.

Conclusion

Le partenariat famille-école est assurément une garantie de motivation pour les apprentissages de l’enfant-élève. Les parents qui s’investissent dans l’école de leur enfant motiveront ce dernier à s’investir davantage dans ses apprentissages.

D’autre part, la participation des parents à la vie scolaire de leur enfant, à ses travaux, ses difficultés, contribue à coup sûr à un plus grand accrochage scolaire de l’enfant-élève. Une des plus grandes difficultés de notre société est la solitude de ceux qui manquent de temps pour être avec  ceux qu’ils aiment[13].

J’aime à penser que tous les enfants viennent au monde en étant prêts à devenir motivés[14]. La motivation est particulière à chacun, donc nous ne pouvons pas agir sur elle de manière directe. Ce qui est perçu comme de la démotivation est simplement une expression que la situation présente n’est pas celle souhaitée. Les besoins transversaux ne sont pas satisfaits, et le jeune n’a pour l’instant que cette matière pour montrer qu’il n’a pas atteint ce qu’il cherche[15]. Mais si nous ne pouvons pas être motivés à la place de l’élève, nous pouvons l’aider à trouver des avantages : rares sont les enfants paresseux dans les apprentissages, dès le moment où ils trouvent des intérêts à apprendre.

L’élève en manque de motivation scolaire peut aussi s’appuyer sur des terrains d’épanouissement extérieurs à l’école, terrains de loisirs qui l’aideront à croire en lui. La motivation d’apprendre est une construction de tous les jours. Comme parents, nous n’avons pas toujours conscience du rôle que nous pouvons jouer pour motiver notre enfant dans ses apprentissages, au-delà des punitions et des récompenses, en servant notamment de modèles capables d’affirmer nos valeurs et nos règles.Peut-être plus que la réussite à l’école, le rôle des parents n’est-il pas aussi de mettre en valeur des qualités personnelles telles que la persévérance, la capacité à se fixer sur une tâche, la capacité de terminer un travail commencé, le goût du travail bien fait ? Quoi qu’il en soit, on n’impose pas la motivation à apprendre, mais on peut œuvrer en sa faveur, en croyant en son enfant, et en le lui faisant savoir.

 

Bénédicte Loriers

 

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[2]VIAU, R., La motivation en contexte scolaire, Bruxelles, De Boeck, 1994, p32.

[3]TARDIF, J., Pour un enseignement stratégique. L’apport de la psychologie cognitive, Montréal, Editions Logiques, 1992, coll. Ecoles.

[4]DUCLOS, G., op cit.

[5]GABRIEL, G., Coaching scolaire, augmenter le potentiel des élèves en difficulté, de Boeck, 2011.

[6]DUCLOS, G., La motivation à l’école, un passeport pour l’avenir, Editions du CHU Sainte-Justine, Montréal, 2010.

[7]LEVINE, M., op cit.

[8]DUCLOS Germain, La motivation à l’école, un passeport pour l’avenir, Editions du CHU Sainte-Justine, Montréal, 2010.

[9]DUCLOS Germain, op cit.

[10]KULECZKA P., La motivation scolaire, CPMS libre de Saint-Gilles (Bruxelles). http://www.stus.be/_docs%20pdf/circulaires2008/LA_MOTIVATION.pdf

[11]DESGROSEILLIERS Paule, La motivation scolaire, l’affaire de tout le monde, in Teacher Newsmagazine, number 6, mai- juin 2004.

[12]MERVEILLE Jean-Pierre, in La petite lettre de l’école fondamentale, INDA Arlon, novembre 2011.

[13]DUCLOS Germain, op cit.

[14]LEVINE M., A chacun sa façon d’apprendre, Editions Ada, 2003.

[15]GABRIEL G., Coaching scolaire, augmenter le potentiel des élèves en difficulté, de Boeck, 2011. 

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