L'école bousculée par les nouvelles technologies. Les usages numériques problématiques des jeunes à l'école.

25 août 2016

Présentation de l'étude.

 

Dans les écoles, la question des nouvelles technologies et des usages numériques des jeunes, notamment sur les réseaux sociaux, fait débat, questionne à tous les niveaux et peut aussi inquiéter. Les acteurs du monde de l’enseignement, dont les parents et les associations de parents, commencent à s’interroger et interpellent les pouvoirs publics quant à la manière d’agir face à la présence des nouvelles technologies à l’école. Dans ce contexte, il devenait nécessaire pour l’UFAPEC d’entreprendre un travail d’analyse pour comprendre comment l’école peut être bousculée par des usages toujours renouvelés et parfois inappropriés que font les jeunes des nouvelles technologies.

L'étude est le fruit d'un travail collaboratif entre Laudine Lahaye, qui a fait son stage de deuxième master en sociologie à l'UFAPEC et a présenté son mémoire sur ce sujet, Julie Feron et Dominique Houssonloge, chargées de mission à l'UFAPEC.

Une culture juvénile modelée par le Net

Ces dernières années, l’UFAPEC a constaté une augmentation du nombre de demandes d’animations de la part de parents et d'associations de parents d'élèves liées à la thématique du Net et notamment des dérives possibles sur les réseaux sociaux.

Déjà en 2011, l'UFAPEC, en collaboration avec Média Animation, avait réalisé une recherche-action avec des parents : Les enfants du Net et leurs parents. Il en était ressorti que l'autonomisation et l'éducation des jeunes à ce "nouvel" outil semblait primordial comme l'éducation aux médias des parents et des enseignants eux-mêmes. Dans ce sens, une brochure Internet à la maison en 10 questions a été publiée en 2012 (réimprimée en juillet 2016) et l'UFAPEC a développé des animations-débats pour les parents d'élèves.

Aujourd'hui, comme le décrit Cédric Fluckiger : " les nouvelles formes de communication interpersonnelle ou d’expression de soi sur le Web participent de la définition même de ce qu’est la culture juvénile actuelle." 

Avec l'avènement d'Internet et des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) dans la vie quotidienne, les représentations et les comportements de chacun changent. Le rapport au savoir s’en trouve modifié, ce qui impacte fortement l'école et le monde éducatif en général. Nous avons choisi de n’étudier que les usages problématiques et inappropriés non-pédagogiques que les élèves font d'Internet et des nouvelles technologies à l'école, afin de mettre l’accent sur les usages susceptibles de déstabiliser l’ordre scolaire. Les usages juvéniles des nouvelles technologies semblent avoir le potentiel de mettre l’école face à des situations inédites et perturbatrices de son équilibre. Nous avons ainsi cherché à identifier comment les frontières de l’institution sont traversées, bousculées, brouillées par ces types de sociabilité juvénile.

Pour donner un aperçu le plus complet possible, cette étude envisage l’impact de supports tels que les caméras, les GSM, les smartphones, mais aussi l’influence d’Internet et des réseaux sociaux sur le quotidien des établissements de l’enseignement secondaire. Comment les écoles réagissent-elles quand les jeunes utilisent ces nouvelles technologies sans respecter les règles existantes (cyberharcèlement ; envoi de photos dénudées ; publication de commentaires dégradants sur l’établissement, un enseignant ou un camarade de classe ; vidéo de professeurs ou d'élèves à leur insu, etc.) ? Comment le personnel des établissements se positionne-t-il par rapport à ces usages en marge des normes scolaires ? Cette dernière interrogation est celle que nous avons choisie comme question de départ de notre recherche. Il semble qu’il n’existe pas encore, à l’heure actuelle, une enquête scientifique qui étudie ce phénomène dans une perspective globale. Cette étude représente donc une ébauche d’analyse, à la fois de l’impact des usages problématiques, de la façon dont ces usages sont traités dans les écoles et enfin, le point de vue des enseignants, directeurs et éducateurs.

Des difficultés relationnelles liées à un manque d’empathie et de respect

Pour les équipes éducatives, certaines difficultés d'une utilisation autonome et responsable des nouvelles technologies constitueraient, à l’origine, des difficultés relationnelles liées à un manque d’empathie, de considération et de respect à l’égard d’autrui. Travailler au développement de la "conscience d’autrui" serait dès lors un point crucial de tout programme de sensibilisation aux usages relationnels des nouvelles technologies. C’est là que le besoin de formation des jeunes serait le plus prégnant : « On doit alphabétiser aussi nos jeunes à la socialisation, au phénomène d’empathie, c’est-à-dire "est-ce que je peux décoder ce que l’autre ressent" parce que souvent ils le nient. […]. Ça c’est le plus problématique pour moi. C’est le phénomène de manque de respect."

Une fonction de coordinateur numérique dans chaque établissement secondaire

Enfin, il nous semble important de questionner également les moments concrets de crise qui peuvent se présenter dans une école et qui nécessitent une réaction urgente et contextualisée de la part des écoles. L’appel à un partenaire extérieur est-il aussi efficace ou pertinent que la sollicitation immédiate d’un membre du personnel compétent ? Ne serait-il pas opportun de veiller à ce que les écoles puissent chacune bénéficier d’un "interlocuteur pertinent" chargé de la gestion immédiate de crises liées aux usages des TIC ? Cela suppose, encore une fois, de travailler à la formation des acteurs scolaires, mais aussi de donner aux écoles les moyens de rémunérer cette personne en fonction du temps passé à la tâche, notamment lorsque s’ajoutent à celle-ci d’autres activités d'éducation aux médias, planifiées sur le long terme.

Quelle implication des parents ?

La perception des enseignants est que les parents ignorent voire ne se soucient pas des activités en ligne de leurs enfants et se contentent tout au plus de réguler le temps d’exposition aux écrans. Les établissements sont demandeurs d’une plus grande implication des parents dans l’éducation des élèves vis-à-vis des nouvelles technologies.

On peut néanmoins s’interroger sur l’implication réelle des parents. Sont-ils une fois de plus démissionnaires ou démissionnés ?

Regards croisés parents/équipe éducative

Ce qui est intéressant, c'est que nos deux études - celle de 2011 avec les parents et celle de 2016 avec les équipes éducatives - permettent d’observer des similitudes dans les attentes et une forme d’effet miroir dans la représentation que chaque acteur a de l'autre :

  1. chacun est confronté de façon inédite à ce genre d’usages qui mettent à mal le climat scolaire comme familial, que le jeune soit auteur ou victime d’usages numériques inappropriés ;
  2. chacun se sent plutôt démuni, peu formé, informé, outillé pour gérer le problème
  3. chacun a tendance à rendre l’autre partenaire responsable de l’éducation aux médias comme des usages problématiques qui y sont liés. "C’est aux parents à éduquer leurs enfants" opposé à "c’est à l’école et aux enseignants à éduquer aux nouveaux médias, à gérer et mettre des choses en place" ;
  4. chacun est en attente de soutien, d’accompagnement, de formation et d’information.
     

Positions de l’UFAPEC

Pour l'UFAPEC, organisation représentative des parents d’élèves de l’enseignement catholique, la question des usages problématiques sur les réseaux sociaux à l’école relève de la question de l’éducation aux médias au sens large. En tant que membre du Conseil Supérieur de l'Education aux Médias (CSEM), l’UFAPEC rappelle que cette éducation aux médias est l’affaire de tous, parents et enseignants, comme de la société dans son ensemble. A ce titre l’UFAPEC souhaite que l’école puisse renforcer sa formation. Si l'école souhaite préserver les conditions de l'exercice de sa mission, elle se doit de proposer aussi une intervention éducative numérique à destination des élèves. L’exemple du professeur-webmaster dans l'un des établissements visité dans le cadre de l'étude montre qu’un enseignant qui instruit en même temps qu’il éduque est nécessaire. Certes, cela exige un savoir-faire et des connaissances spécifiques, hors du cadre des disciplines traditionnelles.

Dans ce sens, l’UFAPEC insiste sur la nécessité de :

  1. Lutter contre les inégalités d'une fracture numérique du 2e degré :
    1. Introduire une réflexion au sein de chaque école sur la place d’Internet et des médias dans le projet pédagogique ;
    2. S’engager dans un processus de coéducation école-famille au profit du jeune ;
    3. Soutenir, accompagner, sensibiliser et former tous les acteurs scolaires par des formations initiales et continuées, de l’éducation permanente, etc. pour les inspecteurs, directeurs, enseignants, formateurs, formateurs des formateurs, éducateurs et les parents ;
    4. Introduire l'éducation aux médias dans les programmes scolaires interdisciplinaires et prévoir des "modules" d'éducation aux médias sur l'ensemble du cursus (fondamental jusqu’à la fin secondaire);
    5. Fournir les moyens nécessaires aux centres de ressources, aux associations d'éducation permanente ou de jeunesse en éducation aux médias, … pour assurer cet accompagnement.
       
  2. Sensibiliser le grand public via les médias eux-mêmes tels que télévision et radio publiques.
     
  3. Avoir un référent pérennisé et rémunéré TIC/numérique dans toutes les écoles et gérer les crises en interne pour :

        a. proposer des actions et projets ;
        b. accompagner chaque enseignant dans sa discipline ;
        c. construire le partage/la co-construction de pratiques pédago-tic entre enseignants. 

Face à ces observations, la voie de l’alliance éducative autour et dans l’intérêt du jeune semble être la meilleure voie possible, une alliance éducative pour réguler les usages numériques problématiques qui traversent l’école comme la famille et qui rendent poreuses les limites école-famille. Internet et ses usages problématiques nous surprennent et peuvent nous malmener, mais ne serait-ce pas une nouvelle occasion pour l’école et la famille de dialoguer et se reconnaitre ?

 

Pour lire l'étude complète, suivre ce lien >>

 

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