Analyse UFAPEC février 2021 par B. Loriers

02.21/ Parent délégué de classe, ça sert à quelque chose ?

Introduction

Qu’on les appelle parents délégués de classe ou parents relais, ou qu’on leur donne une autre dénomination, peu importe. L’enjeu de cette analyse est d’approcher la fonction qu’ils assument, de comprendre si elle permet de renforcer la démocratie représentative à l’école. Est-ce un rôle qui contribue à développer la participation parentale et le débat au sein de la classe, ou dans l’association de parents ? Ces parents délégués de classe sont-ils représentatifs de la majorité des parents, ou ne représentent-ils qu’eux-mêmes et une minorité de parents maitrisant les codes scolaires ? Le parent délégué de classe prend-il en compte la diversité des autres parents dans ses activités ? La fonction de parent délégué de classe permet-elle de davantage représenter les parents des élèves auprès de tous les parents, mais aussi auprès de l’équipe éducative, du pouvoir organisateur, de la direction, des enseignants, etc. ? Ou est-ce uniquement pour se donner une bonne « image » que l’institution scolaire organise cette fonction ? Quelles en sont les dérives ?

Cette réflexion a pour origine un réel intérêt par rapport à la fonction de parent délégué de classe, issu d’un échange entre plusieurs responsables d’associations de parents (AP), échange qui s’est déroulé le 24 novembre 2020, regroupant les régionales de Bruxelles, Namur et Luxembourg de l’UFAPEC. La mise en place et le maintien de parents délégués de classe était un des projets présentés par quelques AP. « Chez nous la fonction de parent-relais est un réel soutien pour les enseignants, et un véritable lien entre les parents de la classe et l’enseignant ». « Dans notre école, cette fonction ne fonctionne que sur papier, elle n’est pas du tout efficace ». « On voudrait implanter la fonction de parent délégué de classe dans notre école, mais quel est son rôle exactement, jusqu’où peut-il intervenir dans le fonctionnement de la classe ? »

Le droit concerné par cette analyse est celui de participer à la vie de l’école et, plus précisément, de porter la parole des parents de la classe, en s’impliquant activement dans la vie et de cette classe et de l’école, en assurant aussi le lien entre les parents et l’AP.

Cette fonction de parent délégué de classe est-elle nécessaire pour toutes les écoles ? Est-elle utile au fonctionnement démocratique de l’AP ? C’est l’objet de notre réflexion.

Définition et observations

On peut trouver une définition du parent délégué de classe sur le site de l’UFAPEC, que nous reprenons ici[1].

Dans un rôle de représentation et de communication, le parent délégué de classe représente les parents de sa classe, tous les parents. Il doit être attentif à n'oublier personne, en particulier des parents peu disponibles ou des familles fragilisées.

Il est le lien entre les parents de sa classe, l’enseignant, le comité de l'AP et la direction : la communication doit se faire dans tous les sens. C’est par son intermédiaire que le comité de l'AP peut transmettre des informations et être tenu au courant des préoccupations de l’ensemble des parents de la classe.

Il évite de juger et adopte une attitude diplomate tant avec le personnel de l'école qu'avec les autres parents. Il fait preuve d'ouverture et de tolérance car il peut être en contact avec toutes sortes de familles, parfois très différentes.

Il doit éviter d’être un bureau de réclamations.

Le parent délégué de classe a également un rôle d’animation. Il établit des contacts personnels avec les parents et favorise les contacts entre les parents et l’enseignant. Porter une attention particulière à la convivialité est important pour une bonne ambiance (souper de classe, goûter ou rencontres festives,…).

Il peut aider l’enseignant dans ses activités de classe (visite d’une ferme, atelier scientifique, visite d’une imprimerie…) en demandant l'aide d'autres parents.

Il peut instaurer une entraide entre les enfants d’une même classe par le canal des parents (transmission de la matière vue en classe pour les enfants malades, résolution de problèmes de lift, carnet d’adresse pour les invitations, les anniversaires…) et entre les parents (co-voiturage, …).

Le délégué de classe ne doit pas tout assumer seul, il sollicite et encourage les autres parents à participer.

Le délégué de classe joue un rôle essentiel pour le fonctionnement démocratique de l’association de parents.

Nous observons que le parent délégué de classe a un rôle différent d’une école à l’autre, d’un enseignant à un autre, et selon le parent délégué. Dans l’école fondamentale des enfants de Catherine[2], les parents délégués de classe sont appelés parents relais. Ils sont choisis, sans élection, en début d’année lors de la première réunion de classe enseignant-parents. Ils transmettent les informations de l’AP ou de la direction vers les parents de la classe. Cette AP a une page Facebook qui fonctionne bien, mais certains parents ne sont pas inscrits sur ce réseau social, donc le travail de lien est utile. De plus, les comptes rendus des réunions de l’AP sont transmis aux parents relais. Leur fonction est essentiellement de rassembler les adresses électroniques des familles en début d’année scolaire. Catherine, par exemple, récolte aussi les dates de naissance de chaque enfant, pour fêter les anniversaires. Elle propose aussi un cadeau collectif fin juin pour l’enseignant, sans obligation, et sans mettre de budget, chacun participe comme il le souhaite. Dans sa classe, l’instituteur lui demande parfois de transmettre certains courriels venant de sa part à tous les parents de la classe. Cette maman organise aussi un apéritif de classe en fin d’année dans la cour de récréation. Il est arrivé que l’AP réunisse fin juin tous les parents-relais de l’école autour d’un repas, pour les remercier d’un travail qui se fait souvent dans l’ombre.

Pour Alexandra[3], maman déléguée de classe en secondaire, ce rôle n’est pas très important, c’est surtout une façon d’alimenter la convivialité entre parents de la classe : repas, pic-nic, drink. Ces moments permettent de mieux se connaître. Elle explique ne pas attendre l’avis des autres parents pour organiser une activité, sinon elle ne ferait rien. Pour cette maman déléguée de classe, si on veut apporter du changement, il est préférable de faire partie du comité de l’association de parents. Dans son collège, il y a des élections du parent délégué de classe et du co-délégué, lors de la première réunion entre l’enseignant et les parents. Les parents délégués de classe organisent trois réunions par an entre les parents et l’enseignant. La direction a des contacts avec ces parents délégués de classe, ce qui permet de compléter le regard et les réflexions que peut lui fournir l’AP. Les parents délégués de classe sont une ouverture sur d’autres parents, qui ont d’autres centres d’intérêt que les parents de l’association de parents.

Contexte de participation parentale

Le rôle du parent délégué de classe s’inscrit dans un contexte plus large de participation parentale?qui se renforce depuis quelques années, notamment au sein de l’AP et du conseil de participation. Cette participation est appuyée par le code de l’enseignement[4] qui précise que l’AP doit organiser une veille active et passive en vue d’informer le plus objectivement possible tous les parents d’élèves. Une circulaire[5] donne en exemple de ce point la désignation de de?le?gue?s des parents par classe et/ou niveau, et la formation des de?le?gue?s des parents, afin de relayer auprès de la direction des informations que ceux-ci ont collectées.

Mais il ne suffit pas de promouvoir l’implication parentale ni de la décréter pour qu’elle se concrétise. Il s’agit avant tout de situations relationnelles entre des adultes qui ont des valeurs, des personnalités et des croyances propres. Pour le professeur Serge Larivée[6], parmi les contraintes importantes auxquelles sont confrontés les enseignants et les parents, il y a les divergences de leurs attentes et de leurs perceptions a? l’égard de leurs rôles respectifs. Ils doivent ainsi collaborer pour arriver a? un minimum de compréhension et de cohésion[7].

Une fonction contestée

Quelles sont les dérives observées dans l’exercice de la fonction de parent délégué de classe ? Elles peuvent être nombreuses : un parent délégué qui ne fait passer que son avis, sans tenir compte de l’opinion des autres parents, un parent délégué qui participe à une activité et qui sort de son devoir de réserve en portant un jugement sur tel ou tel élève, un parent délégué qui souhaite intervenir dans la pédagogie, ou dans un conflit personnel, un parent délégué qui surprotège son enfant en prenant sa fonction trop à cœur, un parent délégué qui impose le paiement d’un cadeau pour l’enseignant pour toutes les familles, un enseignant qui abuse du parent délégué de classe en le sollicitant sans cesse…

Si cette fonction n’est pas plus répandue, c’est peut-être parce qu’elle fait débat au sein de l’équipe éducative comme de l’ensemble des parents. Ne choisit-on pas plutôt des parents qui connaissent les codes scolaires, ou qui sont proches de l’enseignant ? Comment ces délégués sont-ils désignés ? Sont-ils représentatifs de la classe ? Plusieurs parents délégués de classe nous ont expliqué qu’il n’y pas vraiment d’élection. Ils se portent candidats à la réunion de rentrée entre l’enseignant et les parents, et ce sont souvent les mêmes parents qui se proposent, d’une année à l’autre. Une maman délégué de classe nous explique aussi que connaître l’enseignant pour être parent-relais de sa classe facilite les relations.

Comment les parents délégués prennent-ils les décisions ? Souvent, elles sont prises par le parent délégué de classe seul : cadeau pour l’enseignant, organisation du repas de classe, etc. Ne devraient-ils pas plus souvent concerter les autres parents de la classe ?

Certains enseignants et directeurs craignent une trop grande intrusion des parents dans le pédagogique via cette fonction de délégué de classe. Par ailleurs, il arrive que des parents utilisent cette fonction, spécialement en maternelle et en primaire, pour maintenir le cordon avec leur enfant en s’impliquant encore plus dans sa scolarité, par exemple, en étant présent à des activités, des excursions, des voyages. Existe-t-il un danger d’hyper parentalité dont Dominique Houssonloge[8], a évoqué les risques dans une précédente analyse ? S’impliquer trop en surprotégeant et sur?stimulant son enfant risque bien de le rendre peu sûr de lui, egocentrique et immature. Est-ce une bonne chose pour l’élève d’avoir son parent, délégué dans sa propre classe ? Qu’en est-il de son autonomie ?

Nous avons sondé des directions qui n’ont pas cette fonction de parent délégué de classe au sein de leur école[9], les autres structures de participation parentale étant pour eux suffisantes.

  • Cette fonction n’existe pas dans notre école car nous avons un conseil de participation reprenant des parents entre autres. Ecole fondamentale Saint-Antoine à Marloie.
  • Simplement, car ce n’est pas dans la culture de l’école. La manière dont l’AP fonctionne ne prévoit pas ce type de représentation. Collège Saint-Guibert à Gembloux, section fondamentale.
  • Nous avons un comité de parents assez dynamique, qui propose pas mal de projets. Plusieurs canaux de communication ont été mis en place pour les joindre (via site internet, mail, boîte aux lettres extérieure,...). J'ai de nombreuses réunions avec eux (au conseil de participation notamment). Donc, les infos remontent bien. Cela ne répond peut-être pas à une nécessité... Ecole fondamentale Sainte-Marguerite à Bouge.

Pour éviter les conflits, les abus, les débordements, tant pour l’enseignant que pour le parent délégué de classe, des balises sont nécessaires, et un règlement peut être établi avec l’association de parents et l’équipe éducative, afin de préciser les droits et devoirs du parent délégué de classe, mais aussi les droits et devoirs de l’équipe éducative. Faut-il insérer ces balises en début d’année dans une « charte » de la classe, et dans le ROI au niveau de l’école entière ?

Les organisations représentatives des parents et des associations de parents d’élèves, UFAPEC et FAPEO, ont notamment pour mission de susciter la participation active de tous les parents d’élèves en vue de leur permettre de jouer pleinement leur rôle de citoyen actif et responsable au sein de l’école de leurs enfants[10]. L’UFAPEC défend l’idée que le rôle de parent délégué de classe permet d’assurer cette participation active au sein de l’école. La fonction du parent délégué de classe est d’assurer un lien régulier entre le comité de l’AP et la classe. De cette manière, l’AP bénéficie de davantage de représentativité grâce au travail de relais des parents délégués de classe, au départ des familles, vers le comité de l’AP et le conseil de participation, qui regroupe tous les partenaires de l’école.

Conclusion

La fonction de parent délégué de classe est loin d’être généralisée dans nos écoles. Pourquoi ? D’autres moyens pour informer et débattre rendent-ils cette fonction redondante ? Les dérives qui guettent les parents délégués de classe refroidissent-elles les écoles et les parents, comme celles de surprotéger de son enfant, intervenir dans la pédagogie ou dans un conflit personnel, sortir de son devoir de réserve ? La désignation du délégué de classe sans élection, comme la pratique le montre souvent, est-elle garante de la représentation de tous les parents ? Des balises s’imposent pour ceux qui veulent faire fonctionner ce rôle de parent délégué de classe.

Ouvrons la réflexion et demandons-nous si l’école prend au sérieux la parole de ses partenaires, dont le parent délégué de classe, dans son organisation. Pour le philosophe John Pitseys, la seule manière de montrer aux participants que leur parole est prise au sérieux est de leur assurer que leur parole compte, que sans elle, la décision aurait peut-être été différent e[11]. La fonction de parent délégué de classe prend son sens si les parents, les enseignants et la direction permettent la discussion et la prise de décision, au sein de la classe, mais aussi dans les autres instances que sont notamment l’AP et le conseil de participation.

 

Bénédicte Loriers

 

 

 


[2] Témoignage recueilli le 13 janvier 2021.

[3] Témoignage recueilli le 13 janvier 2021.

[4]Code de l’enseignement chapitre III du livre 1, article 1.5.3-12 : https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/47165_000.pdf

[6] Professeur en sciences de l’éducation à l’université de Montréal.

[7] LARIVEE Serge J., L’implication des parents dans le cheminement scolaire de leur enfant. Comment la valoriser ? in revue Education & Formation, juillet 2012.

[8] HOUSSONLOGE D., Les risques de l’hyperparentalité, être parent, mais jusqu’où ?, analyse UFAPEC 2015 n°19 : http://www.ufapec.be/files/files/analyses/2015/1915-hyperparentalite.pdf

[9] Témoignages recueillis le 12 janvier 2021.

[10] Code de l’enseignement, chapitre III du Livre 1, article 1.5.3 -14§2-4°: https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/47165_000.pdf

[11] PITSEYS J.; L’école, un lieu de démocratie ?, in revue Traces, novembre 2014.

https://www.changement-egalite.be/L-ecole-un-lieu-de-democratie

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