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Les services d’accompagnement : un partenaire éducatif ?
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16.25/ Les services d’accompagnement : un partenaire éducatif pour l'élève à besoins spécifiques ?
Introduction
À la suite de notre analyse sur la place des services d’accompagnement auprès des parents d’enfants en situation de handicap[1], nous souhaitons porter maintenant notre regard sur la scolarité de l’enfant et la place que peuvent y trouver ces services. Même si le soutien scolaire n’est pas leur mission principale, ils sont en lien avec les écoles et interviennent parfois en milieu scolaire.
Pour différentes raisons, la collaboration entre l’école et la famille peut être mise à mal d’autant plus quand l’enfant est porteur de handicap. Comme tous les élèves, ceux ayant des besoins spécifiques ont droit à une scolarité épanouie dont l’un des critères est une relation de qualité entre les parents et l’école.
Soutenir les familles, par exemple en renforçant le lien parents-école, fait partie des missions des services d’accompagnement du secteur du handicap. Quand les parents sont demandeurs, comment ces services peuvent-ils les aider à construire une relation positive avec l’école ? Quelle place donner aux services d’accompagnement dans le partenariat parents-école ? Comment collaborer avec les écoles, les centres PMS et les pôles territoriaux ?
Des services dépendants des régions
Le soutien aux personnes en situation de handicap étant une compétence régionale, les services d’accompagnement sont subventionnés par les régions.[2] Ils sont constitués d’équipes pluridisciplinaires (logopèdes, assistants sociaux, psychologues, ergothérapeutes, etc.). Les parents font appel au service de manière spontanée ou bien parce qu’ils ont été informés par des professionnels du réseau (médecins, personnel paramédical, centre PMS).
L’aide apportée par ces services est personnalisée et adaptée selon les demandes faites par les familles. Comme l’explique Aurélie Duquennoy, coordinatrice du SAJE de Mons, nous pouvons proposer une réflexion autour du projet scolaire, que ce soit en enseignement spécialisé ou ordinaire, à travers des observations, des concertations avec les enseignants et le réseau professionnel autour de l’enfant.[3] Les professionnels des services d’accompagnement peuvent, par exemple, aider les parents dans la recherche d’une école, participer aux réunions de rencontre entre les parents et l’école, collaborer dans la réflexion avec les enseignants, être présent en classe auprès de l’enseignant afin de réfléchir concrètement aux outils à proposer.
Un partenaire indispensable ?
Même dans les situations où le service d’accompagnement n’intervient pas à l’école, un lien peut se créer pour permettre la communication et des rencontres entre partenaires présents autour de l’enfant et sa famille.
Françoise Colleye, directrice de l’antenne de Liège de la Fondation SUSA[4], établit un contact avec l’école pour tous les enfants accompagnés par son service. Nous contactons l’école et essayons d’avoir à minima une ou deux réunions de coordination par an, dans l’idée de généraliser les acquis, de favoriser les mises en place de stratégies communes, de partager ce qui se fait à l’école et à la maison. [5] Le service peut être là en tant que partenaire extérieur, tiers professionnel. Cela permet de partager les informations sur le comportement de l’enfant à l’école et à la maison, de porter un regard extérieur, de poser des questions dans l’optique de faire avancer le projet de l’enfant.
Chloé Godin, psychologue à l’antenne de Bruxelles de la Fondation SUSA, exprime le souhait de son équipe de communiquer avec l’école. Cela nécessite de faire alliance avec l’enseignant qui est à temps plein auprès de l’enfant, d’être à son écoute, de soigner la collaboration, car l’enseignant reste le chef d’orchestre de sa classe.[6]
Un lien au bénéfice de qui ?
L’accompagnement à l’école est une des premières demandes faites par les parents aux services d’accompagnement. Comme le précise Aurélie Duquennoy, quand les enfants sont scolarisés, l’accompagnement scolaire fait partie des demandes des parents. Ce qui nous permet de les rencontrer et d’expliquer les missions générales du service. Sensibilisés à un accompagnement global, les parents ont toutes les cartes en main pour décider d’une éventuelle et future collaboration avec notre service. Le service intervient alors à domicile et à l’école.
En Région wallonne, pour agir auprès de l’enfant dans ses autres milieux de vie (crèche, école, etc.), il faut d’office une intervention à la maison. Des parents wallons ne font pas appel au service d’accompagnement, comme c’est le cas pour Marie, la maman de Louise (7 ans, porteuse de la trisomie 21). Quand Louise était en maternelle, j’aurais voulu avoir le soutien d’un SAJE pour que tout se passe au mieux avec l’école. Je ne savais pas du tout comment la relation allait se mettre en place avec les enseignantes et j’aurais aimé avoir des professionnels à mes côtés. N’ayant pas de demande au niveau familial, le service nous a dit qu’il ne pouvait pas intervenir juste à l’école. Ils ne sont donc pas entrés dans l’équation. Nous avons finalement créé des liens de qualité avec les enseignantes de Louise. L’équipe était à l’écoute, nous avons eu des rencontres bienveillantes avec l’école et le centre PMS.[7] Le cas de Marie nous montre que pour certaines familles, le lien parents-école peut se construire positivement, en l’absence de professionnels extérieurs.
Cependant, dans d’autres cas, comme l’explique Lucie, la maman d’Arthur (9 ans, ayant des troubles du langage), le service d’accompagnement peut être un réel soutien pour les parents, entre autres, dans le renforcement du lien avec les écoles. Arthur a fait sa scolarité dans l’enseignement ordinaire en maternelle. Il est maintenant dans l’enseignement spécialisé. L’équipe du service, qui nous accompagne depuis les 4 ans d’Arthur, a participé à nos réflexions pour le passage en primaire et a noué de bonnes relations avec les deux écoles. En présence de l’assistante sociale, nous avons renforcé des liens positifs avec les équipes éducatives. Nous nous sentons entendus et soutenus.[8]
La présence du service d’accompagnement est aussi souvent vécue positivement par les écoles. Chloé Godin constate que notre présence est aussi un bienfait pour les écoles, nous faisons partie du réseau de professionnels qui peuvent soutenir et faciliter l’inclusion scolaire. Françoise Colleye explique que des enseignants sont très demandeurs de pistes et de conseils pour répondre aux besoins spécifiques de l’enfant.
Aurélie Doye, assistante en psychologie au SAJE de Tournai, peut se rendre présente lors de la rentrée scolaire. Cette démarche est rassurante pour les enseignants et leur permet d’avoir une personne relais pour répondre à leurs interrogations. Les besoins, les capacités et les compétences de l’enfant peuvent être abordés directement.
Les enseignants sont-ils pour autant à l’aise avec ce professionnel extérieur ? Acceptent-ils facilement la présence du service en classe ? Les services d’accompagnement que nous avons rencontrés partagent des réalités différentes d’une école à l’autre (motivation de l’enseignant, soutien de la direction, moyens, etc.). C’est plus compliqué de collaborer avec certaines écoles. Est-ce dû à une méfiance, une crainte d’ingérence, un souhait de ne pas multiplier les contacts ?
Au vu de ce qui revient du terrain, via les services d’accompagnement interrogés, mais aussi de contacts avec des parents et des écoles, il semble que ce sont d’abord des questions pratico-pratiques ou structurelles qui rendent la collaboration compliquée. Comment coordonner les agendas ? Chacun peut-il accorder du temps pour ces rencontres ? La directrice de l’école de Louise, comme l’exprime Marie, aurait apprécié avoir l’appui du service d’accompagnement. La directrice était ouverte à leur présence, pour avoir des outils ou pour échanger avec des professionnels du secteur du handicap. Mais Marie n’ayant pas souhaité une intervention du service d’accompagnement à la maison, cela n’a pas été possible.
Pourquoi créer un lien le plus tôt possible ?
Selon les professionnels, au plus tôt ils commencent l’accompagnement de l’enfant et au plus tôt ils sont en lien avec l’école, au mieux c’est. Ils considèrent d’ailleurs cela comme très positif. Aurélie Duquennoy partage ce constat venant de l’ensemble des SAJE. Un travail plus précoce permettrait de mieux amorcer les attentes pédagogiques. Souvent, c’est l’école qui pointe les difficultés de développement et de socialisation de l’enfant.
Katy Mahieu ajoute que c’est mieux de commencer l’accompagnement avant qu’il y ait de gros soucis à l’école. À notre arrivée, plusieurs problématiques sont souvent présentes. Au-delà des difficultés de l’enfant, la relation parents-école pose problème. Nous proposons donc rapidement et dans la majorité des situations des réunions régulières entre parents et professionnels. Ensemble, nous cherchons des pistes de solution et de soutien à l’enfant et à l’enseignant. Les besoins spécifiques et leur appréhension par l’école, mais aussi le lien déjà présent entre les parents et l’école, peuvent avoir un impact sur la relation qui va se créer entre le service d’accompagnement et l’école. Une situation tendue peu rendre les premiers contacts compliqués.
Les réunions avec les parents et les acteurs scolaires (école, centre PMS, pôle territorial) sont un élément essentiel de collaboration. Les parents sont demandeurs de ces réunions afin de faire le point ensemble sur la scolarité de leur enfant. Parfois, ils craignent ce que l’école va leur dire. Avoir un service qui fait le lien entre la famille et l’école apaise les parents. Comme l’explique Katy Mahieu, le service est souvent à l’initiative de ces réunions afin d’avoir un regard sur l’évolution de l’élève. Ce qui permet également le transfert d’outils d’un milieu à l’autre. Tout le monde se retrouve autour de la table : les paramédicaux, le centre PMS, les enseignants, les parents. Ensemble, on essaie de porter les mêmes objectifs par rapport à l'enfant. Le SAJE peut apporter des choses qui fonctionnent à la maison pour les mettre en place à l’école et inversement, l’équipe enseignante peut outiller les parents. Chloé Godin appuie dans ce sens. On peut faire le pont entre l’école et la maison en écoutant et en partageant les bonnes pratiques des deux milieux de vie de l’enfant. Cela permet de valoriser les parents et les enseignants et de construire une cohérence dans les interventions.
Assister ou responsabiliser les parents ?
Les services d’accompagnement répondent avant tout aux demandes des parents. Ce sont ces derniers qui sont à la base de l’investissement (ou non) du service dans le parcours scolaire de l’enfant. Katy Mahieu, éducatrice spécialisée au SAJE de Mons, parle de l’importance du lien de confiance avec les parents et du rôle du service dans la compréhension de l’enfant et des problèmes qui peuvent survenir à l’école. Au-delà de la connaissance de l’enfant et de son fonctionnement, l’intervention à la maison permet de nourrir un lien de confiance avec les parents et de devenir ainsi un réel partenaire dans la recherche de solutions pour faciliter l’inclusion scolaire.
Pour les professionnels, il est important de connaitre et comprendre le système scolaire. Cette maitrise peut avoir un effet positif sur le lien de confiance avec les parents. Aurélie Doye et ses collègues se tiennent informés des changements relatifs aux exigences scolaires. Avoir des personnes relais connaissant les démarches liées à la scolarité et pouvant ponctuellement être présentes auprès de l’enfant et de l’enseignant est rassurant pour les parents.
Sonia, une amie d’Anissa, la maman de Leila (4 ans, porteuse de TSA), est témoin de cette importance du service pour les parents. Le service aide beaucoup Anissa face à la nébuleuse du système scolaire. L’équipe est à ses côtés, participe aux réunions avec l’école et explique bien à Anissa pour qu’elle prenne les meilleures décisions pour la scolarité de Leila.[9]
Chloé Godin fait part de l’intérêt pour les parents d’avoir un service d’accompagnement à ses côtés. Il s’agit d’être soutenu par quelqu’un qui ne travaille pas dans l’école, qui peut être un allié face à l’école et aux peurs parentales. Le service peut apporter un regard positif et global sur l’enfant et prendre un rôle de tiers. Les parents ne sont pas censés être l’avocat de leur enfant et c’est bien d’avoir quelqu’un à leurs côtés pour rappeler les droits de l’enfant (rester dans l’ordinaire, avoir des aménagements, etc.).
Françoise Colleye abonde dans ce sens. Parfois c’est plus difficile pour un parent de faire entendre quelque chose parce qu’il est enfermé dans son rôle de parent. Le service est donc présent en tant que partenaire privilégié. L’équipe est souvent amenée à conseiller, écouter et guider les parents, parfois aussi à ouvrir le champ des possibles. La question du parcours scolaire de l’enfant est abordée avec les parents. L’équipe accompagne souvent les parents dans des visites d’écoles. Les parents sont très demandeurs de cet accompagnement et du temps de débriefing après une visite d’école.
Dans ce sens, le service d’accompagnement ne risque-t-il pas d’être perçu par l’école comme l’avocat des parents ? Un des risques ne serait-il pas de déresponsabiliser les familles ? Les témoignages reçus nous montrent qu’au contraire, les services renforcent les parents dans leurs compétences parentales, accompagnent sans se substituer.
Complémentarité ou double emploi ?
Les professionnels des services d’accompagnement soulignent la complémentarité des partenaires autour de la scolarité de l’enfant. Comme l’explique Chloé Godin, nous n’avons pas les mêmes missions et nous sommes complémentaires. C’est assez confortable quand on est tous là parce que cela permet que chacun puisse vraiment prendre sa place.
Les centres PMS[10], qui ont dans leurs missions la collaboration école-famille et le soutien à la parentalité, sont un partenaire incontournable des services d’accompagnement. Les agents des centres PMS travaillent en synergie avec les écoles en visant le développement personnel de l’élève, sa progression et la construction de son projet scolaire. Chloé Godin partage un exemple pour lequel le service travaille avec le centre PMS. Quand il faut réfléchir à la suite du parcours scolaire, c’est positif de travailler ensemble, d’avoir deux services qui réfléchissent avec les parents, car on n’est jamais de trop. Ça aide d’être plusieurs à chercher des pistes de solution.
Lors de notre rencontre, les SAJE de Mons et Tournai expriment avoir beaucoup de liens avec les centres PMS. Ils en ont aussi avec les pôles territoriaux[11], mais dans une moindre mesure, leur existence étant plus récente. Katy Mahieu partage le fait que la collaboration va dépendre du pôle relié à l’école. Françoise Colleye partage ce vécu. Les pôles fonctionnent tous de manière différente et la collaboration va dépendre de chaque situation. Pour ce qui est de l’intégration scolaire, on appuie le pôle dans son job et on le met en première ligne parce que c’est sa mission, pas la nôtre. Les réunions de coordination permettent de définir qui fait quoi dans la situation, de reconnaitre la place de chacun.
Tamara, logopède dans un pôle territorial, en témoigne. Nous avons une réelle collaboration avec les services quand ils sont présents auprès des familles. Leur présence est participative et judicieuse lors des réunions. Ils apportent des réponses aux questions des écoles, les échanges sont fréquents. Leur légitimité est reconnue vu leur connaissance de l’enfant et de la famille. Leur rôle est complémentaire au nôtre car ils ont un lien plus important avec les familles que nous, ou le centre PMS, pouvons assurer.[12]
L’importance de la collaboration est reconnue par tous. Reste la question de sa mise en pratique. Comment coordonner les agendas ? Quels moyens pour chacun face à l’injonction d’inclusion scolaire ?
Conclusion
Les services d’accompagnement peuvent être un réel soutien pour les parents au début de la scolarité de leur enfant à besoins spécifiques et dans la mise en place du lien parents-école. Le partenariat sera différent selon les écoles et les services d’accompagnement. Chaque collaboration a, en effet, son fonctionnement propre.
Les témoignages présentés dans cette analyse montrent que les services d’accompagnement peuvent aider les parents et l’école de plusieurs manières : présence lors de rencontres, regard extérieur sur l’enfant, participation à la recherche de solutions, accompagnement des parents face à la nébuleuse scolaire et tout au long du parcours scolaire de l’enfant, etc.
L’éducation est une affaire d’alliance entre parents et professionnels. Un lien de confiance, une coordination entre acteurs, une dynamique bienveillante sont des éléments qui peuvent accompagner et soutenir les parents dans leur rôle éducatif. Le soutien à la parentalité, c’est avant tout une affaire de mise en réseau. Il faut d’une part que les parents se sentent compétents, mais aussi que tous les intervenants se décident à œuvrer en collaboration.[13]
Dans ce sens et au vu des besoins plus complexes des parents d’enfants en situation de handicap, il nous semble essentiel de :
- faire mieux connaitre les services d’accompagnement auprès des parents ;
- se connaitre entre intervenants pour créer un réseau personnel de qualité autour des parents ;
- se coordonner entre acteurs présents autour de la famille ;
- laisser la liberté aux parents de choisir leurs partenaires.
S’il y a une chose à retenir de cette analyse, c’est que, quand ils sont présents aux côtés des familles, il est important de reconnaitre la place et l’expertise des services d’accompagnement et de les impliquer dans le projet scolaire de l’enfant. Leur rôle est complémentaire à celui des autres acteurs présents auprès de l’élève à besoins spécifiques et que tous participent à la réussite et à l’épanouissement de l’enfant concerné.
Alice Pierard
[1] Voir PIERARD A., Entre guidance et indépendante, mon cœur balance !, analyse UFAPEC 2025, Ufapec - 15.25/ Entre guidance et indépendance, mon coeur balance !
[2] En Wallonie, ce sont les services d’accompagnement pour jeunes enfants (SAJE) et ceux pour jeunes en âge scolaire (SAJAS) de l’AVIQ.[2] À Bruxelles, il s’agit des services d’accompagnement du PHARE.
Pages sur ces services sur le site de l’AVIQ : Accompagnement des jeunes enfants - AVIQ et Accompagnement des jeunes en âge scolaire | AVIQ
Page sur ces services sur le site du PHARE : Services d'accompagnement - PHARE
[3] Rencontre avec A. Duquennoy, A. Doye et K. Mahieu, le 26 mars 2025.
[4] La Fondation SUSA rassemble plusieurs services compétents auprès des personnes porteuses de troubles du spectre de l’autisme (TSA) et de leur famille, SUSA - Accueil
[5] Rencontre avec Françoise Colleye, le 9 septembre 2025.
[6] Rencontre avec Chloé Godin, le 5 septembre 2025.
[7] Témoignage recueilli le 27 mars 2025.
[8] Témoignage recueilli le 22 avril 2025.
[9] Témoignage recueilli le 10 septembre 2025.
[10] Plus d’informations sur les centres PMS : Enseignement.be - CPMS
[11] Plus d’informations sur les pôles territoriaux : Enseignement.be - Pôles territoriaux
[12] Témoignage recueilli le 27 août 2025.
[13] Couples et Familles ASBL, Quels soutiens à la parentalité ?, dossier n°120, 2017, p 87.
