Analyse UFAPEC 2008 par B. Loriers

28.08/ Démocratiser la relation Famille-Ecole

La participation des parents : contexte actuel

Le thème des relations entre familles et école constitue l’objet principal de ce texte.
Nous nous interrogerons dans cette analyse sur la place faite à TOUS les parents dans notre système scolaire, tous les parents quel que soit leur niveau socio-économico-culturel.

Régulièrement, les parents entrent dans l’école à l’occasion de :

  • rencontres individuelles avec les enseignants, qui leur diront ce qu’ils doivent faire pour faire en sorte que leur enfant réussisse.
  • rencontres collectives au sein de réunions d’associations de parents, de comités de fêtes, du conseil de participation et pouvoirs organisateurs, pour aider à l’organisation logistique de l’école.

Dans ce contexte, on imagine aisément que les parents dont l’enfant est en échec, ou qui n’ont pas l’âme des gestionnaires, ne seront pas intéressés par une quelconque participation au sein de l’école. Pour Danièle Mouraux (1) , les parents sont invités trop rarement à l’école pour discuter sur pied d’égalité, entre partenaires, du partage de la responsabilité éducative.

Un décret qui promeut la démocratie participative à l’école

Ecole et famille sont deux institutions sociales qui ont fortement évolué(2) . Jusqu’il y a peu, la famille était soumise à l’école et n’était que très peu partie prenante dans cette institution sociale qu’est le monde scolaire.
Le décret Missions du 24 juillet 1997 généralise le conseil de participation, et de ce fait démocratise la relation familles-Ecole. Par son article 69, ce décret impose aux décideurs de l’école de prendre l’avis de tous les acteurs de l’école ?de la base en instaurant le conseil de participation, qui est en charge de débattre, d’amender, de compléter et d’évaluer le Projet d’établissement de chaque établissement scolaire. Ce conseil de participation, sous-tendu par un modèle d’action collectif, est(3) la principale réponse politique cherchant à organiser le rôle des parents dans le système scolaire autour d’une logique autre que celle de marché. C’est une stratégie de la participation qui institue, au niveau des intentions, les parents dans un rôle d’acteurs collectifs prenant une part active dans la régulation locale du système. Au niveau de l’analyse institutionnelle, elle constitue une transformation importante du rôle des parents : de consommateurs isolés et extérieurs, elle cherche à constituer les parents en acteurs organisés sur une base locale, collective puisqu’il s’agit de contribuer à travers les conseils de participation à la transformation de l’école.

La participation des parents. Conditions de fonctionnement

La participation des parents est un outil essentiel pour démocratiser l’école.
Cela nécessite pour chaque entité scolaire d’accepter que les parents entrent dans un système de pouvoir, puissent trouver les failles du système, questionner la réalité de l’école et mettre sur pied des projets communs à tous les partenaires de l’école : familles, enseignants, éducateurs, direction, pouvoir organisateur, ...
Cela implique que les acteurs de base, les familles, fournissent à ceux qui décident les arguments pour que les décisions soient prises en connaissance de cause. La démocratie basée sur la participation des acteurs de la base permet de fournir aux décideurs toute l’information et l’argumentation nécessaires à toute décision. Les acteurs de la base font valoir leurs intérêts particuliers tout en poursuivant l’intérêt collectif de l’institution.

Suite à nos nombreuses rencontres de parents lors de réunions ou de débats dans divers milieux sociaux, nous avons pu répertorier ci-dessous quelques conditions de possibilité, facteurs favorables à cette participation des parents.

1. La capacité du parent à

  • comprendre le langage pédagogique lors d’un conseil de participation par exemple, et les textes écrits dans le cadre de ces réunions de partenariat.
  • dégager un consensus à partir d’avis contradictoires
  • établir des priorités
  • transmettre l’avis du groupe sans le déformer
  • traduire, dans la réalité, les décisions prises
  • surmonter un conflit de manière positive
  • trouver le juste équilibre entre les intérêts collectifs et les aspirations individuelles

2. La possibilité matérielle pour les parents de participer aux réunions : leur laisse t-on un moment, un lieu ?

3. Le droit de participer à la vie de l’école.
Une étude a répertorié 7 niveaux(4) de participation pour les parents :

  • être informé et recevoir passivement des décisions
  • contribuer aux ressources ou au matériel
  • contribuer par la participation aux réunions
  • participer à la conception de stratégies ou à la planification de programmes
  • coopérer pour l’application de programmes
  • être consulté pour la définition de problèmes et la préparation des décisions
  • participer à la prise de décisions, initiatives, application de solutions et évaluation des résultats

4. L’adhésion et la motivation de l’équipe éducative, qui doit croire que la participation des parents peut réellement être un plus pour l’école. La participation parentale ne peut se faire que s'il y a invitation à participer de la part des enseignants, puis compréhension du rôle parental.(5)

5. Chacun à sa place
La clarification de la ligne qui marque la séparation entre les affaires du personnel de l’école, et les affaires où les parents peuvent intervenir, cette clarification permettra de définir précisément ce qui est négociable ou pas. Cette clarification des rôles au sein de chaque école aboutira à un partenariat davantage efficace.

Freins à une véritable représentation-participation de tous les parents

Les freins à une réelle participation des parents à l’école sont à trouver dans la spécificité de chaque entité, et dans les différences énormes qui les opposent trop souvent.
Pour Danièle Mouraux, quatre éléments spécifiques prévalent dans chaque famille : l’affectif, l’individuel, le particulier et le gratuit. Dans sa famille, l’enfant apprend spontanément, sans programme sur les savoirs.
L’école fonctionne tout à fait différemment : elle privilégie le cognitif, le collectif, l’universel et l’évaluatif. L’école utilise une démarche réfléchie et scientifique.
Et l’enfant doit passer d’un langage à l’autre chaque jour…

Danièle Mouraux(6) relève des obstacles majeurs, des conflits d’idées que les agents scolaires doivent franchir pour que l’Ecole devienne véritablement un outil créateur de démocratie.

  • nombreux parents ne parlent que de leur enfant, le protègent, ne font pas passer les devoirs avant le reste, ne parviennent pas à être ponctuels, …
  • l’école entraîne les familles à se transformer, ce qui est plus facile pour certaines que pour d’autres.

Ces obstacles sont difficiles à surmonter, car ils impliquent des connaissances pédagogiques, mais aussi psychologiques et sociologiques.

Comment démocratiser la relation Ecole-familles ?

On ne peut parler de démocratie que si on accepte l’autre avec sa différence. Pour Danièle Mouraux(7) , si l’on veut démocratiser la relation Ecole-familles, il importe de :

  • connaître ce qui les distingue (leurs natures, leurs structures, leurs cultures) et admettre que toutes deux ont intérêt à rester ce qu’elles sont, sans chercher à ressembler à l’autre, et surtout sans imposer à l’autre de se dénaturer.
  • comprendre quels mécanismes scolaires (agissant dans la pédagogie, dans les classes, dans les écoles, dans le système tout entier) facilitent ou gênent le passage des enfants de leur famille à l’école, renforçant ainsi les inégalités sociales.
  • installer une véritable continuité entre l’Ecole et la Famille, quelle qu’elle soit. La Famille peut devenir le terrain de décollage et d’atterrissage des savoirs scolaires…. A condition que l’Ecole le veuille et l’organise, à condition qu’elle n’attende pas la même chose de toutes les familles, à condition qu’elle valorise justement cette différence de cultures, et fasse de la diversité familiale et sociale un terreau où elle fera société, et où, partant de la situation particulière de chaque élève, elle les mènera vers un savoir plus universel.


Une réelle culture de participation demanderait que chaque parent soit entendu pour les décisions importantes, quels que soient son statut socio-économico-culturel, quelle que soit la scolarité et la réussite de son enfant.

Une avancée de taille : une proposition de décret relative à une meilleure représentation des parents d’élèves

A la grande satisfaction de l’UFAPEC, des pourparlers sont en cours pour aboutir à un décret(8) qui offrirait une meilleure représentation des parents d’élèves au niveau local. Une chance de plus pour donner la parole à tous les parents de chaque établissement scolaire, y compris ceux issus de classes défavorisées…
Cette proposition de décret a été rédigée conjointement par la FAPEO et l’UFAPEC en 1999,. Un texte est en cours d'élaboration au cabinet Dupont et l’UFAPEC est consultée à ce sujet. Ce décret devrait être d’application dans le courant de l’année 2009.

Bénédicte Loriers

(1) Mouraux Danielle, L’école et les familles, rencontre possible entre spécialistes de l’éducation, in Pratiques démocratiques à l’école, p.62, édition Couleur Livres, 2008.
(2) Le terme « institution » provient du latin institutio équivalent à «ce qui est institué, règle». En 1895 déjà, Emile Durkheim explique dans sa « méthode sociologique » que l’ on peut appeler institution toutes les croyances et tous les modes de conduite institués par la collectivité .
(3) Mangez Eric, Cahier de Recherche du GIRSEF, n°13, février 2002. Régulation et complexité des rapports familles-écoles.
(4) typologie in « éducation à la citoyenneté démocratique. L’école : une communauté d’apprentissage de la démocratie. Etude Paneuropéenne sur la participation des élèves. »
(5) Deslandes Rollande & Bertrand Richard (2004). « Motivation des parents à participer au suivi scolaire de leur enfant au primaire ». Revue des sciences de l'éducation, vol. 30, n° 2.(6) Mouraux Danielle, id.
(7) Mouraux Danielle, id.

(8) Proposition de décret relative à la représentation des parents d’élves au niveau local et communautaire de l’enseignement organisé et subventionné par la Communauté Française, à lire sur le site de la FAPEO : thème/parents/31 août 2006.
Dans son article 2§ 2 : L’Association de Parents, qui doit s’inscrire dans le projet pédagogique de l’école, a pour mission de faciliter les relations entre les parents d’élèves et l’ensemble de la communauté éducative, dans l’intérêt de tous les élèves, de leur réussite et de leur épanouissement.
L’Association de Parents organise une veille passive et active en vue d’informer, le plus objectivement possible, TOUS les parents d’élèves.
Dans son article 3§ 3. TOUT parent d’élève est membre de droit de l’ Association de Parents de l’établissement où est inscrit régulièrement un élève dont il a la charge.
Dans son article 4§ 2. Le Comité de l'association des parents a pour missions:
- de susciter la participation active de TOUS les parents d'élèves de l'établissement en vue de leur permettre de jouer pleinement un rôle actif et responsable au sein de l'établissement scolaire de leurs enfants ;
- d’émettre d’initiative des avis et/ou des propositions aux acteurs concernés.
 

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