Analyse UFAPEC décembre 2021 par A. Floor

18.21/ Le décret aménagements raisonnables : école, parents et élève obligés de se rencontrer ?

Le dialogue doit rester vivant avec les familles et les enfants  et pas seulement avec ceux qui font les rapports, les diagnostics. 

Françoise Drion, Responsable à l’Ecole à l’Hôpital et à Domicile

 

Introduction

L’accompagnement des élèves à besoins spécifiques ne cesse d’évoluer dans les écoles ordinaires grâce à une sensibilisation accrue des équipes éducatives soutenue par la parution de décrets et circulaires. Le 7 décembre 2017 était publié un décret relatif à l’accueil, à l’accompagnement et au maintien dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques[1] qui allait entrer en vigueur le 1er septembre 2018. Depuis lors, ce décret a été intégré dans le code de l’enseignement[2] le 1er septembre 2020 avec des modifications qui sont passées inaperçues pour la plupart des personnes de terrain. Ces changements divers, l’évolution de l’enseignement spécialisé avec la suppression de l’intégration temporaire totale depuis le 1er septembre 2020, l’entrée en vigueur du décret inclusion sur les pôles territoriaux le 1er septembre 2021 plongent à l’heure actuelle les équipes éducatives dans un brouillard complet.

Or, ces acteurs peinaient déjà, avant tous ces changements, à mettre en œuvre certains points du décret tels que la tenue des réunions de concertation et la rédaction des protocoles pour les élèves à besoins spécifiques, faute de moyens humains. La mise en place des aménagements raisonnables est, en effet, subordonnée décrétalement à la tenue de réunions collégiales de concertation rassemblant école, parents, élève majeur, si nécessaire, centre PMS et, le cas échéant, pôle territorial[3]. Comment se passent ces réunions sur le terrain ? Compte tenu des moyens humains actuels, est-ce réalisable de rassembler toutes ces personnes et de combiner les agendas de tous ? Est-ce vraiment utile d’organiser ces réunions ? Le diagnostic attestant des besoins spécifiques ne suffit-il pas ? Organiser ces réunions ne risque-t-il pas de déclencher des demandes exagérées de la part des parents ? Qu’en dit-on sur le terrain ? Nous avons interrogé et récolté les avis des parents, enseignants, thérapeutes, directions, centres PMS tout au long de ces trois années afin de coller au mieux aux diverses réalités des écoles. Il est important pour l’UFAPEC d’évaluer la situation actuelle pour aller vers une amélioration du dispositif et rencontrer l'objectif ultime qui est d'aller vers une école réellement inclusive.

Réunions de concertation

  • Que dit le décret ?

Ces aménagements sont élaborés et évalués, en fonction de la spécificité des besoins de l'apprenant et de leur évolution, dans le cadre de réunions collégiales de concertation (…), précise le décret. Le fil rouge de ces réunions est bien d'élaborer les aménagements et de les évaluer en tenant compte de la spécificité des besoins de l'élève, de ses évolutions. Assistent à ces réunions collégiales de concertation le directeur ou son délégué, l'équipe éducative dans l'enseignement fondamental, le conseil de classe dans l'enseignement secondaire, ou leurs représentants, un représentant du centre PMS compétent pour l'école ordinaire concernée (si l'un des partenaires ou le directeur du centre PMS l'estime nécessaire), les parents de l'élève ou l'élève lui-même s'il est majeur, un représentant du pôle territorial compétent lorsque la prise en charge de l'élève concerné par le pôle pourrait être nécessaire. Un expert ou un membre du corps médical, paramédical, psycho médical ou d'un organisme public d'intégration des personnes en situation de handicap susceptible d'éclairer les acteurs sur la nature ou l'accompagnement des besoins attestés[4] peut participer aux réunions de concertation à la demande ou avec l'accord des parents ou de l'élève majeur sous réserve d'un accord du directeur. Nous nous interrogeons sur ce qui pourrait motiver une direction, des enseignants à refuser de recevoir des clés de compréhension, un éclairage sur les besoins spécifiques d'un de leurs élèves ? Pourquoi avoir introduit cette demande d'autorisation ?

Sur la base des réunions de concertation visées au paragraphe 3, les aménagements raisonnables déterminés sont mis en place dans les plus brefs délais. Nous ne pouvons que déplorer ce cadre temporel flou "dans les plus brefs délais". Une année scolaire est cadencée par des sessions d'examens, des interrogations, etc. qui entament ou renforcent la motivation des élèves selon les résultats. Un élève à besoins spécifiques (EBS) a des besoins pédagogiques, matériels ou organisationnels qui ne peuvent pas attendre des semaines. Pourquoi ne pas avoir précisé une certaine temporalité ?

La nature, la durée et les modalités des aménagements pédagogiques sont fixés par l'équipe éducative dans l'enseignement fondamental et par le conseil de classe, présidé par le directeur ou son représentant, dans l'enseignement secondaire. Les aménagements sont consignés dans un protocole signé d'une part par le pouvoir organisateur ou son délégué et, d'autre part, par les parents de l'élève mineur ou l'élève lui-même s'il est majeur. Le protocole fixe les modalités et les limites des aménagements. Ce protocole est donc le document qui formalise les aménagements et qui sert de référence pour tous les enseignants de l'élève concerné. Plus question donc pour l'élève ou ses parents d'avoir à négocier au cas par cas avec chaque enseignant. Si l'utilisation d'un correcteur orthographique est acceptée comme aménagement raisonnable dans le protocole pour un élève dysorthographique, pas question de lui enlever cet outil au cours d'histoire, par exemple, même si l'enseignant n'y est pas favorable. Ce protocole garantit donc une cohérence et une pérennité dans la mise en place des aménagements. En effet, il est aussi prévu que ce protocole soit transmis lors des moments de transition. En cas de changement d'école, de degré ou de niveau, à la demande des parents de l'élève mineur ou de l'élève lui-même s'il est majeur, le protocole visé ci-dessus sera transmis pour information à qui de droit par l'école qui l'a établi.

  • Qu'en disent les écoles ?

Nous avons interrogé différents intervenants qui œuvrent dans l'accompagnement d'élèves à besoins spécifiques dans l'enseignement ordinaire[5] : enseignants et éducateurs relais EBS, direction d'école secondaire, psychologue d’un centre PMS, formatrices d'enseignants sur la thématique des EBS, orthopédagogue, neuropsychologue, personnes travaillant dans un pôle territorial, parents d'EBS, APEDA[6], EHD[7], Le ballon vert[8], Class Contact[9]…Ils ont déclaré unanimement qu'il était primordial d'organiser des réunions de concertation école-familles. Se passer des protocoles d'année en année ne suffit pas. Il faut que les enseignants de l'année précédente et ceux de l'année suivante se parlent et échangent à propos de l'accompagnement de l'EBS.

Dans les faits, il s'avère compliqué pour les écoles ordinaires d'organiser de telles réunions rassemblant autant d'acteurs pour chacun de leurs élèves à besoins spécifiques et ce pour plusieurs raisons : nombre trop important d'EBS dans les écoles secondaires, agendas difficiles à accorder, manque de temps pour formaliser… Selon l'ASEBS[10], il y aurait 12 % d'élèves concernés. Les enfants à besoins spécifiques (EBS) ou encore enfants à besoins éducatifs particuliers, regroupent une grande variété d’élèves (plus de 12 % de la population infantile) qui ont, de manière significative, une façon différente d’apprendre par rapport à la majorité des enfants du même âge. Ce qui veut dire qu'une école secondaire qui comptabiliserait 2500 élèves au total pourrait accueillir jusqu'à 300 élèves à besoins spécifiques. Il s'agit d'une approximation, car il n'existe malheureusement pas de statistiques précises du nombre d'élèves à besoins spécifiques qui fréquentent l'enseignement ordinaire en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB)[11]. Un comptage des élèves à besoins spécifiques pour lesquels un protocole est rédigé va démarrer à la suite de l'entrée en vigueur le 1er septembre 2021 du décret sur les pôles territoriaux. Les écoles communiquent aux services du gouvernement l'identité des élèves concernés par un tel protocole. [12]

Nous avons recueilli différents témoignages, parfois contradictoires, sur cette question des réunions de concertation :

  • Il est impossible de réunir le directeur, le centre PMS, la personne relais, les élèves et leurs parents. Moi, en tant que personne-relais, je rencontre les parents ou le centre PMS ou le directeur. Techniquement, notre agenda ne le permet pas. On ne rencontre les parents que s’ils nous le demandent. Nous n'avons pas une réunion de concertation comme demandé dans le décret. (Enseignante relais élèves à besoins spécifiques en secondaire)
  • Nous n'organisons cette réunion collégiale qu'au moment des conseils de classe, mais les parents et l’élève ne sont pas là. C’est l’équipe dys qui fait le lien entre l’école et les parents. (Educatrice relais élèves à besoins spécifiques)
  • Chaque année, début septembre, j'ai une réunion avec tous les profs de mon fils. Ces réunions sont organisées pour tous les élèves en intégration et pour tous ceux qui ont des aménagements raisonnables (AR). Je vais avoir ma troisième réunion de cette année début juin par zoom : directeur, personnes de l’équipe éducative, CPMS et personne référente EBS. (Maman d'un élève à besoins spécifiques en 6e secondaire)
  • Le centre PMS ne pourrait pas être là pour 130 intégrations. Quand il y a une demande, il y a des AR automatiques, de base, d’office acceptés, que l’on ne discute pas et il y a des aménagements qui sont à travailler davantage avec le conseil de classe. Pour tous les élèves qui ont besoin d'AR, on ne pourrait pas organiser des réunions avec tous les acteurs et le CPMS. En revanche, pour les intégrations, nous organisons des rencontres avec tous les acteurs. (Directrice d'une école secondaire)

Maïté Pire, ergothérapeute et coordinatrice AR au pôle la Cime, préconise d'organiser une réunion de concertation pour établir le protocole en se donnant le temps de le faire. Elle reconnait qu'organiser des réunions de concertation pour les suivis des protocoles d'année en année est beaucoup trop lourd. De mon expérience sur 4 ans d’école qui se sont mises à rédiger des protocoles, c’est surtout la 1e et la 2e année que c’est très lourd. Il faut rédiger des protocoles pour 100 à 200 élèves et organiser correctement une réunion avec TOUS les partenaires. Une fois que cette vague est passée, l’année suivante est plus légère, car il n’y aura plus que les nouveaux protocoles. Il faut étaler la rédaction de protocoles sur un ou deux ans en fonction du nombre d’élèves. En revanche, organiser une réunion de concertation chaque année pour le suivi du protocole me semble assez compliqué à mettre en œuvre. Avoir au moins un premier échange avec tout le monde est imaginable si on se laisse du temps pour le faire.

Marjorie Tasiaux, psychologue dans un centre PMS, confirme que ces réunions de concertation en secondaire s'organisent seulement dans certains cas : pour des profils bien particuliers ou quand cela se passe mal ou si quelque chose bloque. En primaire, elle constate que ces réunions s'organisent davantage, mais déplore que les parents ne soient pas invités. En revanche, en primaire, cela se fait beaucoup, mais je trouve qu’on oublie trop souvent les parents que cela soit pour les AR ou l’intégration. Certaines écoles oublient d’inviter les parents aux réunions de concertation. Parfois le thérapeute extérieur vient. L'idéal c’est qu’il soit présent. S’il ne peut pas venir, on essaie d’avoir un contact téléphonique préalable avec lui. Il y a des décisions qui sont prises lors de ces réunions : nous identifions par exemple des AR qui bloquent. Ils sont alors remplacés par d’autres aménagements et les parents ne sont pas là.

Danièle Hénuset, formatrice pour les aménagements raisonnables en primaire et secondaire depuis quelques années, rappelle que déjà, dans le décret missions de 1997, une attention particulière était portée aux élèves en difficulté. Ce qu'elle relève de neuf actuellement, c'est l'implication des thérapeutes au sein des écoles. Elle souhaite d'ailleurs que ces échanges avec les thérapeutes nourrissent le savoir-faire des enseignants. J’espère que la professionnalisation de tous les enseignants va se développer grâce aux contacts qu’ils auront avec les thérapeutes qui vont se bouger, se déplacer, organiser des réunions en visio. Ces échanges leur permettent d’avoir des informations supplémentaires au bénéfice de leurs élèves. La plus grande majorité des enseignants veut bien faire et est touchée et désespérée de ne pouvoir faire plus. Cela provoque irritabilité, méfiance, colère. Les enseignants sont dans la grande majorité volontaires.

Une directrice d'école secondaire soutient l'existence de ces espaces de triangulation. Il y a un travail à faire avec le monde médical et paramédical. Quand on a 25 élèves devant soi, il est important pour l’enseignant de savoir clairement comment accompagner chacun des enfants ou de trouver des outils qui permettent d’accompagner une série d’enfants. Il faut faire des choses qui aident tous les enfants : faire de la différenciation et accompagner les 24 élèves devant lui.

Une enseignante relais élèves à besoins spécifiques souligne l'utilité de ces réunions de concertation en tant qu'espaces de triangulation où chacun vient partager son expertise avec l'enfant au centre : expertise des parents, des spécialistes et expertise pédagogique. Les trois expertises comptent. Elle déplore cependant le manque de moyens humains pour organiser ces moments de coordination. Nous n'avons pas de moyens pour accompagner cela. Le décret est arrivé un peu vite sur le terrain. Il a été parfois brandi comme outil de revendication. Le décret a opposé les personnes plutôt que de les relier. Nous n'avons pas les moyens pour trianguler. Nous avons besoin d’heures NTTP[13] pour faire cela. Ce n’est pas un manque de volonté de notre part. Nous n’avons que 6 h NTTP pour mettre en place cette coordination.

Cette enseignante évoque aussi le fait que parfois les élèves et leurs parents se retrouvent ballotés entre l'école et les spécialistes qui ne savent plus quoi faire avec eux. Parfois les parents s’accrochent aux AR comme à des béquilles. On voit des élèves en souffrance, car ils ne sont pas assez bien accompagnés par les thérapeutes. Deux options se dégagent : certains spécialistes disent que si, après 14 ans, l’accompagnement logopédique n’a pas donné de résultats, l’enfant ne pourra pas évoluer, il faut alors se tourner vers des outils pour compenser. Donc l’école cherche des outils. D’autres spécialistes disent que peut-être l’accompagnement logopédique n’était pas le bon et que les enfants n’ont pas appris les bons outils de compensation.

Elle parle aussi de la souffrance des différents acteurs qui se sentent impuissants à soutenir l'élève et le manque d’outils et de moyens dispensés par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Des parents, des élèves et des logopèdes sont en souffrance, car même les logos nous disent qu’ils n’ont pas été suffisamment formés par rapport à cela. Je trouve qu’il n’y a pas assez d’outils concrets de la part de la FWB à appliquer sur le terrain.

Aucun témoignage n'abonde dans le sens de l'inutilité de ces réunions de concertation. Elles ont tout leur intérêt pour formaliser les choses et préparer la rédaction des protocoles. Elles permettent un échange d'expertises différentes : celles des parents, des spécialistes, du centre PMS et des enseignants. Ce n'est donc pas le fondement de ces réunions qui est en jeu ici, mais plutôt leur faisabilité.

Les protocoles

En l'absence de réunions de concertation, beaucoup d'écoles mettent en place des solutions alternatives en établissant elles-mêmes des listes d'aménagements possibles que les parents et les spécialistes n'ont plus qu'à cocher. Ces grilles d'aménagements font dès lors office de protocoles. J’ai repris les fiches outils de la FWB et recensé les aménagements possibles dans mon école. Certains reviennent dans plusieurs troubles. On envoie la fiche aux parents et aux spécialistes et cette fiche, c’est le protocole. Elle suit l’élève. Depuis cette année, elle est dans le journal de classe de l’élève. Elle le suit jusqu’à sa rhéto ou sera envoyée dans l’autre école s’il change d’école. Elle est appelée à être modifiée en fonction de l’évolution de l’élève.

Une fois ces listes complétées par les parents, les spécialistes, le centre PMS et supervisées par l'équipe enseignante, elles sont soumises au jeune pour accord. Tous les témoignages concordent sur l'importance d'associer l'élève au processus en discutant avec lui des aménagements proposés par les spécialistes ou les parents. Ce temps d'harmonisation avec l'élève cache de multiples enjeux : vérifier que les aménagements répondent à ses besoins, éventuellement les prioriser s'il y en a trop, trouver des alternatives pour des aménagements trop complexes à installer en classe, obtenir son engagement dans le processus, son accord sur les aménagements décidés… Se joue là bien souvent la difficulté de se différencier des autres avec des aménagements visibles. Si le besoin spécifique est invisible, l'aménagement le révèle aux autres et ce n'est pas toujours acceptable pour le jeune concerné. Quand on accueille les aménagements, on fait toujours l’entretien avec l’élève et ses parents car, à l’adolescence, le jeune ne veut pas être différent des autres, il ne veut pas être stigmatisé. J’ai un élève qui a laissé sa balle anti-stress au fond de son cartable. Si l’enfant n’est pas prêt à l’accepter dans le cadre classe, cela ne sert à rien d’imposer l’aménagement. J’ai des élèves qui refusent en 1e et 2e et qui reviennent en 3e-4e : "Madame, j’ai le droit". Cette phase d’ado est fort présente : on est fort à l’écoute de cela. Même s’ils ont eu les aménagements en primaire, ils passent en secondaire et peuvent refuser de les utiliser car ils sont trop visibles (casque anti bruit en classe). Pour les examens, nous faisons un groupe à part pour avoir une demi-heure en plus. Nous devons beaucoup dialoguer avec l’adolescent, car il faut son accord. (Éducatrice relais EBS). Une directrice d'école secondaire insiste pour placer l'élève au centre du processus. C'est lui qui sait ce dont il a besoin. Les AR fonctionnent quand l’élève est partie prenante du processus. Et parfois les adultes imaginent des choses qui ne correspondent pas du tout aux besoins de l’élève. Les parents ne comprennent pas parfois. Tout est sur smartschool et les parents peuvent interagir. Et cela suit pendant six ans l’élève.

En fonction des témoignages, la réunion d'ajustement se fait toujours avec l'élève et parfois en présence des parents. Nous saluons et soutenons le fait de placer ainsi l'élève au centre. Nous mettons cependant un bémol sur la capacité des élèves à résister à une éventuelle pression des écoles pour éviter des aménagements trop spécifiques. Nous soulignons par ailleurs que le code de l'enseignement ne prévoit pas la présence de l'élève mineur lors des réunions de concertation. Ne faudrait-il pas pallier cela et inviter à ces réunions de concertation l'élève (en supprimant l'adjectif majeur) ?

Rappelons aussi qu'à l'heure actuelle, il existe encore un certain nombre d'écoles qui ne rédigent pas de protocoles pour leurs élèves à besoins spécifiques. Tout se fait oralement lors des réunions de parents ou de rencontres avec le titulaire ou la direction. Cette absence de protocole peut poser problème à plusieurs niveaux. En cas de litige ou de lenteur dans la mise en place des aménagements, ce sera la parole de l'un contre celle de l'autre, sans que les parents puissent prouver les demandes formulées. Maïté Pire déclare qu'en l'absence de protocole, le risque est important de voir aussi les demandes rester sans suivi. Il n’y a bien souvent pas de rédaction de protocole. Il y aura quelqu’un pour prendre la demande d’AR dans chaque école, mais il manque encore de personnes pour coordonner toute l’action de mise en œuvre des AR. La demande est reçue par l’école, mais s’assurer que cela a été mis en place n’a pas toujours lieu surtout s’il n’y a pas de coordination. La direction a l’impression d’avoir fait son job en communiquant l’information, mais ne s’assure pas du suivi. Quand j’interroge mes patients, souvent ils ne voient pas de différences sur le terrain. Le problème peut venir du fait qu’il n’y a pas eu de rédaction d’un protocole, mais aussi d’un manque de communication entre l’élève et l’enseignant.

Cela peut aussi porter préjudice à l'élève lors de la passation des épreuves certificatives externes, car l'une des conditions pour bénéficier d'aménagements lors des CEB, CE1D et CESS est de bénéficier déjà de ces aménagements habituellement en classe. La circulaire précise que, pour que les élèves atteints de déficiences sensorielles ou motrices ou de troubles des apprentissages bénéficient d'aménagements lors de la passation des épreuves certificatives externes (CEB, CE1D et CESS), les deux conditions suivantes doivent être remplies :

  • les troubles de l’élève doivent avoir été diagnostiqués par un spécialiste compétent ;
  • il ne peut s’agir que des aménagements utilisés habituellement (en classe) lors des apprentissages et des évaluations. [14] Pour cette dernière condition, une note de bas de page stipule que depuis septembre 2018, ces aménagements sont mentionnés dans un protocole[15].

Conclusion

Chaque école fait à sa sauce en fonction des moyens disponibles. Les réunions de concertation ne semblent s'organiser dans la plupart des cas que lorsque cela est indispensable : intégrations, quand cela coince, quand le profil est complexe, à la demande des parents. Dans d'autres cas, les réunions ont lieu, mais sans les parents, lors des conseils de classe, par exemple. Lors de ces réunions, certains aménagements demandés pourraient être remplacés par d'autres plus réalisables pour l'école, des aménagements demandés pourraient ne pas être pris en compte pour toute une série de motifs qu'il est important que les parents et l'élève entendent. Concevoir le protocole sur base du diagnostic du spécialiste, de liste préétablie par l'école et que les parents ou le spécialiste cochent rendent l'accompagnement de l'élève très bureaucratique et standardisé.

Pour l'UFAPEC, le partenariat école-famille d'élèves à besoins spécifiques ne peut pas se limiter à des transmissions de dossiers à compléter et à signer pour accord par les parents et l'élève. Toutes les personnes interrogées s'accordent sur un point important : l'élève a son mot à dire sur les aménagements, c'est lui le premier concerné et son accord est indispensable. Mais est-il toujours son meilleur conseiller ? Son désir d'être comme tout le monde et de ne pas se différencier avec des aménagements visibles ne pourrait-il pas le pénaliser en fin de compte ? Rassembler les thérapeutes ou le centre PMS, les enseignants, les parents et l'élève pour discuter de la nature des aménagements, des raisons de ceux-ci, de leur faisabilité est essentiel pour la construction du parcours futur du jeune à besoins spécifiques, pour assurer sa réussite, son épanouissement et son bien-être.

 

Anne Floor

 

 


[1] https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/44807_000.pdf. Nous l’appellerons par facilité décret « aménagements raisonnables ».

[2] Articles 1.7.8-1 et suivants du code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire. LOI - WET (fgov.be)

[3] Concrètement, un pôle territorial est une structure attachée à une école d’enseignement spécialisé, dite « école siège ». Les pôles territoriaux constitueront, pour les écoles d’enseignement ordinaire, un soutien concret dans la mise en place des aménagements raisonnables (AR) et des intégrations permanentes totales (IPT) au bénéfice des élèves à besoins spécifiques (EBS), sur tout le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

[4] Articles 1.7.8-1 et suivants du code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire. LOI - WET (fgov.be)

[5] Réunion zoom organisée le 19 mai 2021 par l’auteure.

[6] L’Association belge de Parents et Professionnels pour les Enfants en Difficulté d’Apprentissage est un centre d’expertise pluridisciplinaire, intégrant des parents, des enseignants et des thérapeutes, actif depuis 1965 sur l’ensemble des troubles de l’apprentissage (troubles “Dys”, mais aussi TDA/H et HP). C’est aussi un espace d’écoute et d’orientation pour les parents de jeunes présentant des troubles de l’apprentissage.

[7] L’École à l’Hôpital et à domicile donne la possibilité à tout enfant malade, inscrit dans l’enseignement maternel, primaire ou secondaire, de ne pas décrocher sur le plan scolaire et de pouvoir réintégrer son école d’origine dans les meilleures conditions. Des professeurs se rendent auprès des jeunes et adaptent les cours à leurs besoins et à leurs possibilités. Ces professeurs sont bénévoles et les cours donnés sont gratuits.

[8] L'asbl Le Ballon Vert est une association sans but lucratif, créée en 2008, à la suite du constat des difficultés rencontrées par les parents pour scolariser leurs enfants porteurs de handicaps moteurs visibles et non visibles (troubles de l’apprentissage).

[9] ClassContact est une asbl qui installe gratuitement, à domicile, à l’hôpital et dans la classe, le matériel informatique et les connexions Internet nécessaires à l’enfant malade pour entrer en contact avec sa classe. Il peut ainsi suivre les cours en direct et communiquer avec les enseignants et les élèves.

[10] Association d’aide à la scolarisation des enfants à besoins spécifiques. Il s’agit d’une association luxembourgeoise. http://asebs.lu/index.php/ebs

[11] Pour en savoir plus, voir Anne FLOOR, Le point sur le décret aménagements raisonnables : qui sont ces élèves à besoins spécifiques ? , Analyse UFAPEC 14.21. https://www.ufapec.be/nos-analyses/1421-decret-ar.html

[12] Art. 19. 7° du décret portant création des pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en œuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale. Microsoft Word - 20210617s49439.docx (cfwb.be)

[13] Le NTPP, Nombre Total de Périodes Professeurs, est calculé d’après le nombre d’élèves présents dans l’école à une date donnée, officiellement le 15 janvier, et sur base du nombre de cours et du nombre d’élèves suivant ces cours. http://www.infodidac.net/WebHelp/eleves_calcul_du_capital_periodes_ntpp.htm

[14] Circulaire 7971 (émise le 16-02-2021) Dispositions relatives à l’octroi du certificat d’études de base (CEB) à l’issue de l’épreuve externe commune pour l’année scolaire 2020-2021. Enseignement.be - Circulaires

[15] Cf. article 1.7.8-1, §4, alinéa 6 du code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire.

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