6 novembre 2017

Un statut juridique pour les familles d'accueil : quels changements par rapport à l'école ?


Il n'est pas toujours facile pour une famille d'accueil de voir clair dans ses droits et devoirs par rapport à un enfant placé et surtout vis-à-vis des démarches à effectuer dans la vie quotidienne. Quelles prérogatives la famille d'accueil a-t-elle par rapport aux relations qu'elle entretient avec l’école ? La famille d'accueil peut-elle, oui ou non, signer les bulletins ? Doit-elle demander l'autorisation à la famille d'origine pour un voyage scolaire? ...

Une étude de l'UFAPEC, intitulée "Quelle place pour les familles d'accueil dans les relations parents-école ? "[1] et rédigée en 2014, soulignait le manque de clarté quant aux prérogatives des familles d'accueil. Pour pallier cela, dans un communiqué (26 août 2014), l'UFAPEC revendiquait pour ces familles un statut juridique clair, en ayant bien sûr à l'esprit toujours l'intérêt supérieur de l'enfant.

Au mois de mars 2017, un statut juridique vient de fixer enfin les droits et les devoirs des ‘accueillants familiaux' ! (Statut voté à la Chambre).

Pour décrire succinctement les principes de la loi et son implication en contexte scolaire, nous avons demandé à "La Porte Ouverte" (association de familles d'accueil)[2] de nous expliquer les avancées.

France Baie


 

’Chouette, avec ma classe, on part visiter les grottes de Han ! Tu signeras le formulaire de l’école, dis ? …

Et Monsieur nous a dit qu’en 6e, on irait en classes de neige en Italie ; avec mes copines, on se mettra d’accord pour être dans la même chambre, ce sera génial !’

Euh, je dois quand même te dire : Monsieur a demandé que tu passes le voir, il dit que ça m’aiderait d’avoir une logopède parce que j’ai des difficultés en français, c’est pas ma faute, ça va trop vite, je n’y arrive pas…

Nina a 9 ans, aime l’école, surtout pour y voir ses copines, et adore les projets qui changent l’ordinaire. Excursion, classe verte ou de neige : bouger, ça lui plaît ! Mais Nina vit en famille d’accueil. Alors, lui dire oui, ce n’est pas si évident… Car même si ce sont ses parents d’accueil qui prennent soin d’elle au quotidien, l’autorité parentale reste du côté des parents. Dès lors, que ce soit pour des questions de scolarité, de santé, de loisirs, de passage de frontière pour des courses ou un séjour… toute décision doit en principe passer par une autorisation des parents.

Un statut juridique pour les ‘’accueillants familiaux’’ clarifie leurs droits et devoirs

Les choses ont changé à partir du 1er septembre 2017. En effet, c’est à ce moment qu’est entrée en application une loi votée en mars dernier, qui introduit dans le Code Civil un chapitre relatif à l’accueil familial. Ce texte modifie l’exercice de l’autorité parentale en organisant la délégation de certains droits aux parents d’accueil.

Pendant la durée de l’accueil, les parents d’accueil ont le droit d’hébergement et pourront donc demander les documents administratifs liés à ce droit (composition de famille…). Ils ont aussi le droit de prendre toutes les décisions quotidiennes relatives à l’enfant (choix du médecin traitant, de l’habillement ou des heures de coucher, de l’activité de loisir, des fréquentations de l’enfant, accord pour déloger chez un ami…). Ils peuvent également prendre les décisions d’extrême urgence (ex : opération suite à un accident) mais doivent informer au plus vite les parents ou, à défaut, l’autorité qui leur a confié l’enfant.

Sauf pour des cas rares de déchéance de l’autorité parentale, les parents gardent la compétence de prendre les décisions importantes relatives à la santé, à l’éducation, à la formation, aux loisirs et aux choix religieux ou philosophiques de leur enfant.

Cependant, une convention écrite entre parents et parents d’accueil, sous l’égide de l’autorité compétente, peut déléguer aux parents d’accueil la compétence de prendre tout ou partie de ces décisions importantes. Les parents pourraient par exemple déléguer à la famille d’accueil les questions scolaires, le droit de signer une autorisation légalisée pour franchir une frontière…

En l’absence de convention (parents absents…), après au moins un an de placement permanent, les parents d’accueil peuvent demander au tribunal de la famille de leur déléguer, en tout ou en partie, la compétence de prendre les décisions importantes.

Les seuls droits qui ne peuvent être délégués sont ceux liés à la personne de l’enfant : droit de consentir à son mariage, à son adoption, à un changement de nom et/ou de prénom…

Dans toutes leurs décisions relatives à l’enfant, les parents d’accueil doivent tenir compte autant que possible des principes éducatifs des parents. Ceux-ci gardent le droit aux relations personnelles avec leur enfant (sauf raison très grave), le droit d’être informés et de surveiller l’éducation, le droit de saisir le Juge.

Après un an minimum d’accueil permanent, la famille d’accueil a le droit de demander à garder contact avec l’enfant après la fin du placement car elle est présumée avoir un lien affectif particulier avec lui, à l’instar des grands-parents.

On le voit, cette nouvelle loi vise à répartir de façon claire les compétences parentales entre les parents et les parents d’accueil, afin que les décisions nécessaires pour l’enfant puissent être prises dans des délais corrects, tout en favorisant un esprit de coparentalité entre les adultes (possibilité de conventions écrites) et de continuité de vie pour l’enfant (droit à garder des relations personnelles avec ses deux familles). Les droits accordés à la famille d’accueil sont contrebalancés par le devoir d’informer les parents et le droit de surveillance de l’éducation de ceux-ci.

Quels changements le statut implique-t-il au niveau scolaire ?

Le parent d’accueil peut légalement prendre toutes les décisions quotidiennes, donc signer un bulletin, un journal de classe ou des formulaires scolaires, marquer son accord à une activité, mettre en place des cours particuliers... Il peut aussi prendre les décisions d’extrême urgence.

Les décisions importantes doivent recueillir l’accord des parents (sauf délégation de celles-ci à la famille d’accueil par convention écrite entre parents et parents d’accueil ou par décision du tribunal de la famille). Exemples : un séjour scolaire à l’étranger, la participation à des classes vertes/de mer/de neige, l’organisation d’une thérapie ou de rééducations dans le cadre scolaire, la mise en place d’un projet d’intégration ou d’aménagements raisonnables, le choix du réseau d’enseignement, du cours philosophique, de manger hallal, le choix de l’enseignement ordinaire ou spécialisé, de la filière de formation…

La famille d’accueil a le choix de l’école, mais pas celui du réseau. Si, par exemple, les enfants de la famille d’accueil sont scolarisés dans l’enseignement libre et que les parents tiennent au réseau officiel, les parents d’accueil devront respecter ce choix. Le placement étant toujours provisoire, l’enfant est susceptible de rentrer en famille à plus ou moins long terme et il faut respecter une certaine continuité dans son éducation. Ceci dit, la nouvelle loi encourage le dialogue (à travers les conventions), donc on peut toujours tenter de discuter avec les parents, d’expliquer les difficultés pratiques, les avantages pour l’enfant (par exemple intégration dans la seule école du village…).

En fait, dans la pratique, toute la difficulté sera de discerner décision quotidienne et décision importante. Des classes vertes, par exemple, ne relèvent-elles pas du quotidien car elles font partie de la formation des élèves ? Les professionnels sont partagés. Au fil du temps, une jurisprudence se dégagera.

Dans tous les cas, les parents seront tenus au courant de l’évolution de leur enfant (droit à l’information).

La famille d’accueil reste suivie, comme avant, par l’autorité compétente (service de placement, SAJ, SPJ, Juge de la Jeunesse). La difficulté sur le terrain sera d'harmoniser la nouvelle autonomie de décision des familles d’accueil (décisions quotidiennes et d'extrême urgence lui sont déléguées) avec les droits des parents, le caractère en principe toujours provisoire de l'accueil, le fait que les parents d'accueil continuent à devoir s'en référer à différents professionnels (service de placement, SAJ, SPJ, Juge de la Jeunesse).

L’essentiel sera que tous restent centrés sur l’intérêt prioritaire de l’enfant en accueil et veillent à ce qu’il puisse vivre sa scolarité comme les autres élèves, avec les mêmes chances, soutiens et activités.  

 

 

Marie-Hélène Kluser

La Porte Ouverte

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