Analyse UFAPEC mars 2023 par A. Pierard

01.23/ Quelle intégration des parents à besoins spécifiques dans la dynamique des AP et CoPa ?

Introduction

L’école évolue dans le sens de l’ouverture aux différences. De plus en plus de démarches se mettent en place pour les élèves à besoins spécifiques : intégration, aménagements raisonnables, pôles territoriaux, classes à visée inclusive. Ces besoins ne disparaissent pas soudainement à la fin de la scolarité et ces élèves peuvent devenir un jour parents. Dans d’autres situations, les besoins peuvent apparaitre à l’âge adulte, à la suite d’un accident, d’une maladie, sans les empêcher de devenir ou de rester parent d’élève. Quelle place accorde-t-on aux parents à besoins spécifiques à l’école ?

En 2019, sous l’impulsion des membres de son assemblée générale, l’UFAPEC a intégré une revendication concernant les parents à besoins spécifiques dans son mémorandum. Mettre en place une série de dispositifs d’accueil des parents ayant des besoins spécifiques (handicaps visibles et invisibles) pour leur permettre d’accéder aux séances d’information, aux lieux de rendez-vous et de rencontre, de comprendre les attendus vis-à-vis de l’enfant et de la famille (comme tout autre parent).[1]

Le partenariat école-familles avec des parents à besoins spécifiques concerne la communauté scolaire dans son ensemble. Tout parent d’élève a des droits et devoirs afin d’exercer son rôle dans la scolarité de son enfant. Comment permettre à ces parents d’être de réels partenaires de l’école et de s’impliquer dans ses structures participatives (association de parent et conseil de participation) ? En tant que parent à besoins spécifiques, comment se faire une place et exercer pleinement son rôle de parent d’élève dans l’école de ses enfants ?

En 2020, pour prolonger la réflexion sur le sujet, l’UFAPEC a sorti une étude sur le partenariat école-familles avec les parents en situation de handicap.[2] Dans la conclusion, nous avons évoqué l’intérêt de poursuivre le questionnement sur l’implication des parents dans la dynamique collective de l’école. À cet effet, lors de notre table ronde de rentrée du 6 octobre 2022, nous avons organisé un atelier sur l’implication des parents à besoins spécifiques au sein des associations de parents et des conseils de participation[3]

Pour faire évoluer les choses, le questionnement est fondamental. Comment rendre l’école plus inclusive et accueillir la diversité des parents ? À qui incombe la responsabilité d’inclure les parents à besoins spécifiques ? Quelles sont les actions à mettre en place ? En tant que membre du comité de l’association de parents (AP), comment accueillir ces parents à besoins spécifiques ?

Qui sont les parents à besoins spécifiques ?

Nous nous référons aux définitions présentes dans le code de l’enseignement.

Parents: toute personne investie de l'autorité parentale, selon les principes définis aux articles 371 à 387 du Code civil, ou qui assume la garde en droit ou en fait d'un enfant mineur soumis à l'obligation scolaire.[4]

Besoins spécifiques : besoins reconnus résultant d'une particularité, d'un trouble, d'une situation permanents ou semi-permanents d'ordre psychologique, mental, physique, psychoaffectif faisant obstacle au projet d'apprentissage et requérant, au sein de l'école, un soutien supplémentaire pour permettre à l'élève de poursuivre de manière régulière et harmonieuse son parcours scolaire dans l'enseignement ordinaire ou dans l'enseignement spécialisé.[5]

Les élèves à besoins spécifiques peuvent devenir des parents, comme les autres élèves. Dans ce cas, la définition de parent garde donc tout son sens. Pour ce qui est des types de besoins, il faut apporter une nuance, car il ne s’agit plus de poursuivre de manière harmonieuse son parcours scolaire, mais de pouvoir s’impliquer et participer en tant que parent à la vie de l’école.

La variété des besoins induit une diversité d’aménagements nécessaires afin d’inclure ces parents dans la vie de l’établissement. Comment l’école peut-elle prendre en compte ces besoins ? Qu’est-ce que cela implique comme adaptations pour une implication dans les structures participatives ?

Quelle reconnaissance des besoins spécifiques des parents à l’école ?

Autant les besoins spécifiques des élèves sont reconnus dans le code de l’enseignement (aménagements raisonnables, pôles territoriaux, enseignement spécialisé, etc.), autant ceux des parents ne sont pas reconnus dans le cadre légal en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Comme l’explique Yves, un papa aveugle, le handicap des parents n’est pas pris en compte dans le monde scolaire. Dans le décret inscriptions que j’ai subi cette année, rien n’est prévu, que ce soit un besoin de mobilité, de connaissance de la langue des signes. Mon handicap n’est pas un élément qui permet de donner une priorité à l’inscription de ma fille dans les écoles à proximité ou plus facilement accessibles. Les parents à besoins spécifiques, nous n’existons pas ![6]

Même dans le décret associations de parents, il n’y a rien de particulier pour les parents à besoins spécifiques. Ce sont des parents comme les autres, ils peuvent s’impliquer comme les autres, mais si cela doit entraîner des aménagements, structurellement, rien n’est pensé. Faudrait-il ajouter quelque chose dans le code de l’enseignement pour faciliter l’implication de ces parents ? Est-ce vraiment nécessaire de devoir tout couler dans la loi ? Les parents et les équipes éducatives ne sont-elles pas naturellement bienveillantes et accueillantes à l’égard de ces parents ?

Dans les écoles, quand le besoin spécifique d’un parent est connu, l’équipe éducative et les autres parents se comportent généralement avec bienveillance et ouverture. Selon les cas (connaissance du besoin, réaction des autres adultes), les besoins sont reconnus au sein de l’établissement scolaire. Est-ce suffisant ? Faut-il parier sur l’humanité des personnes ou vaut-il mieux uniformiser et obliger l’inclusion ?

Quels sont les freins à la participation ?

La première question à se poser : Comment savoir s’il s’agit d’un parent à besoins spécifiques ? Certains handicaps sont visibles, d’autres ne le sont pas et il n’est pas toujours aisé de savoir si l’on se trouve face à un parent à besoins spécifiques. De plus, le parent souhaite-t-il faire connaitre ses particularités ?

Le manque de connaissance de l’autre, de ses capacités et de ses limites est un frein important à l’implication des parents à besoins spécifiques dans ses structures participatives. Même s’ils peuvent aussi aller eux-mêmes vers les parents concernés, le comité de l’AP et les parents au conseil de participation ne vont pouvoir prendre en compte ces spécificités et les défendre si nécessaire que s’ils en ont connaissance.

Comme l’ont expliqué des parents lors de notre atelier, c’est plus facile de se faire connaitre et de s’impliquer dans une petite structure. Les liens interpersonnels se nouent plus aisément et les parents ont plus facilement l’occasion d’apprendre à se connaitre. Dans les grosses structures, comme le disent Yves et Isabelle, une maman en situation de handicap physique, ils sont noyés dans la masse des parents et leurs besoins spécifiques ne sont pas forcément connus des autres. [7]

D’autres freins sont à soulever, sans forcément concerner tous les besoins spécifiques :

  • l’accessibilité de l’école ;
  • les outils de communication et leur utilisation ;
  • l’organisation des réunions et activités ;
  • le souhait ou non de s’impliquer.

Comme pour les autres parents, l’implication dans les structures participatives doit avant tout être un choix personnel. On ne peut pas forcer les parents à faire partie du comité de l’AP ou devenir représentant des parents au conseil de participation.

Quelles actions pour une réelle participation ?

Lors de l’atelier de notre table ronde, les participants se sont mis en réflexion sur ce qu’il faudrait mettre en place, au sein des écoles ou de manière plus large, pour faciliter la participation des parents à besoins spécifiques dans les structures participatives. Comment aller chercher ces parents pour qu’ils s’impliquent ? Comment peut-on s’adapter en tant que membre du comité de l’AP ?

  • Au niveau local : tendre la main et s’adapter

La base, pour l’école ou pour le comité de l’AP, est de faire connaitre son ouverture aux parents à besoins spécifiques lors de la réunion de rentrée ou, ensuite, de tout autre évènement. Comme en témoigne Mélinda, présidente d’AP, elle est prête à dire aux parents : « si vous avez des besoins spécifiques, cela ne doit pas vous empêcher de participer aux activités, venez vers nous et nous pourrons voir ensemble comment collaborer ». [8]On ne peut pas obliger les parents, quels qu’ils soient, à s’impliquer. Ne faut-il pas seulement veiller à faire en sorte qu'ils se rendent compte que la porte est bien ouverte et qu'ils sachent qu'ils sont les bienvenus ?

Qu’ils aient des besoins spécifiques ou non, pour donner une place aux parents au conseil de participation, il faut informer les parents de son existence et leur faire savoir comment se proposer pour les élections. Comme l’exprime Yves, si on veut que les parents participent, il faut que ces structures soient quelque chose d’actif et de dynamique.[9]

Comme pour les élèves à besoins spécifiques, il n’y a pas de recette miracle. L’essentiel est de s’adapter aux besoins de chacun en lui permettant de prendre la place qu’il souhaite dans les structures participatives de l’école. Des solutions propres à chaque situation peuvent aider dans la prise en compte de ces parents, comme des autres parents, le plus naturellement possible. Qu’il s’agisse de l’accessibilité, de la communication ou de l’organisation, les adaptations envisageables sont variées. Il faut tenir compte de l’aspect réaliste des aménagements possibles pour répondre aux besoins des parents. Certaines adaptations sont plus faciles à mettre en place et sont des aménagements raisonnables pour permettre à tous les parents d’exercer leurs droits : organiser les réunions de parents au rez-de-chaussée, installer une rampe d’accès amovible, proposer des supports visuels clairs, parler en articulant bien face à un parent sourd qui sait lire sur les lèvres… D’autres adaptations sont plus conséquentes et demandent davantage de moyens : installation d’un ascenseur, présence d’un traducteur en langue des signes…[10]

Dans une optique de valorisation et de reconnaissance des compétences de chacun, Delphine, maman en situation de handicap physique, fait part de son vécu. Ne pas demander des choses qui soient impossibles pour nous et laisser la porte ouverte à des propositions alternatives d’aide. Je peux faire quelque chose à mon niveau, c’est gratifiant même si ce n’est pas grand-chose. [11]

  • Au niveau institutionnel : sensibiliser et reconnaitre les besoins spécifiques des parents

Nous pouvons reprendre ici des pistes et revendications présentes dans notre étude de 2020.[12]

  • Sensibiliser et informer sur les besoins spécifiques. Une sensibilisation et une information auprès des équipes éducatives et des parents impliqués dans l’école permettra de conscientiser et d’ouvrir les établissements scolaires à l’accueil des parents à besoins spécifiques.
  • Améliorer la formation des enseignants et autres membres du personnel scolaire en contact avec des parents pour une meilleure intégration dans l’école et au conseil de participation si souhaité par le parent
  • Rendre les écoles accessibles. Participer à la vie de l’école, c’est d’abord pouvoir y accéder.
  • Créer un poste « personne de référence » dans les écoles. Une personne de contact privilégiée, avec fonction sociale et humaine, peut soutenir les parents à besoins spécifiques dans le partenariat école-familles et leur implication dans les structures participatives

En tant qu’organisation représentative des parents et associations de parents, l’UFAPEC se doit de soutenir les écoles et les associations de parents dans l’ouverture à tous les parents. Comme l’a demandé Mélinda lors de l’atelier, nous pouvons donc aider les AP dans les modes de communication à développer avec ces parents et établir un mode d’emploi de ce que l’AP peut faire de simple pour s’adapter.

L’implication des parents à besoins spécifiques dans les structures participatives est une question d’inclusion sociale de personnes en situation de handicap. Pour aller plus loin dans la réflexion en FWB, ne faudrait-il pas un conseil supérieur des personnes en situation de handicap ? Comme l’explique Geoffrey, président d’AP, il existe ce genre de conseil à d’autres niveaux de pouvoir (national, régional, communal). Un conseil au niveau de la FWB pourrait-il avoir plus d’impact, l’enseignement étant une compétence communautaire ? [13]

Conclusion

Le parent d’élève, qu’il soit à besoins spécifiques ou non, est un membre à part entière de la communauté scolaire. Il a le droit de s’impliquer dans les structures participatives de l’école. Il faut donc lui en donner les moyens.

Des adaptations se mettent en place au niveau local, selon la motivation des parents à besoins spécifiques et l’ouverture des autres parents et du personnel de l’école. Reconnaitre et comprendre les besoins spécifiques, s’adapter à la réalité de chacun, agir dans le respect et la bienveillance, valoriser le parent dans ses compétences sont des actions qui permettent de reconnaitre le parent comme un partenaire à part entière.

Permettre au parent à besoins spécifiques de s’impliquer dans la vie de l’établissement scolaire via l’AP ou le conseil de participation, c’est le considérer comme un parent d’élève de plein droit, mais c’est aussi servir l’intérêt supérieur de l’enfant.

Il ne faut pas forcément aider les parents en situation de handicap, mais plutôt leur donner une place afin qu’ils puissent ajouter leur pierre à l’édifice et participer selon leurs envies, leurs possibilités et leurs compétences. Les nommer, c’est déjà les reconnaitre afin de vivre ensemble entre partenaires de l’éducation des enfants.

 

 

Alice Pierard

 


[1] Mémorandum UFAPEC 2019, p. 22.

[2] PIERARD A., Comment être partenaire de l’école quand on est parent à besoins spécifiques ?, étude UFAPEC 2020, étude parents à besoins spécifiques

[3] « Je suis un parent dys, TDA/H, autiste, avec handicap physique… », atelier organisé par Anne Floor et Alice Pierard lors de notre table ronde du 6 octobre 2022.

[4] Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire, article 1.3.1-1 § 45, code de l'enseignement

[5] Idem, article 1.3.1-1 § 5.

[6] Intervention lors de l’atelier « Je suis un parent dys, TDA/H, autiste, avec handicap physique… ».

[7]Intervention lors de l’atelier.

[8]  Intervention lors de l’atelier.

[9] Idem.

[10] PIERARD A., Comment être partenaire de l’école quand on est parent à besoins spécifiques ?, p. 37.

[11] Intervention lors de l’atelier.

[12] PIERARD A., Comment être partenaire de l’école quand on est parent à besoins spécifiques ?, pp. 39-48.

[13] Intervention lors de l’atelier.

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