• Note informative du 27/08/2019 - L'accueil extrascolaire : un outil pour lutter contre les inégalités sociales ?

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L’accueil extrascolaire, un outil pour lutter contre les inégalités sociales ?

27 août 2019

note informative de la conférence de presse de rentrée

 

En quoi consiste l’accueil extrascolaire ?

Il faut distinguer l'accueil extrascolaire (dont les contours stricts sont déterminés par des décrets et des arrêtés impliquant la notion d'Accueil Temps Libre) des activités extrascolaires au sens large (soit toutes les activités culturelles, artistiques, sportives, sociales et autres proposées par une multiplicité d'opérateurs et de structures en dehors du cadre légal de l'Accueil Temps Libre).

L'Accueil Temps Libre, englobe trois secteurs (l'accueil extrascolaire, les écoles de devoirs et les centres de vacances) et se déploie en dehors du temps scolaire. Il n'est pas non plus concerné par la prise en charge des élèves durant le temps de midi (pour rappel, ce temps n'est toujours pas considéré aujourd'hui comme du temps scolaire). Dès lors, la prise en charge prévue par le décret ATL concerne uniquement : le temps avant et après l’école ; le mercredi après-midi ; le week-end ; les congés scolaires (concerne les centres de vacances).

Le décret ATL reprend trois objectifs généraux :

1) contribuer à l'épanouissement global des enfants par l'organisation d'activités de développement multidimensionnel adaptées à leurs capacités et à leurs rythmes ;

2) contribuer à la cohésion sociale en favorisant l'intégration de publics différents se rencontrant dans un même lieu ;

3) faciliter et consolider la vie familiale en permettant aux personnes qui confient les enfants de les faire accueillir pour des temps déterminés dans une structure d'accueil de qualité.

L’accueil extrascolaire peut représenter jusqu’à quatre à cinq heures dans la journée d’un enfant. Il ne peut pas être un « temps vide », perdu mais il se doit d'être un temps investi, où l’enfant, encadré par des adultes disponibles et bienveillants, est à même de se construire et de développer d’autres potentialités, complémentaires aux apprentissages scolaires. L’accueil extrascolaire contribue ainsi à favoriser le développement global de l’enfant par un accueil de qualité sur différents plans : l’aspect psychopédagogique, les activités, la santé, l’accessibilité, l’encadrement, les relations avec les parents et, surtout, en proposant une réponse adéquate aux différents besoins propres à l’enfant.

Un accueil extrascolaire accessible à tous ?

Il est de la responsabilité du pouvoir exécutif, exercé par le Gouvernement, d’investir dans une politique d’accueil extrascolaire ambitieuse et cohérente avec les autres mondes de l’enfant (famille, école…). Cette politique vise à permettre à chaque enfant, quel que soit le statut professionnel ou autre de ses parents, d’avoir accès à des services d’accueil de qualité, adaptés à ses besoins et accompagnés par des professionnels formés.

L’accueil extrascolaire se doit d'être un service d’utilité publique pour tous, sans aucune discrimination. C'est l'une des revendications d'un manifeste[1] rédigé par l'association BADJE (Bruxelles, Accueil et Développement pour la Jeunesse et l’Enfance) dont l’objectif est d’interpeller les pouvoirs publics pour qu'ils œuvrent à lever les obstacles financiers et politiques en vue d'un accès à un accueil extrascolaire de qualité pour chaque enfant en Fédération Wallonie-Bruxelles. En effet, si de nombreux milieux d’accueil extrascolaire s’adressent à des publics précarisés, cet accès est insuffisant. Les obstacles sont financiers mais aussi organisationnels, culturels voire géographiques. Dans notre étude, nous pointons plusieurs freins :

1) Le coût pour les parents

Si nous ne pensons pas que l’accueil extrascolaire doit nécessairement être gratuit pour les parents, le coût est, bien entendu, le premier frein à l’accès de tous. Il y a donc selon nous une nécessité à développer une politique de l’accueil extrascolaire qui assure davantage qu’aujourd’hui le deuxième des trois objectifs généraux de l’ATL : contribuer à la cohésion sociale en favorisant l'intégration de publics différents se rencontrant dans un même lieu. Il y a une responsabilité politique, communale bien sûr, mais qui implique également les autres niveaux de pouvoir, pour assurer une offre de qualité à un prix qui n'empêche pas certaines familles de recourir régulièrement à l'accueil extrascolaire tel qu'il est proposé. Sans oublier l'inclusion d'autres publics fragilisés (migrants, enfants en institution, élèves à besoins spécifiques…) en fonction des possibilités et de l'équilibre propre à chaque lieu d'accueil.

Un rapport de l’Observatoire de l'Enfance, de la Jeunesse et de l'Aide à la Jeunesse (OEJAJ) publié en février 2019[2] pointe que sur les 146 communes qui ont répondu à des questionnaires et des enquêtes de l'OEJAJ « environ une commune sur cinq (21%) estime que le coût de l’accueil dans les lieux d’accueil extrascolaire est (plutôt) un obstacle à la participation des enfants. Ceci alors qu’elles-mêmes interviennent (ou ont la capacité d’intervenir) dans le choix des opérateurs extrascolaires sur leur territoire.

2) Une offre d'activités variée, des objectifs divers et une information qui n'est pas toujours centralisée ni explicite

Le secteur de l’accueil de l’enfance se caractérise par un grand morcellement, avec des offres venant d'opérateurs divers, bénéficiant de subventionnements différents ou n'en recevant aucun, avec des contraintes, des objectifs et des moyens différents, une qualité d'encadrement et d'infrastructure très variables d'un opérateur à l'autre, d'un lieu d'accueil à l'autre ou d'une commune à l'autre. Si cela a un impact sur les travailleurs de terrain, cela amène aussi souvent une difficulté de vision des opportunités d'accueil pour les parents. Cette complexité peut même rendre le parcours de l'enfant peu compréhensible par le parent : celui-ci n'est pas toujours conscient des ressources disponibles ni des enjeux sous-jacents. Et quand il l'est, sa décision va régulièrement tellement dépendre d'éléments qu'il ne peut pas maîtriser qu'il s'agira d'un « choix par défaut ».

3) La répartition géographique d’une offre de qualité

Il faut que le parent puisse conduire son enfant sur les lieux d'activité. Inévitablement, ce sont les populations les plus défavorisées qui sont principalement touchées par la pénurie d'offres qualitatives accessibles. En zone rurale, ou en zone urbaine et péri-urbaine dans laquelle la majorité des ménages bénéficient de faibles revenus, l'offre d'activités de loisirs (culturelles, artistiques et sportives) est souvent assez limitée. S'il en fait une priorité, le parent risque de devoir faire face à des coûts, non seulement en termes d'accueil, mais aussi de temps et de mobilité. L'investissement des et le soutien aux communes via les activités ATL n'en est que plus essentiel. Mais toutes ne s'y investissent pas avec autant d'ardeur…

4) Une responsabilité qui n’est donc pas toujours investie par les communes…

Lors de la mise en place du décret ATL, le législateur a voulu responsabiliser les communes dans la prise en charge de l'accueil extrascolaire. Ce qui sera mis en place (ou pas) dépend donc en grande partie de la volonté politique locale. Certaines communes, vingt-quatre d'après des chiffres de l'ONE de fin février 2019, sont encore totalement dépourvues de toute initiative développée dans le cadre de l'ATL tandis que d'autres bénéficient d'une attitude active et réflexive en la matière. Après seize ans d'exercice du décret, cet écart mériterait vraiment d'être questionné et débattu à un niveau plus global. Une commission transversale aux trois secteurs de l'ATL a été constituée par un arrêté du 23 janvier 2019 pour faire des propositions en vue d'opérer un décloisonnement des textes actuels, au bénéfice de l'enfant. Nous nous réjouissons de cette initiative, d'autant que l'UFAPEC a été invitée à y participer.

Dans ce contexte, il nous semble pertinent de rappeler ici les demandes du manifeste rédigé par BADJE. Celui-ci indique qu'il s'agit de :

« - penser et soutenir la perméabilité des milieux d’accueil, de manière à leur donner la possibilité d’accepter la fréquentation irrégulière engendrée par des conditions de vie précaires, pour garantir la place que l’enfant vienne ou pas ;

- encourager les milieux d’accueil à adopter des projets pédagogiques mettant en œuvre les moyens nécessaires à l’accueil des familles en situation de pauvreté et de leurs enfants ;

- octroyer et valoriser du temps pour les professionnels afin de leur permettre d’aller à la rencontre des familles ;

- soutenir les initiatives qui investissent l’espace public. »[3]

De plus, le manifeste pointe le fait que cela requiert de construire efficacement la transversalité des politiques :

« - organiser et faciliter les collaborations entre les différents niveaux de pouvoirs ;

- décloisonner les politiques, les cadres législatifs et administratifs pour redonner une liberté et une légitimité aux acteurs de terrain dans le choix de leurs actions et l’édification de leurs partenariats ;

- prévoir une contractualisation des milieux d’accueil extrascolaire dans une approche intégrée, permettant une réduction des charges administratives incombant aux milieux d’accueil au profit de leur fonction sociale ;

- abandonner au plus vite les critères de financement qui, actuellement, amènent à une sélection indirecte des publics accueillis et mettre en place des modes d’évaluation adaptés aux réalités de terrain et à la situation des familles. »[4]

 

Autres éléments à pointer en lien avec l’accueil extrascolaire

1) L’encadrement des temps de midi n’est pas à la hauteur des besoins

Le subventionnement du temps de midi dans les écoles subventionnées ne suffit pas toujours à couvrir l'ensemble des frais liés à la surveillance. Cela explique que de nombreuses écoles réclament des frais aux parents en plus des subventions perçues pour pouvoir organiser ce temps spécifique. Le fait que ce moment ne soit pas considéré comme du temps scolaire permet de contourner l'exigence de gratuité inscrit dans la Constitution belge. Pourtant, quelle école pourrait raisonnablement se permettre de n'organiser aucune surveillance sur le temps de midi ? L'accueil extrascolaire, pour sa part, bénéficie d'autres formes de subventionnement, sans lesquelles la qualité de l'accueil ne pourrait jamais être assuré sans le rendre inabordable pour les parents…

2) La représentativité des parents à la CCA mérite d’être interrogée

Pour bénéficier de subventionnements liés à l'accueil extrascolaire, les communes doivent constituer une commission communale de l'accueil (CCA). Celle-ci doit permettre de collecter l'avis des différents acteurs concernés et de réunir autour de l'ATL des acteurs qui, en dehors de cette structure, se rencontrent peu, jamais tous ensemble et dans des rapports qui pourraient être parfois très indirects. Nous saluons bien entendu la présence des parents dans la CCA. Cela dit, la procédure de leur nomination n'est ni claire, ni très cadrée. Elle s'effectue de manières très différentes d'une commune à l'autre. L'UFAPEC est par exemple sollicitée par un certain nombre de communes, généralement via leur coordinateur ATL, pour inviter les membres d'associations de parents d'écoles de la commune à rejoindre la CCA. Elles passent aussi régulièrement directement par les directions d'école. Mais l'on peut aisément imaginer que la façon de « recruter » les parents se fait le plus souvent en dehors du cadre de représentation prévu par le décret AP[5] ou de l'article 69 du décret Missions[6] consacré au conseil de participation. Et on peut alors se demander comment ceux-ci sont choisis, leur degré de représentativité, comment ils consultent les usagers qu'ils représentent, comment les usagers sont informés de leur désignation, etc. Ces éléments peuvent et devraient néanmoins figurer dans le programme CLE et dans le ROI de la CCA, voire même dans une version améliorée du décret ATL.

3) La question des avantages sociaux

Dans un contexte de concurrence entre les écoles, les services proposés aux parents via l'établissement scolaire constituent indéniablement des différences potentielles d'attractivité d'une école par rapport à une autre. L'extrascolaire en fait partie. Un décret de 2001 liste les dix avantages sociaux, parmi lesquels : « 3° l'organisation de l'accueil des élèves, quelle qu'en soit la forme, une heure avant le début et une heure après la fin des cours. »[7] Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Que les communes et provinces qui contribuent financièrement en tout ou en partie dans les activités listées comme avantages sociaux auprès d'un établissement qu'elles organisent doivent contribuer de la même manière auprès des écoles de même catégorie[8] de l'enseignement libre subventionné qui en font la demande écrite et qui se trouvent sur le territoire concerné[9]. Mais cela n'est pas toujours réclamé par les écoles. Et quand ça l'est, certaines communes font le gros dos.

 

 

Lire l'étude complète (45 p.) >>

 

[2] DE WILDE, J., Quels besoins en matière d’accueil temps libre ?, OEJAJ, février 2019 : http://www.oejaj.cfwb.be/index.php?id=19769, p. 5. L’ONE en dénombrait 248 fin février 2019 : http://www.plateforme-atl.be/spip.php?article1032.

[4] Idem.

[5] Décret portant sur les Associations de parents d'élèves et les Organisations représentatives des parents et Associations de parents d'élèves, 30 avril 2009 : https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/34365_004.pdf.

[6] Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, 24 juillet 1997, Article 69, pp. 58-62 : http://www.enseignement.be/download.php?do_id=401&do_check=IFDOQYXBKT.

[7] Décret relatif aux avantages sociaux, 7 juin 2001 : https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/25875_001.pdf. L’ensemble des avantages sociaux est stipulé en page 1.

[8] Par exemple les écoles primaires, s’il s’agit d’une intervention pour le temps de midi des écoles primaires de la commune.

[9] Le territoire de la commune en ce qui concerne les communes et un territoire déterminé par le Gouvernement en fonction de la taille de ce territoire pondérée par la densité de population en ce qui concerne les provinces.

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