Analyse UFAPEC Octobre 2022 par F. Baie

14.22/ Maisons de repos et écoles : un enrichissement mutuel ?

Introduction

Notre analyse veut interroger les liens qu’il pourrait y avoir entre les écoles et les maisons de repos. Certaines écoles sont toutes prêtes à organiser des activités et visites dans les maisons de repos avec les élèves ou à inviter les résidents à participer à des activités d’école, d’autres le sont moins. Pourquoi ? Tous les acteurs sont-ils convaincus de l’intérêt d’une telle démarche ? Est-ce une mission de plus qui incombe à l’école ? Ce type d’initiative est-il si facile à mettre sur pied ? N’y a-t-il pas des obstacles ? Quels sont les avantages et les freins à créer ces liens intergénérationnels ? Le lien entre les maisons de repos et les écoles permettrait-il de rompre l’isolement social des personnes âgées ? Quel apport les enfants ont-ils dans cette démarche et que peuvent-ils recevoir en retour ? Faut-il d’ailleurs qu’il y ait toujours un retour ? Les enfants tout comme les personnes âgées n’ont-ils pas droit à apprendre les uns des autres ? Apprendre aux enfants à être solidaires et permettre aux personnes âgées de se sentir utiles et épanouies, de continuer à s’investir dans la société et transmettre, ne sont-ils pas des enjeux sociétaux importants ? N’y a-t-il pas encore beaucoup de préjugés à casser et l’âgisme[1] ainsi que le jeunisme[2] ne font-ils pas des ravages contre ce type d’initiative ? Les écoles tout comme les maisons de repos ont-elles intérêt à rester chacune dans leur bulle ou faut-il ou contraire les percer afin que l’une et l’autre se tournent vers l’extérieur et interagissent ? Les associations de parents et les conseils de participation ont-ils un rôle à jouer dans ce type d’initiative ?

Isolement social : quelques chiffres

Aujourd’hui, l’espérance de vie augmente d’année en année et nous sommes confrontés à une population de plus en plus vieillissante. Les derniers chiffres de STATBEL[3], l’office belge de statistique, nous le confirme : En 2021, l’espérance de vie à la naissance s’élevait en Belgique à 81,7 ans pour la population totale. L'espérance de vie à la naissance est de 84 ans pour les femmes et de 79,2 ans pour les hommes.

Certaines personnes âgées vivent encore chez elles et d’autres vivent dans des maisons de repos. Qu’elles restent chez elles ou non, certaines de ces personnes âgées se sentent parfois isolées socialement.

Après une première étude effectuée en 2017, la Fondation Roi Baudouin en a fait réaliser une autre[4] en 2020 auprès de personnes âgées de 60 à 84 ans qui ne sont pas (encore) en situation de dépendance et qui ne sont pas en maison de repos. Il en ressort que les personnes âgées souhaitent rester le plus longtemps chez elles et déplorent l’isolement social.

C’est surtout dans les catégories des plus de 75 ans que la solitude est la plus importante (…) Près d’un quart des 75-79 ans se sentent seuls plusieurs fois par semaine (17 %, contre 8 % en 2017), voire chaque jour (6 %, contre 3 % en 2017). 36 % se sentent seuls de temps en temps tandis que le nombre de personnes qui n’éprouvent jamais de solitude passe sous la moitié (44 %, contre 63 % en 2017). Les chiffres sont encore plus criants pour les 80-84 ans. Si l’isolement social (recevoir peu ou pas de visites, sortir rarement…) n’est pas tout à fait la même chose que la solitude (ne pas se sentir socialement soutenu), il y a une corrélation étroite entre les deux, ainsi qu’un lien clair avec des problèmes de santé. L’isolement affectif pèse aussi sur le sentiment de bonheur. On ne peut donc pas fermer les yeux sur cette solitude croissante[5].

Au regard de ces chiffres, on peut aisément imaginer que les personnes âgées qui en vieillissant se retrouvent parfois dans des maisons de repos, parfois en situation de dépendance, ont besoin elles aussi de liens sociaux et encore plus peut-être... C’est une question d’équilibre et de bonheur. Si elles n’ont pas beaucoup de visites de leur famille, de leurs enfants ou petits-enfants, d’autres visites ou d’autres contacts avec le monde extérieur, tels que les visites d’écoles, peuvent avoir leur importance.

Liens intergénérationnels, pourquoi est-ce important ?

Faut-il toujours séparer les choses ? Les enfants d’un côté, les adultes d’un autre et les personnes âgées encore d’un autre ? La ségrégation entre les âges est parfois encore bien présente dans notre société. Ken Robinson, expert international en éducation et auteur du livre L’Elément[6] encourage la rencontre des générations et le lien intergénérationnel. Il déplore la manière que nous avons en Occident à considérer la vie de manière linéaire et unidirectionnelle : la naissance, l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte, la vieillesse jusqu’au déclin final[7].

Notre société n’a-t-elle pas à gagner sur le plan humain en réduisant les frontières entre les classes d’âges ? Dans le passé, les enfants, parents et grands-parents vivaient plus ensemble qu’aujourd’hui. Dans certains pays tels que le Maroc, les jeunes et les personnes âgées se côtoient fréquemment en partageant souvent la même habitation. En Belgique, de nombreux projets intergénérationnels existent déjà[8] (colocation entre des jeunes et moins jeunes, ludothèque intergénérationnelle, rencontres culinaires avec un public varié, potager intergénérationnel…) mais ne faut-il pas encore renforcer ces types de projets afin de briser l’isolement social ?

Bien qu’il paraisse logique de préparer des environnements adaptés à chaque stade de la vie, isoler les différentes classes d’âge de manière totalement étanche conduit à un appauvrissement des échanges sociaux et culturels[9].

Ne faut-il pas s’interroger sur ce qu’une génération peut apporter à l’autre ? Comment et pourquoi est-il intéressant de ne pas faire de la ségrégation, mais de plutôt mélanger les âges ? Qu’est-ce que cela peut apporter de plus à notre société ? Dans la société qui est la nôtre, fort individualiste, avec beaucoup d’isolement des jeunes comme des vieux, basée sur la consommation de biens et communiquant de plus en plus par voies virtuelles (les nouvelles technologies isolent de plus en plus les personnes âgées qui ne les maîtrisent pas toujours), comment privilégier davantage les contacts humains directs, la solidarité, l’entraide, le partage, la convivialité, le vivre-ensemble pour plus d’épanouissement et de bien-être ensemble ?  

Une analyse de l’UFAPEC[10] mettait déjà en lumière les liens intergénérationnels existant entre les grands-parents et leurs petits-enfants et amenait le lecteur à s’interroger sur l’importance de voir les personnes âgées non pas comme des personnes inutiles et dépendantes, mais comme une véritable ressource humaine. De nombreuses études montrent que la population vieillit, que la famille se transforme... Trois, voire quatre, générations peuvent interagir au sein de notre société. Les personnes âgées, encore actives et de plus en plus nombreuses, c’est-à-dire les grands-parents issus du babyboom (nés entre 1946 et 1964), peuvent-elles devenir une nouvelle ressource pour notre société en matière de garde des enfants et de soutien scolaire ? Faut-il envisager avec un regard neuf ces nouveaux acteurs et les appeler à des missions de solidarités essentielles pour notre société ? Véritable enjeu pour notre mode de vie, la population vieillissante ne doit-elle pas être vue comme une ressource humaine plutôt qu’un poids ?

Quelques exemples de projets écoles-maisons de repos

Certaines maisons de repos ont des liens avec des écoles pour effectuer des activités en commun. C’était le cas de « La résidence du Parc »[11] à Grez-Doiceau, dont le bâtiment jouxte une école, mais depuis la crise sanitaire de la COVID-19, ces liens ont été interrompus et n’ont pas repris.

La maison de repos « Le Balloir » à Liège a pour réputation de mettre depuis des années le focus sur les liens intergénérationnels. C’est un peu inhabituel, mais dans le même bâtiment de cette maison de repos, il y a une crèche et une maison pour des enfants placés par le juge. Avant la crise sanitaire de la COVID-19, cette maison de repos organisait tous les mercredis des réunions intergénérationnelles, en mélangeant les résidents, les enfants de la crèche et les enfants placés par le juge. Cette maison de repos entretenait également de nombreux contacts avec les élèves des écoles des alentours. Dans une grande salle se retrouvaient les différentes générations pour jouer à des jeux de société, discuter, échanger. Pour Pâques, les œufs étaient placés dans le jardin par les personnes âgées pour amuser les enfants, il arrivait que les résidents de la maison de repos partagent des moments simples, mais magiques (comme manger des glaces ensemble), les résidents fabriquaient et offraient des sachets de bonbons aux enfants à la Saint-Nicolas, on y organisait des fêtes pour les familles, on y écoutait une chorale où les chanteurs aux cheveux blancs côtoyaient les cheveux blonds…  Leslie Leduc, ergothérapeute et responsable des animations dans cette maison de repos explique[12] qu’une école de l’enseignement spécialisé de type 8 (dont les enfants ne présentent pas de retard mental, mais souffrent de troubles instrumentaux tels que le dyslexie, dyspraxie, dyscalculie…) venaient à pied de l’école pour rencontrer les résidents et jouer avec eux à des jeux de société. Les résidents adorent que les enfants fassent quelque chose pour eux et ils s’intéressent beaucoup aux enfants. Ils demandent souvent : qu’est-ce que tu veux faire plus tard. Avant la crise de la COVID -19, certaines écoles nous demandaient si elles pouvaient passer pour que les enfants puissent rencontrer et échanger avec les résidents. Une école nous a demandé si elle pouvait passer pour le carnaval. Quand certains élèves jouent à des jeux de société avec les personnes âgées, l’apprentissage se fait dans les deux sens. Les personnes âgées apprennent à jouer au scrabble aux enfants, mais les enfants apportent également des jeux que les personnes âgées ne connaissent pas.

D’autres exemples existent encore : les élèves de l'école Saint-Paul de Mont-Sur-Marchienne ont réalisé une surprise pour Noël. Ils ont réalisé une vidéo avec des chants de Noël, ils ont aussi pu raconter leurs traditions familiales pour la fin d'année aux résidents des différentes maisons de repos de l'ISPPC (Intercommunale de Santé Publique du Pays de Charleroi)[13].

L’école Notre-Dame à Saint-Rémy s’est aussi mobilisée autour de la fête de Noël : comme chaque année, nos élèves se sont rendus à la maison de repos « Les comtes de Méan » pour présenter un petit concert de Noël aux résidents[14].

Certaines écoles organisent aussi la journée des grands-parents et les élèves qui ne peuvent pas inviter les leurs peuvent inviter d’autres personnes âgées : ateliers, jeux de société, goûter intergénérationnels…

Un beau projet pour une association de parents

Comme l’explique Etienne Minette[15], directeur de l’école Notre-Dame de Beauraing à Meux, l’idée d’un projet intergénérationnel peut très bien émaner de l’association de parents et être le fruit d’une concertation avec les acteurs de l’école. C’est le cas dans son école : le projet proposé par le comité de l’AP nous a semblé d’emblée intéressant, car il colle parfaitement bien avec notre projet pédagogique et notre projet d’école. Grâce aux ateliers intergénérationnels, nous avons tous vécu des moments très affectifs ! Les enfants ont pu rendre visite aux résidents de la maison de repos se trouvant à 150 m, les personnes âgées ont pu lire des histoires aux enfants, ils ont pu témoigner des grands moments de leur vie telle que la seconde guerre mondiale, les enfants ont invité les personnes âgées à l’école pour le marché de Noël, etc. Certains parents de l’association de parents accompagnaient les enfants et les enseignants lors des rencontres avec les résidents. Les écoles ne doivent pas craindre de s’ouvrir sur l’extérieur et aux familles. Certaines écoles ont peur des débordements, mais il faut pouvoir le faire en mettant un cadre. Ce projet intergénérationnel dans lequel les parents de l’association de parents tout comme les enseignants se sont fort investis est aujourd’hui mis en stand-by depuis la crise sanitaire de la COVID-19, mais le directeur de l’école semble avoir envie qu’il renaisse de ses cendres, tant il a apporté à la communauté scolaire.

Les avantages

Parfois, certaines écoles cherchent des activités ou des initiatives originales pour inviter les enfants à être solidaires et faire passer le message de l’entraide. Parfois aussi, certaines maisons de repos se demandent comment elles pourraient être plus vivantes et dynamiques. Ecoles et maisons de repos sont deux mondes distincts qui ne se rencontrent pas toujours. Or, cela pourrait être intéressant de les faire se rencontrer, car d’un côté, il y a les enfants qui ne demandent qu’à créer, inventer, rencontrer, échanger, donner, apprendre ; et de l’autre, il y a des personnes qui se sentent parfois seules et tristes et qui ne demandent elles aussi qu’à échanger, rencontrer, donner, partager leurs expériences et leurs passés. Il y a deux ressources humaines qui ne se côtoient pas nécessairement...

Créer des ponts entre les maisons de repos et les écoles peut avoir de nombreux avantages. D’abord, celui de renforcer la cohésion entre générations et la citoyenneté active dans la société. Ces ponts peuvent faire en sorte d’éviter le cloisonnement dans les tranches d’âges, créer des liens entre les générations, favoriser la solidarité et le vivre-ensemble, donner une place aux personnes retraitées dans la société, encourager la transmission des savoirs et des expériences, favoriser les contacts entre les enfants et les résidents, rompre l’isolement social des séniors.

Ces liens entre écoles et maisons de repos peuvent ensuite valoriser les personnes âgées en mettant en avant leurs expériences personnelles et leurs parcours professionnels. Les maisons de repos, grâce à ces liens avec l’école, deviennent des lieux de projets et de vie plutôt que des mouroirs. Beaucoup de personnes âgées, même si elles sont dans des maisons de repos, ont envie de rester actives.

Dans un tel projet de nombreux apports, comme le décrit entre autres la commission européenne[16], vont également aux enfants. Ces liens intergénérationnels permettent d’apprendre aux enfants l’entraide, ils favorisent l’accrochage scolaire (certains séniors peuvent expliquer de manière très positive les matières à apprendre et peuvent jouer le rôle d’une école de devoirs). Les enfants apprennent le vivre ensemble et se sentent impliqués. Ils construisent leur identité grâce à la transmission de la mémoire des aînés. Il semble que ces liens intergénérationnels aient également un impact sur la maîtrise de la langue française, car les élèves aiment retranscrire ce qu’ils vivent et prennent du plaisir à converser avec les personnes âgées par courriel ou en leur envoyant des lettres manuscrites. Les enfants ont une autre image de ces maisons de repos et voient les personnes âgées comme des personnes pouvant leur apprendre des choses. Les enfants se sentent aidés et des liens de complicité se tissent entre ces deux générations. Enfin, les enfants apprennent également à donner sans nécessairement recevoir en retour. N’est-ce pas là un apprentissage précieux ?  

Les freins

Mais s’il y a tant d’avantages à ce type d’initiatives, pourquoi n’y a-t-il pas plus d’écoles qui font cette démarche d’aller vers les maisons de repos et vice-versa ? N’est-ce pas pour des raisons pratiques et n’est-ce pas une question de stéréotypes à casser ?

Certaines écoles vont dire que les maisons de repos sont loin, qu’il faut prendre le bus avec les enfants et que ce n’est pas pratique. Pourtant selon STATBEL (chiffres pour 2020), 97,5 % de la population belge vit à moins de 5 km d’une maison de repos : 99,1 % des Flamands, 93,6 % des Wallons et l’entièreté de la population bruxelloise[17]. Il faudrait voir, en effet, si les écoles se retrouvent vraiment à grande distance des maisons de repos. Pour les écoles rurales, les maisons de repos sont souvent loin.

Certaines écoles sont déjà surchargées de tâches et d’activités et il leur est difficile de caser encore une activité en plus dans leur programme. Les directions exténuées qui dirigent leur navire vaille que vaille, ont-elles encore le choix ou l’envie de mener de tels projets ? Nous avons vu, dans notre étude sur le malaise des directions d’école[18], que les tâches des directions sont déjà très vastes.

On le voit aussi, la crise sanitaire de la COVID -19 a laissé des traces et certaines maisons de repos et écoles ne sont pas enclines à recommencer déjà de tels projets, il semble que cela soit encore trop tôt. C’est un fameux frein !

Certains stéréotypes semblent être encore à casser. Certaines barrières entre les générations se construisent parfois parce que nous avons des idées toutes faites et que notre société véhicule des stéréotypes. Voici quelques représentations qui circulent : les vieux se plaignent tout le temps, les vieux sentent mauvais, les enfants n’en font qu’à leur tête, les enfants sont capricieux, etc. La sociologue Claudine Attias-Donfut explique que si nous voulons agir pour consolider les liens intergénérationnels, il faut lutter contre ces stéréotypes :

Les missions affichées des actions intergénérationnelles se situent à la fois au niveau des représentations, en luttant contre les stéréotypes à l’encontre des jeunes et des vieux, et au niveau des pratiques, en favorisant les transmissions entre générations. Leur dessein est de contribuer à bâtir un idéal de société « pour tous les âges », leur cible le vivre ensemble[19].

Les conclusions d’un sondage mené par Amnesty International rejoignent l’avis de Claudine Attias-Donfut et expliquent que l’âgisme peut freiner des initiatives qui se veulent mélanger les âges :  L’âgisme envers les aîné·e·s ce sont des stéréotypes et des préjugés susceptibles de leur porter préjudice. Quelles soient positives ou négatives, ces généralisations excessives sont inexactes et donc potentiellement dangereuses, car elles contribuent à maintenir une hiérarchie entre les groupes d’âge, voire d’en exclure certains d’une grande partie de la vie sociale[20].

Si nous parlons de l’âgisme, ne doit-on pas aussi nous pencher sur le jeunisme ? Notre société du jeunisme qui survalorise les jeunes et discrimine les vieux n’y serait-elle pas pour quelque chose ? Le fait de toujours vouloir être, rester et s’entourer de jeunes ne déteint-il pas sur nos manières de penser et de concevoir nos projets ? Pour le sociologue Serge Guérin, il faut rompre avec le jeunisme et considérer la génération des seniors, des " jeunes vieux ", comme une ressource plutôt que comme un handicap[21].

À propos des stéréotypes, Leslie Leduc, ergothérapeute à la maison de repos « Le Balloir », explique encore que certaines fausses représentations et mauvais préjugés peuvent devenir des freins à de tels projets intergénérationnels. Selon elle, certains enfants ne connaissent pas bien (ou plus) leurs grands-parents et n’ont plus beaucoup de liens avec eux, alors ils craignent parfois les personnes âgées. Certains visages marqués par la vieillesse leur font peur et il faut parfois plusieurs rendez-vous avant de les voir être rassurés. De l’autre côté, les personnes âgées, elles aussi, ont des a priori. Certaines ne voient plus souvent leurs petits-enfants. Elles pensent parfois que les enfants vont leur faire perdre patience. Mais en général, il y a plutôt, dit-elle, une belle dynamique qui s’installe dans ce type de projet.

Conclusion

Nous venons de le constater, même si un projet intergénérationnel « école et maison de repos » peut paraître parfois compliqué à initier et à mettre sur pied pour certaines écoles, il n’en reste que ce genre de projet semble pouvoir déboucher sur des synergies très positives. Un tel projet permet, en effet, de générer de nouveaux liens sociaux, de rompre l’isolement social des personnes âgées, d’apprendre la solidarité et l’entraide aux enfants et de favoriser le vivre-ensemble. Ce genre de projet ne devrait-il pas rentrer dans l’éducation à la citoyenneté ? En effet, en appliquant les notions d’apprentissage mutuel et d’expérimentation collective, les enfants apprennent l’entraide et le respect réciproque. L’élève développe des compétences sociales et civiques[22]. Si de tels projets se font souvent entre les écoles fondamentales et les maisons de repos, ne serait-il pas intéressant aussi d’amener les élèves plus âgés à vivre de telles expériences ? Former des CRACS (citoyen responsable, actif, critique et solidaire) est, en effet, un enjeu d’actualité[23].  

Néanmoins, certains stéréotypes, préjugés et représentations concernant les âges sont toutefois persistants et nous devons y être attentifs.

L’UFAPEC prône le partenariat école-familles et souhaite davantage d’interactions positives dans cette voie. Dans son dernier mémorandum, l’UFAPEC insiste sur l’importance d’avoir une école citoyenne qui soit ouverte sur le monde et sur l’extérieur, interagissant avec les familles et ce qui les entoure, afin de pouvoir faire des activités où le vivre ensemble prime. Ainsi, afin d’avoir une école citoyenne, l’UFAPEC souhaite entre autres  : 1. Favoriser le développement dans chaque école d’un projet annuel qui ouvre sur le monde, dont la philosophie s’inscrit dans le projet d’établissement et en concertation avec le conseil de participation. 2. Promouvoir des activités de vivre-ensemble et de respect de soi et de l’autre[24].

Nous avons vu que les associations de parents peuvent, elles aussi, jouer un rôle en proposant de tels projets intergénérationnels. Ces projets semblent avoir tout intérêt à être discutés et organisés en conseil de participation. Cela semble donc être un plus pour l’école, pour les enfants et pour la société.

Et ne faut-il pas également encourager, comme le préconise d’ailleurs la commission européenne[25], les décideurs politiques à prendre des mesures pour faciliter et renforcer la solidarité intergénérationnelle à tous les niveaux ?

Vivre ensemble est un enjeu sociétal important. Jeunes comme vieux, n’avons-nous pas tous intérêt à faire éclater les bulles d’âges pour un mieux  ?

 

France Baie

 

 


[1] L’âgisme regroupe toutes les formes de discrimination, de ségrégation, de mépris fondées sur l’âge. - https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%82gisme

[2] Le jeunisme est un néologisme généralement péjoratif qui décrit la volonté supposée de donner une place plus importante aux jeunes, ou aux notions liées à ces derniers. - https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeunisme

[4] Fondation Roi Baudouin, Choix de vie chez les personnes de 60 ans et plus ne nécessitant pas d’aide – Mesures du suivi 2020 – Novembre 2020 -  https://media.kbs-frb.be/fr/media/8052/Choix%20de%20vie%20chez%20les%20personnes%20de%2060%20ans

[6] Ken Robinson, L’Elément : quand trouver sa voie peut tout changer - Editions PlayBac, 2013.

[8] LORIAUX M et REMY D., ''Rapprocher les âges de la vie : une analyse de projets intergénérationnels en Belgique'', in Retraite et société, 2013/1 (n° 64), pages 31 à 52 - https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2013-1-page-21.htm

[10] BAIE F. – Le rôle des grands-parents dans la scolarité des enfants – Analyse UFAPEC 2009 n°4 - https://www.ufapec.be/files/files/analyses/4%20Analyse%20grands-parents.pdf

[11] Contact pris avec la résidence du Parc par France Baie, le 29 août 2022.

[12] Interview de Leslie Leduc effectuée par France Baie, le 30 août 2022.

[15] Interview de Etienne Minette effectuée par France Baie, le 5 septembre 2022.

[18] BAIE F., Le malaise des directions d’école : causes et pistes de changement, étude UFAPEC, août 2020  - https://www.ufapec.be/nos-analyses/0820-et2-malaise-directions.html

[19] ATTIAS-DONFUT C. – Les liens intergénérationnels, in Vie Sociale 2016/3 (n°15), pages 45 à 60 - https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2016-3-page-45.htm

[20] Amnesty International, Droit des aînés – Déconstruire les stéréotypes et les préjugés envers les aînés, 28 septembre 2021 - https://www.amnesty.be/campagne/droits-aines/article/deconstruire-stereotypes-prejuges-aines

[21] GUERIN S., L’invention des séniors, Hachette Littératures, 2007 - https://books.google.be/books/about/L_invention_des_seniors.html?id=E4D3JQAACAAJ&redir_esc=y

[23] PIERARD A., Former des CRACS, un enjeu d’actualité, analyse UFAPEC, décembre 2019 - https://www.ufapec.be/nos-analyses/2219-cracs.html

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