Port de signe religieux ou philosophique par le personnel des écoles catholiques
1er avril 2010 - Présentation aux commissions conjointes du Parlement de la Communauté française, du Parlement wallon et de la Commission communautaire française
La question du port de signe religieux ou philosophique par les membres du personnel des écoles de l’enseignement libre catholique revêt un caractère complexe. En tant que représentant des parents de ce réseau d’enseignement, il m’a été demandé de vous faire part de nos réflexions à ce sujet. Elles porteront sur 5 points : le caractère confessionnel de nos écoles, l’adhésion à leur projet pédagogique, , la tolérance et la richesse multiculturelle, le port de signes religieux par le personnel, le caractère contextuel du problème.
Le caractère confessionnel de nos écoles
Pour les parents qui inscrivent leurs enfants dans l’enseignement catholique, le caractère confessionnel ne fait aucun doute. Nos écoles font référence aux valeurs de l’Evangile. Personne ne peut en douter. « Ce faisant, les communautés chrétiennes se mettent au service de la société et de la jeunesse d'une façon qui leur est propre, comme d'autres organismes publics ou privés le font à leur façon. » [1] Maintenant, au-delà du caractère obligatoire du cours de religion catholique, la question peut se poser de savoir si son caractère confessionnel se marque dans le reste de ses activités, et surtout – et c’est central ici – si cela pose une difficulté ou si cela est un avantage.
« En créant et en soutenant des écoles, la communauté chrétienne assume sa part du service à la société. A ce titre, elle promeut dans sa démarche éducative des valeurs évangéliques qui sont aussi le bien commun de l'humanité, notamment : le respect de l'autre, la confiance dans les possibilités de chacun, le sens du pardon, le don de soi, la solidarité responsable, l'intériorité, la créativité. Elle se veut particulièrement attentive aux plus démunis. » [2]
Ainsi, clairement, l’école catholique est empreinte de valeurs dans son ensemble. Et ces valeurs sont connues, historiquement, et socialement. Et appréciées par ceux qui y adhèrent, soit en y travaillant, soit en y confiant ses enfants.
L’adhésion au projet éducatif
Ainsi que le veut la Loi, tout parent qui inscrit son enfant dans une école doit adhérer explicitement au projet éducatif ( c’est-à-dire à l’ensemble des valeurs, des choix de société et références éducatives) de celle-ci. L’importance que cela revêt pour nous a été suffisamment expliquée lors des débats sur la problématique des inscriptions. Je ne reviendrai pas dessus.
Signalons juste que le dialogue entre la direction et les parents lors de l’inscription de l’élève portera notamment sur le projetéducatif. Et c’est lors de ce dialogue que toute ambiguïté, s’il y en avait, est levée en répondant aux questions des parents.
Il est d’ailleurs du devoir du directeur d’attirer l’attention des parents sur le caractère religieux et les valeurs de l’école. Les projets éducatifs de nos écoles font références explicitement aux valeurs de l’Evangile. C’est donc en accord avec ces valeurs que le parent s’en remet à l’école pour lui confier l’éducation scolaire de son enfant.
Parallèlement, nous sommes convaincus que le personnel qui travaille dans nos écoles se doit également d’adhérer au projet éducatif. Le directeur doit être garant d’une cohérence au sein de son établissement et vérifier l’adhésion de tous par rapport aux valeurs prônées par l’école.
La tolérance et la richesse multiculturelle
Pour illustrer le propos, deux extraits du texte « Missions de l’école chrétienne ».
« S'il est obligatoire dans notre réseau, le cours de religion catholique - cours à part entière –respecte la liberté de convictions. Son objectif est d'éveiller les enfants et les jeunes à la dimension religieuse, puis de présenter et de faire comprendre le contenu de la tradition judéo-chrétienne, à l'intérieur d'un questionnement existentiel. Il aborde aussi les autres traditions, religieuses ou non. » [3]
« _ Ouverture et liberté
L'école chrétienne accueille volontiers ceux qui se présentent à elle; elle leur fait connaître son projet, pour qu'ils la choisissent en connaissance de cause: chrétiens et fidèles d'autres religions, croyants et non-croyants, chrétiens différents dans leur sentiment d'appartenance à la foi et à l'Église. Sans être nécessairement de la même communauté de foi, ils seront invités au moins à partager les valeurs qui inspirent l'action de l'école.
L'école chrétienne traite ceux qu'elle accueille dans le plus grand respect de leur liberté de conscience en s'interdisant toute manipulation ou violence morale. » [4]
Ces deux citations sont des principes explicites sur la nécessaire tolérance qui doit exister au sein de nos écoles, et par delà, dans notre société. Les médias ont par ailleurs dernièrement relevé le fait que près des ¾ des gens ne sont pas dérangés par le port de signes religieux dans l’espace public. M. Delruelle interprétait cela comme un signe que la population belge a intégré le principe de la tolérance[5].
En outre, à l’époque actuelle, d’aucuns nieraient la richesse multiculturelle dont notre société jouit. Et la spiritualité n’est-elle pas un des éléments de la culture ?
Mais entendons-nous bien, tout ce qui vient d’être exposé converge vers la nécessaire tolérance de tous envers chacun, et réciproquement. Autrement dit, tout comportement prosélyte ou intolérant se doit d’être remis en cause soit par des moyen éducatifs, soit par des moyens disciplinaires.
Le port de signes religieux par le personnel
Sachant le caractère confessionnel de nos écoles, sachant en outre que nombre d’entre elles sont toujours à l’heure actuelle portée par des congrégations, il paraîtrait totalement incongru que le port de signe chrétien soit banni. Il n’est pas rares que des religieuses, des frères ou des prêtres fassent partie du personnel de nos écoles. Leur interdire leur costume serait tout bonnement surréaliste. Comment rendre compatible le caractère confessionnel des nos écoles, la nécessaire adhésion aux valeurs chrétiennes par le projet éducatif et l’interdiction de porter le costume religieux ou un signe chrétien ? Ce serait tout bonnement du déni, et mettrait nos enfants face à une double contrainte contre éducative.
Le caractère contextuel du problème
Au sein de l’U.F.A.P.E.C., nous partageons depuis longtemps la conviction que nos écoles sont avant tout ancrées dans un contexte social et humain qui leur est propre. Chacune d’entre elles a sa propre histoire, sa propre évolution. Chacune est régie par un pouvoir organisateur autonome, en lien avec son ancrage local. Elles sont toutes différentes. Et il convient de respecter cette richesse et cette autonomie.
Aussi, nous pensons qu’il appartient à chacune de régler par ses outils (projets éducatif ou d’établissement, règlements) les problèmes auxquels elles sont confrontées. Une solution adaptée à son contexte et aux personnes qui doivent l’assumer est garante d’une plus grande cohérence au sein de chaque établissement et d’un plus grand respect de chacun.
Je vous remercie.
Ne faudrait-il pas développer aussi ce point ? (qui est en rapport avec le point : « adhésion avec le projet éducatif »)
Est-ce que le fait de porter le voile entre en concurrence à une adhésion aux valeurs chrétiennes ? ou Peut-on porter le voile et en même temps adhérer aux valeurs chrétiennes ? Y a-t-il oui ou non incompatibilité ?
Pierre-Paul BOULANGER,
Président.
[1] Mission de l’école chrétienne, Conseil Général de l’Enseignement Catholique, 20 mai 1995.
[2] Ibidem.
[3] Mission de l’école chrétienne, Conseil Général de l’Enseignement Catholique, 2ème édition, janvier 2007.
[4] Mission de l’école chrétienne, Conseil Général de l’Enseignement Catholique, 20 mai 1995
[5] LE SOIR du 26/03/10 - p. 4