Dossier inscriptions : carrefour des illusions - Communiqué de presse du 15 nov. 09

La régulation des inscriptions en première secondaire est un dossier que les parents de l’Ufapec1 pourraient qualifier à divers titres comme étant le carrefour des illusions.

1ère. illusion : Laisser entendre à l'élève et ses parents que le choix de l'école garantit en quelque sorte sa réussite scolaire. Cette représentation réductrice relègue au second plan l'importance du travail pédagogique des équipes enseignantes, l'essentielle adhésion de l'élève et de ses parents au projet d'établissement ainsi que le partenariat famille-école nécessaire pour l’obtention d’un cadre optimal favorisant la réussite scolaire. Cette illusion est également renforcée pour l'élève et les parents qui ne disposent pas toujours des informations suffisantes ou du recul nécessaire pour effectuer ce choix efficacement et de manière optimale. Cette première illusion renforce les effets de la seconde présentée ci-après.

2ème illusion :
Proclamer qu'un traitement collectif des préférences apporterait une solution acceptable et effective à la dualisation constatée des performances scolaires dans le paysage éducatif en Communauté française. Illusion car le système de traitement collectif des préférences, sous une apparence collectiviste et égalitaire, ne propose rien d’autre qu’un système de nature ultralibérale ayant comme principale préoccupation la gestion de la demande par rapport à l'offre. Ceci nous a été confirmé lors du symposium organisé par Estelle Cantillon (Ecares)2 sur la régulation des inscriptions le 26 janvier dernier. Le concepteur de ce système mis en oeuvre aux USA (Parag Pathak- MIT) nous a confirmé qu'il n'a jamais été question avec ce système d'augmenter l'effective réussite scolaire ou de favoriser la mixité sociale, mais simplement de gérer la consommation scolaire et les demandes au mieux par rapport à l'offre scolaire. De plus, si ce système est effectivement en vigueur à New York et à Boston, il est fondé sur des critères de choix parentaux mais aussi sur l’application de critères choisis par les équipes pédagogiques (New York)3 ou sur des priorités données aux écoles adossées (feeder school - Boston). En gros, dans ce système, les parents choisissent jusqu'à 12 écoles, le système donne 40 % de premiers choix et il subsiste plusieurs milliers d'élèves «sans école» en bout de course (donc qui n'ont même pas leur 12e choix !). Un tel système ne résout finalement rien. Il consacre le consumérisme scolaire en ne touchant en rien l'offre scolaire. D’aucuns pourraient s’interroger sur les motifs réels d’un soutien de progressistes à l'application d’un tel système. Intérêt pédagogique ou objectifs économiques ?

3ème illusion : Garantir les objectifs déclarés de mixité sociale par décret. Les deux précédents et malheureux décrets l'ont démontré : la mixité ne se décrète pas, elle se construit autour de projets de terrain et de volontés citoyennes. Avec le décret mixité, tout au plus, les écoles cataloguées de favorisées reçoivent des inscriptions en provenance d'écoles dites défavorisées, mais rien ne garantit que les élèves bénéficiant de ces priorités ou quotas soient effectivement défavorisés. Il s’agit en fait de «bons» élèves, ceux qui ont de très bons résultats et dont les parents sont déjà conscientisés, ceux donc qui ne sont pas visés par les objectifs d’amélioration de réussite scolaire. Ils viennent alors renforcer homogénéité des écoles en termes de capacité scolaire. Par ailleurs, dans l'autre sens, aucun élève dit « favorisé » ne fait le chemin en sens inverse vers les écoles secondaires dites défavorisées – il va dans les écoles «moyennes» - et concrètement, les ghettos se replient sur eux-mêmes. La mixité scolaire dans les écoles défavorisées est véritablement minée par l’application de ces mesures malheureuses puisque leurs bons éléments quittent le navire.

4ème illusion : Favoriser les performances scolaires en misant tout sur la mixité sociale. C’est un leurre. Si les études internationales montrent que la mixité sociale est importante pour l'intégration sociale et le mieux vivre ensemble, son impact réel sur les performances scolaires est un effet de pair qui n'est que relativement modeste. Il est cependant cumulatif et optimisé avec la conjugaison d'autres facteurs bien plus déterminants pour la réussite scolaire comme l'effet de l'enseignant en classe (notamment la formation de celui-ci), l'effet du projet pédagogique (certaines méthodes étant plus pertinentes que d'autres pour un enfant considéré), en n'oubliant pas le niveau de discipline en classe (c'est-à-dire le respect des élèves pour l'enseignant et le maintien d’un climat favorable à l’apprentissage). La formule mixité sociale = performance scolaire n'est qu'illusion car la mixité n'a d’effet optimal que si les autres éléments sont présents simultanément. Or ceci n'est absolument pas garanti, bien au contraire. Cela varie d'un établissement scolaire à l'autre. C'est pourquoi la diversité des projets et l'information des parents et des élèves sont primordiales. Cette quatrième illusion renforce les effets néfastes des précédentes.

5ème illusion : Maintenir un débat démocratique au sein d’un «kern» gouvernemental. En tant que citoyens actifs et responsables, il est effarant de se rendre compte que les députés et représentants démocratiquement élus des formations politiques ne sont pas intimement associés au débat sur ce sujet passionnel qu'est devenu celui des inscriptions scolaires. La discussion se fait à huis-clos entre membres du Gouvernement et proches collaborateurs. Or parmi ces conseillers figurent quasiment tous ceux qui ont collaboré de près ou de loin à la confection et mise en oeuvre des précédentes mesures. Pas besoin de les citer dans ces lignes, ils se reconnaitront et seront largement reconnus. Mais comment écrire une réelle page blanche avec autant de personnes ayant contribué aux 2 précédentes formules catastrophiques ? Ils nous ressortent même depuis quelques jours leur solution avortée l'an dernier (sans doute pour raison de période électorale peu propice). Pourquoi l’ensemble des députés de la Commission Education - voire de l’ensemble du Parlement, vu que le sujet est sensible - ne peuvent-ils débattre sereinement et en profondeur d’une manière sérieuse est non partisane ? Pourquoi ne pas écarter de la réflexion, mais surtout des mécanismes décisionnels, ceux qui ont déjà manqué leurs cibles par deux fois et qui semblent plus animés par de vieux rêves personnels de standardisation de l’offre scolaire que par une véritable campagne de stimulation de la réussite scolaire pour chaque élèves? Il est dommage pour l’ensemble des parents et citoyens que les avenantes concertations du Cabinet Simonet et dispositions de l’avant-projet de décret – qui sont encourageantes, même si perfectibles – débouchent sur cette illusion d’un véritable débat démocratique, qui apparaît finalement cadenassé par quelques experts non élus ; laissant certains représentants du peuple élus à un second rang de quasi figurants.

Jusqu’à ces derniers jours, la concertation mise en place avait été exemplaire et a permis d’intégrer et prendre en compte les points de vue et arguments des différents acteurs de terrain. L'avant-projet initial du Cabinet Simonet, même s'il est perfectible, présentait l'essentiel des ingrédients pour une recette acceptable, intégrant les principales considérations des uns et des autres. Il est dommage de voir que les orientations du débat semblent être désormais guidées par le retour à ces concepts illusoires.

Aussi, nous, représentants des parents de l'UFAPEC, nous demandons instamment que lors des dernières concertations et avant l'arrêt d'une position finale, il soit tenu compte des arguments avancés par les acteurs de la concertation au regard des intérêts de leur institution. C'est-à-dire : les responsables politiques quant à la définition des objectifs généraux et des instruments de pilotage adéquats; les pouvoirs organisateurs et directions quant à la définition des objectifs spécifiques et de l'organisation; les syndicats quant aux conditions de travail des enseignants et aux formations nécessaires pour soutenir la réalisation des objectifs définis; les centres PMS quant aux mesures d'accompagnement socio-pédagogiques qui s'imposeraient; les associations socio-éducatives quant aux actions d'information ciblées pour les familles socioculturellement défavorisées; et les fédérations d'associations de parents, de manière privilégiée, quant à l'exercice des libertés et droits fondamentaux dont, avec leurs enfants, ils doivent jouir en vertu de la Constitution, de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, la Déclaration des droits de l'Enfant, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

En effet, à l’heure de célébrer les 20 ans de la chute du mur de Berlin, les parents ne comprendraient pas qu'un troisième décret ne soit décidé, voté et appliqué sans leur agrément alors que leurs enfants sont les premiers concernés par les mesures considérées. 


Michel PARYS,                                                      Pierre-Paul BOULANGER,
vice Président                                                       Président
0495/677604                                                        0473/67.39.97

 


1. www.ufapec.be
2.www.ecares.org/index.php?option=com_events&task=view_detail&agid=268&year=2009&month=1&
day=26&Itemid=306&catids=34

3.http://escholarship.bc.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1398&context=econ_papers ;
http://www2.bc.edu/~sonmezt/boston-AEA.pdf ;
www.econ.berkeley.edu/users/webfac/groland/e261_f07/lai.pdf

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