L’offre d’enseignement fondamental : maillon essentiel

L’école fondamentale est un chaînon essentiel de notre enseignement. Le nom l’indique, c’est elle qui établit les fondations sur lesquelles l’éducation de nos enfants sera construite, tant au point de vue de la socialisation, que de l’apprentissage des matières de base, dont la langue française.

C’est pourquoi il nous a semblé important de faire le point sur la question face à la pénurie de places à certains endroits (Bruxelles par exemple) et aux difficultés liées à la création de nouvelles places, comme à la désertion des écoles en milieu rural et à la conséquence sur leur organisation. D’autres lieux ont également été explorés, comme la formation des enseignants ou les spécificités de l’enseignement spécialisé.

Cette réflexion s’est tenue au travers de trois rencontres/débats, durant lesquelles les mandataires de l’UFAPEC ont rencontré des professionnels du fondamental, tels que directeurs, responsables de Pouvoirs Organisateurs (PO), syndicats, responsables du SeGEC,… lesquels nous ont apporté chacun leur éclairage sur ces questions. Il nous a paru important de mettre en parallèle le fruit de ces échanges avec le mémorandum que nous avons rédigé il y a presque quatre ans, publié début 2009, et d’élargir la réflexion aux influences que cette problématique peut avoir sur l’enseignement secondaire, ou sur la société dans son ensemble.

Caractéristiques et démographie de l’enseignement fondamental

Les écoles du fondamental présentent quelques spécificités par rapport aux écoles secondaires :

  1. Ce sont des écoles de proximité, intégrées fortement à la vie d’un quartier ou d’un village dont les élèves sont de par leur âge, moins mobiles.
  2. Ce sont des entités présentes en plus grand nombre et de taille très variable (de 14 à plus de 800 élèves).
  3. La pénurie de places est déjà effective à Bruxelles (mais pas seulement), alors que pour le secondaire, la pénurie est annoncée pour 2020.

Dans la plupart des pays d’Europe, la population scolaire de la tranche d’âge 0-9 ans va connaître une augmentation entre 2010 et 2020. Si dans la première décade de notre siècle, le nombre  d’enfants de 0 à 9 ans a connu une décroissance de 4% en Belgique, pour une moyenne de 7,8% en Europe, la décade en cours voit le processus s’inverser, avec une croissance de 13,3% en Belgique, largement supérieure à la moyenne européenne (de 5,2%[i]). Ce qui est d’ailleurs plus élevé que les prévisions de la Communauté française publiées dans les indicateurs de l’enseignement 2007.

La situation en Wallonie a même commencé plus tôt, avec une croissance de population de 5,5% pour la période allant de 1989 à 2006. Les problèmes les plus aigus se situant dans les grandes villes, Bruxelles principalement, même si des taux de croissance élevés se rencontrent ailleurs (12,6% pour la Province du Luxembourg pendant la même période[ii]). Le Bureau du Plan estime nécessaire la création de 18 000 places rien que pour Bruxelles.

Des murs et des sous : défis et solutions mises en œuvre

L’augmentation du nombre de places passe par un investissement important dans les bâtiments scolaires. Pour rappel, la part de financement des dépenses d’investissement par rapport à l’ensemble des dépenses liées à l’enseignement est particulièrement faible en Belgique (4,1%), ce qui nous situe dans le tiercé de queue européen (moyenne européenne à 8,9%)[iii].

Il a donc fallu faire preuve de volontarisme. En juin 2012, le Ministre Nollet en charge des bâtiments scolaires a dégagé un budget de 100 millions d’euros, dont 58% seront consacrés à Bruxelles (au lieu de 22% selon la clé de répartition traditionnelle), afin de réaliser le plus rapidement possible les 13 300 places (aujourd’hui en voie de création). Mais ce ne sera pas suffisant ; et, sachant que le gouvernement travaille avec un budget à enveloppe fermée, ce montant sera prélevé au détriment d’un autre. Lequel ?

Le problème budgétaire, malgré la crise, reste peut-être le plus facile à résoudre. D’autres difficultés se posent : dans le libre, la création de places prend 2-3 ans, ce qui est relativement peu au regard du temps pris par la constitution du dossier, de l’obtention du permis de bâtir, et celui nécessaire à la construction elle-même. Le SeGEC a tiré la sonette d’alarme en février 2012 sur les difficultés spécifiques du secteur : refus par les banques de prêter aux taux prévus par la convention les liant à la Fédération Wallonie-Bruxelles, surcoûts liés à la dépollution des sols en Région Bruxelloise,…[iv]

Dans le libre toujours, une autre difficulté financière réside dans l’éclatement de l’offre d’enseignement en une multitude de petites implantations. Pour diminuer les coûts, des centres de gestion ont été créés, regroupant à l’heure actuelle environ la moitié des écoles du libre confessionnel ; ces centres permettent de centraliser certains postes et sont financés à hauteur de 20€ par élève. Mais les PO tiennent à leur autonomie. Par ailleurs, en-deçà de 50 élèves, l’école a droit à des mi-temps supplémentaires (à la proportionnelle). Une autre piste est la fusion de PO. Sans ces aides, le danger serait alors de voir certaines écoles de village disparaître, au détriment de la vie sociale de ces petites localités rurales. Ces entités sont probablement plus sensibles à la concurrence  que d’autres : entre réseaux, entre écoles avec ou sans immersion, avec accueil exra-scolaire ou non, entre écoles d’un même réseau, voire d’un même PO…

Plus d’élèves, plus d’écoles, avec quels instituteurs : le vrai défi

La croissance démographique va entraîner un besoin d’ici 2020 de 4 000 à 4 500 postes d’enseignants. Mais la dévalorisation de l’image de marque des enseignants et un changement des valeurs de nos sociétés débouche aujourd’hui sur une « crise des vocations ».

Qu’envisager comme solutions quantitatives, et avec quels moyens financiers ?

La modification du régime d’aménagement de fin de carrière (DPPR) est en cours, suite aux changements du régime de pension au niveau fédéral[v]. Ceci entraînera une prolongation de carrière de 3 ans  pour les nouveaux bénéficiaires (départ à 58 ans au lieu de 55 ans).

Il s’agit d’une réforme souvent évoquée, permettant de développer le tutorat des nouveaux par les « anciens », les premiers étant trop souvent « abondonnés à leur triste sort ». Ceci aurait un double avantage :

  1. Quantitatif : il permettrait peut-être de diminuer le taux d’abandon de la profession par les jeunes profs (40% quittent le métier endéans les 5 ans), même si ce phénomène n’est pas nouveau et que ce n’est pas propre à cette seule profession.
  2. Qualitatif : en améliorant l’encadrement des débutants, il contribuerait à l’amélioration de la formation des professeurs.

La lutte contre l’échec scolaire est citée comme la première priorité de l’UFAPEC dans notre mémorandum 2009[vi]. Cette piste est souvent donnée comme celle permettant de financer de nouvelles politiques (par exemple de remédiation), en raison des économies importantes qu’une baisse de l’échec engendrerait. Cela ne peut évidemment pas se faire par décret, ni par une baisse des exigences.

La qualité d’abord

Tous les intervenants rencontrés ont insisté sur la qualité de l’enseignement, qui ne peut exister sans directeurs d’école et professeurs de qualité. Nous revenons donc à notre mémorandum, où nous insistions sur 2 axes de la formation des enseignants :

  • les relations (porter un regard positif sur chaque élève et les encourager, favoriser les relations avec les parents) ;
  • la prévention des échecs et des décrochages (observer, évaluer et guider les élèves, dépister à temps les difficultés).

De plus, une constatation mise en exergue par beaucoup, nous inquiète énormément : le métier est de plus en plus rarement un « premier choix ». La profession est belle mais difficile, demandant un grand engagement, surtout en début de carrière. Cela nous semble peu compatible avec une orientation venant après des échecs dans une ou deux autres filières de l’enseignement supérieur.

L’école normale a parfois du mal à attirer ou à conserver ses meilleurs éléments, effrayés par le faible degré d’exigence, notamment quant à la connaissance du français. Comment encore croire que l’école normale va réussir le miracle de faire maîtriser le français, quand un parcours de minimum 15 ans (en comptant les maternelles) dans l’enseignement obligatoire, n’y est pas parvenu ? Nous mettons actuellement sur le « marché », des instituteurs dont certains doivent enseigner une langue qu’ils ne connaissent pas suffisamment. Or, l’apprentissage de la langue française dans le fondamental a énormément d’importance pour la suite du cursus. Les solutions passent probablement par un développement précoce de la remédiation en français et de l’enseignement du français langue étrangère – cours éventuellement rendu obligatoire, s’il y a assez d’enseignants formés à ces spécificités.

La formation initiale ne prépare pas assez à affronter la réalité du terrain, avec des classes hétérogènes, à détecter le plus tôt possible les difficultés d’apprentissage, à faire de la gestion de groupe, …

L’amélioration de la formation passe par un allongement de la durée des études (avec quel impact financier ?), tout en veillant à ne pas amplifier la pénurie à court terme. Il faut donc que l’année ou les années complémentaires soient effectuées endéans les x années suivant l’obtention du diplôme de base, nous disent les experts. Le SeGEC suggère également, de manière un peu provocante, l’instauration d’un examen d’entrée. En cas d’échec, une année propédeutique ou des cours de remédiation en première année seraient organisés.

L’offre dans l’enseignement spécialisé[1]

Grosso modo, le constat est le même que pour le fondamental traditionnel : en pire… De par sa subdivision en « types » d’enseignement en fonction des besoins spécifiques de chaque enfant, l’adéquation entre l’offre et la demande est plus difficile à obtenir. Par ailleurs, les politiques d’intégration dans le traditionnel sont limitées à la fois par les moyens budgétaires, les difficultés de transport et d’autres contraintes techniques : cela n’est pas possible pour tous et entraîne une charge de travail importante pour les directeurs et enseignants du spécialisé qui doivent suivre ces projets ; même si l’expérience se révèle très enrichissante humainement pour tous les élèves. De plus, l’intégration est limitée à 4 heures dans le fondamental et à 12 heures dans le secondaire ; l’inverse serait préférable.

Les carences d’offre sont nombreuses : le type 3 (troubles du comportement) est inexistant à Bruxelles – il manque de place partout en type 2 (troubles mentaux modérés ou sévères) – le type 8 (troubles de l’apprentissage : « dys ») ne commence qu’en 1ère primaire (c’est trop tard) et disparait dans le secondaire. Les types 8 sont alors souvent assimilés au type 1 (troubles mentaux légers). Rares sont les retours vers l’enseignement traditionnel !

La demande de place est telle que les « non-inscrits » sont accueillis à mi-temps, dans des locaux trop petits, ou restent sur le carreau.

Quant à la formation, deux semaines de stage complémentaires suffisent pour avoir accès au métier…

C’est bien beau tout ça. Et après ?

Loin de nous l’idée de taper à tout crin sur le pianiste. Nous cotoyons au quotidien le travail fantastique réalisé par le monde de l’école, et avons un profond respect pour l’engagement et la motivation de chacun. Le danger de ce genre de démarche réflexive est souvent la stigmatisation de ce qui ne va pas. L’amélioration dépend de l’implication de chacun, directions, enseignants, parents, femmes et hommes politiques. Un des enjeux, est d’avoir une vision globale de l’enseignement. Le fondamental n’est pas sur une île, et pose les fondements à 6 années d’étude secondaires (ce nom est-il bien choisi ?). Aussi, nous nous félicitons par exemple qu’à l’instar de ce qui était déjà souligné dans notre mémorandum, le SeGEC ait fait retravailler le programme de math du fondamental en collaboration avec des instituteurs et des professeurs du 1er degré. Les programmes de français et d’éveil suivront ces deux prochaines années.

Il est temps que chacun prenne conscience que la qualité de l’enseignement est un enjeu de société, dont dépend à la fois la prospérité, la sécurité et la paix sociale de demain. Quant à une éventuelle régulation des inscriptions dans le fondamental, une seule personne parmi les témoins rencontrés, pensait que cela était dans les projets du moment. A l’UFAPEC, nous y sommes fermement opposés ; le cabinet se veut également rassurant, et réaliste, en affirmant qu’une régulation en situation de pénurie de place, n’a aucun sens.

 

 

Pour toute question/contact presse :

Pierre-Paul Boulanger, Président
0473/67.39.97
pierre-paul.boulanger@ufapec.be

 

 

 

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