Pas d'aménagements dans certaines écoles : le droit ignoré

27 août 2019

note informative de la conférence de presse de rentrée

 

Ce n’est ni caprice, ni du luxe d’avoir besoin d’un ordinateur en primaire ou en secondaire quand on est dyslexique, dysorthographique, dysgraphique…. L’ordinateur est un outil de compensation des difficultés de lecture, d’écriture qui est indispensable. C’est un aménagement raisonnable !

Les aménagements, comme le précise le Décret relatif à l'accueil, à l'accompagnement et au maintien dans l'enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques, voté le 7 décembre 2017[1], consistent en des « mesures appropriées, prises en fonction des besoins dans une situation concrète, afin de permettre à une personne présentant des besoins spécifiques d'accéder, de participer et de progresser dans son parcours scolaire, sauf si ces mesures imposent à l'égard de l'établissement qui doit les adopter une charge disproportionnée. » Ce dernier aspect dit clairement le caractère raisonnable de ces possibles aménagements.

Depuis la rentrée de septembre 2018, ces aménagements sont obligatoires. Le décret le proclame et énonce également qui peut en faire la demande : « Les aménagements sont mis en place à la demande des parents de l'élève mineur ou de l'élève lui-même s'il est majeur ou de toute personne investie de l'autorité parentale ou qui assume la garde en fait de l'enfant mineur, ou à la demande du CPMS attaché à l'école où l'élève est inscrit, ou à la demande d'un membre du conseil de classe en charge de l'élève ou de la direction de l'établissement. »

Pourtant certaines écoles secondaires estiment encore être en droit d’interdire à des enfants de venir avec leur ordinateur en classe, alors qu’ils ont utilisé celui-ci dans leurs cours en primaire.

L'histoire d'Alice

Alice est dyslexique-dysorthographique, dysgraphique et présente un trouble de l’attention (TDA). Elle a été diagnostiquée à l’âge de 7 ans pour les trois dys et 9 ans pour le TDA. Après quatre années de suivi logopédique et neuropsychologique, elle a bénéficié du soutien d’une personne en intégration (4h par semaine) et s’est mise à utiliser un ordinateur en classe, d’abord pour la lecture vocale en 4e primaire et ensuite, dès la 5e primaire, également pour l’écriture. Elle a alors fait des progrès impressionnants en dictée. Le fait de décomposer, de taper une lettre à la fois a débloqué pas mal de choses. Elle est passée d'insuffisant à satisfaisant pour l’orthographe. En 6e primaire, elle avait l'ordinateur pour tous les cours sauf pour les maths. Elle a fait le CEB en version électronique. Elle était la première de l'école à faire cela. Et elle l’a obtenu avec une moyenne de plus de 70 %.

Alice est donc arrivée toute confiante avec son ordinateur en première secondaire. Elle était autonome et ne devait solliciter aucune aide pour manipuler et gérer son ordinateur. Elle avait seulement besoin que les professeurs lui donnent leurs cours ou leurs interros sur une clé usb et acceptent que ses devoirs et travaux soient faits avec l’ordinateur et non à la main.

Mais les choses ne se sont pas passées si facilement. Il a été décidé unilatéralement par le corps enseignant qu’elle ne pourrait utiliser son ordinateur que pour trois cours et qu’elle devrait le mettre sous clé dans un casier en dehors de la classe pour les autres moments. Il lui fallait donc anticiper et s’organiser deux fois plus.

Seule une sur les trois enseignantes a été proactive et lui a donné les cours et interros sur clé usb. La deuxième ne lui a jamais fourni son syllabus sur clé usb. Alice a donc commencé l’année, pour ce cours-là, en jonglant entre le syllabus papier et les pages scannées à la maison. Mais elle a dû rapidement abandonner l’ordinateur. C’était bien trop compliqué pour elle de travailler sur les deux supports en même temps. La troisième enseignante lui a dit qu’elle ne savait pas comment fonctionnait une clé usb et qu’elle se demandait bien comment elle allait faire pour lui fournir son examen de Noël en version électronique.

Alice a finalement perdu toute confiance en elle, n’a plus osé utiliser son ordinateur. Elle l’a caché et est tombée malade à répétition. Ses parents et le médecin ont redouté une phobie scolaire. Après cette année de cauchemar, ils ont décidé de la changer d’école.

L'école dans laquelle Alice a vécu cette première année du secondaire n’était pas l’école du premier choix de ses parents. Ils ont joué la sécurité en l’inscrivant là parce qu'elle bénéficiait d'une priorité fratrie. L’école qui avait leur préférence était trop éloignée de leur domicile et de son école primaire. Dans le décret inscription, les critères géographiques ont malheureusement encore trop de poids par rapport au choix pédagogique posé par les parents ! Il reste une question qui taraude les parents d'Alice : osera-t-elle ressortir son ordinateur de sa mallette dans sa nouvelle école ? Elle qui l’utilisait avec dextérité depuis sa 4e primaire, pourquoi devrait-elle s’en passer en secondaire ? Parce que cela dérange les enseignants ? Parce qu’ils ont peur de l’ordinateur ?

Le passage entre le primaire et le secondaire n’est vraiment pas évident pour tous les élèves et en particulier pour les élèves à besoins spécifiques. En primaire, Alice avait toujours son ordinateur avec elle et, quand elle en avait besoin, elle l’utilisait. Ici, en secondaire, elle s'est retrouvée face à une série de contraintes qui ne lui ont plus permis d'utiliser l'outil dans des conditions suffisamment favorables. Par ailleurs, elle s'est retrouvée dans une situation de solitude face aux autres élèves et aux enseignants, étant la seule élève de 1e secondaire à venir avec un ordinateur en classe. L’intégration s’était interrompue alors que ce soutien de 4 heures par semaine l’aurait certainement encouragée à tenir bon. Elle lui aurait été très utile pour les interactions avec les professeurs.

Pour avancer sur ces questions

Dans son mémorandum 2019, l’UFAPEC présente les revendications suivantes :

•          Au niveau de la formation initiale des futurs enseignants : Prévoir un minimum de 90 heures de formation sur les besoins spécifiques (savoirs, savoir-faire et savoir être) dont une formation pour apprendre à exploiter les outils numériques ;

•          Au niveau de la formation continue dans les écoles : Organiser des formations dans les écoles sur l’utilisation de l’outil numérique en classe par les EBS. Il est important que les élèves soient formés à l’utilisation des outils numériques afin de pouvoir consacrer le temps en classe aux apprentissages. Il s’agit aussi de permettre aux enseignants de prendre connaissance des outils et des logiciels ;

•          Accepter et faciliter l’utilisation de l’outil numérique en classe comme aménagements raisonnables pour les enfants qui en ont besoin. Il faut penser l’accès à l’outil numérique en classe en visant l’utilité réelle et pratique de cet outil pour l’élève. L’école devrait poursuivre l’objectif de préparer les EBS à s’intégrer dans la société adulte en recourant à des outils qui leur permettent de contourner leurs difficultés. Dans cet ordre d’idées, les EBS devraient davantage être évalués sur leurs capacités à faire appel à tous les outils disponibles plutôt que de les pénaliser pour leur difficulté à automatiser certaines tâches (orthographe, graphie, calcul mental, tracé en géométrie…). Le jeune doit arriver en maîtrisant son outil informatique en classe. Ce n’est pas le rôle de l’enseignant que d’aider son élève à utiliser son ordinateur ou sa tablette en classe ;

•          Faire en sorte que l’enseignant doive fournir les notes de cours et les évaluations en format numérique (clé USB, plateforme de l’école, Dropbox…). Il faut veiller à permettre au plus grand nombre d’avoir accès à des logiciels gratuits ;

Au-delà de ces revendications, nous demandons que le droit aux aménagements soit contrôlé et que la Commission de l'Enseignement obligatoire inclusif prévue dans le décret de 2017 soit enfin installée. C'est elle qui doit statuer sur les recours que les parents ont la possibilité d'introduire en cas de refus par les écoles de mettre en place les aménagements nécessaires à la réussite scolaire de ces enfants à besoin spécifique.

Situation connexe : les examens au jury central

Peut-on parler de maltraitance ou simplement d’intimidation à l’égard des élèves à besoins spécifiques et des élèves en général qui passent les épreuves du jury central dans les locaux de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Nous avons, à l’UFAPEC, reçu plusieurs témoignages de « dérapages » lors de la passation des épreuves du CE1D devant le jury. En mathématiques, par exemple, les élèves n'ont pas reçu de feuilles de brouillon ; ils ont juste pu utiliser les 2 pages blanches du livret d'examen. Pour rappel, certains des enfants à besoins spécifiques ont un trouble de l'attention et il est alors préconisé d’éviter les recto verso. Ils ne peuvent en effet pas retenir ce qu'il y a sur le recto d'une feuille lorsqu'ils tournent celle-ci pour écrire sur le verso. Imaginez alors quand il s'agit d'aller retrouver des infos sur une feuille trop petite pour y développer leur raisonnement et le réécrire plusieurs pages plus loin….

Lors de l’examen d’anglais écrit, les parents dans le couloir ont assisté au défilé des professeurs qui entraient et sortaient de la salle d'examen qui accueillait ces élèves à besoins spécifiques, tantôt pour proposer du café, tantôt pour venir saluer leurs anciens collègues, tantôt pour papoter cuisine ou corriger d'autres épreuves… Que penser de ce va-et-vient d’adultes dans une salle d’examen qui doit rester calme et propice à la concentration ?

L'oral de langues, lui, s’est passé dans des conditions on ne peut plus intimidantes et déstabilisantes. Les enfants à besoins spécifiques ont passé l’épreuve avec les autres élèves. « Nous nous sommes tous retrouvés au sous-sol dans un hall surbondé d'enfants et de parents, sans pouvoir nous asseoir ailleurs que par terre ou sur l'escalier, dans un brouhaha indescriptible. Nos enfants à besoins spécifiques n'ont pu s'isoler » témoigne une maman. « De là, crise d'angoisse pour certains, impossibilité totale de gérer le stress ou la concentration pour d’autres. » De plus, se trouvaient dans la salle d'examen sept enseignants faisant passer chacun un oral à un élève. Tous dans la même pièce, dans différentes langues, pas nécessairement la même que celle de l’élève d’à côté. Comment passer un examen dans de telles conditions ?

Il nous revient que ces faits, signalés cette année, ne seraient pas exceptionnels... Tout semble fait pour déstabiliser et décontenancer les enfants lors de la passation des épreuves du jury. Il faut d'urgence y remédier !

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