Analyse UFAPEC 2010 par B. Loriers

25.10/ Eduquer aux risques du cyber-harcèlement

Introduction

Une fois, je voulais aller sur MSN mais quelqu’un était connecté sur ma session. Elle a dit à tous mes contacts « garçons » que je voulais sortir avec eux, et à tous mes contacts « filles » plein d’insultes. Elle a changé mon mot de passe. Puis, j’ai su que c’était une fille de ma classe.
 
Le harcèlement entre élèves existe depuis la nuit des temps. Mais une nouvelle forme fait rage auprès des jeunes : le harcèlement par GSM ou Internet. A travers cette analyse, nous verrons que les répercussions du cyber-harcèlement sont plus profondes que celles du harcèlement classique. Après 16 heures, les élèves chattent, se disputent, s’insultent et reviennent avec leurs conflits le lendemain à l’école …

Définition du cyber-harcèlement

Une définition parmi d’autres, celle de Besley : le cyber-harcèlement se rapporte à l’utilisation de technologies de communication et d’information comme l’e-mail, le GSM, les SMS, la messagerie instantanée, les pages web personnelles, pour nuire délibérément, de manière répétée, de manière agressive aux autres.[1] L’Observatoire des droits de l’Internet [2] résume l’acte de cyber-harcèlement par cinq critères. L’acte en question commis sur Internet et/ou par GSM doit : 
  1. Avoir l’intention de blesser (du point de vue de l’auteur et/ou du destinataire).
  2. Faire partie d’un modèle répétitif d’actions négatives.
  3. Se manifester dans une relation caractérisée par un déséquilibre de rapports de forces, évalué en fonction de critères de la « vie réelle » (comme la force physique, l’âge) et/ou de critères ‘relatifs aux TIC’ (comme le savoir-faire technologique, la « techno-puissance »).
  4. Apparaître dans le contexte de groupes sociaux (hors ligne) existants.
  5. Etre orientée vers un individu.

Quelques chiffres interpellants

Un jeune sur trois avoue avoir été victime de cyber-harcèlement via internet ou GSM, et un jeune sur cinq concède avoir déjà harcelé. Tels sont les résultats d'une enquête réalisée par l'Observatoire des droits de l'internet auprès de 20 000 jeunes européens[3].
Le président de l'observatoire, Bernard Magrez, insiste également sur le rôle des parents, qui ne doivent pas démissionner devant l'ordinateur. « C'est en premier lieu aux parents de réguler l'accès des enfants à internet et au GSM. »

Formes les plus fréquentes de cyber-harcèlement[4]  

  • insultes et menaces via Internet et MSN ;
  • impostures se traduisant notamment par des commandes passées au nom d'une victime à l'insu de cette dernière ;
  • diffusion de rumeurs via Internet ou GSM ;
  • piratage de la boîte de messagerie d'une victime, notamment en modifiant son mot de passe ;
  • transmission  délibérée de virus.

Impact profond

Tout comme dans les cours de récréation, les plaines de jeux, les mouvements de jeunesse et dans d’autres circonstances où des jeunes se côtoient, on voit apparaître des comportements de harcèlement lors des contacts électroniques. Mais le harcèlement par voie électronique a probablement un impact plus profond sur les victimes que le harcèlement classique.
 
Cinq caractéristiques spécifiques des nouvelles technologies permettent à des individus de faire un usage pernicieux d’Internet ou du GSM[5].
 
  1. Tout d’abord, grâce à l’anonymat et/ou à la falsification de leur identité, les cyber-harceleurs ne sont pas toujours identifiés. Les « harceleurs électroniques » peuvent préserver leur anonymat virtuel en créant des comptes e-mails temporaires ou en utilisant des pseudonymes dans les salles de « chat ». 

  2. Alors que l’interaction physique entre le harceleur et le harcelé est une exigence pour qu’il y ait harcèlement, cette condition n’est pas requise pour le cyber-harcèlement. Les nouvelles technologies s’accompagnent toujours d’un aspect inhérent d’inséparabilité. Les adolescents ne peuvent se séparer de leur connexion Internet, ni de leur GSM en raison d’obligations sociales (par exemple vis-à-vis des parents). Le cyber-harcèlement est donc en principe toujours possible, indépendamment du lieu ou du moment. Les jeunes sont dès lors une cible potentielle pour les cyber-harceleurs 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, lorsqu’ils sont accessibles par ordinateur ou GSM. 
     
  3. Dans les interactions en ligne, comme le cyber-harcèlement, l’aspect non-verbal (p.ex. la gestuelle, l’intonation), tellement typique de la communication, et qui implique la présence physique des interlocuteurs, fait défaut. Par conséquent, la victime du cyber-harcèlement éprouve des difficultés pour déterminer si le message qu’elle reçoit se veut être une blague ou un fait de harcèlement. On sait en outre que ce que les enfants (et toutes personnes, en général) osent écrire dans les e-mails et les SMS est beaucoup moins nuancé que ce qui peut être exprimé en vis-à-vis. Il existe une certaine analogie avec les pilotes de chasse qui, dans un cockpit protégé et très loin de leur cible, ne réalisent pas directement les dommages occasionnés. De manière similaire, le cyber-harceleur qui se trouve derrière l’écran de son ordinateur n'est pas conscient de la réaction émotionnelle de sa victime. Cet « effet cockpit »conduit le cyber-harceleur à prendre une position ne laissant aucune place à la pitié face à sa victime et à montrer une absence totale d’empathie.

  4. Il n’y a pas de supervision dans le cyberespace. Alors que la cour de récréation de « la vie réelle » est surveillée par les enseignants, toute forme de surveillance est presque inexistante sur Internet. Lorsque des mineurs ont un ordinateur personnel dans leur chambre, ils échappent à toute forme de contrôle. L’individualisation de l’utilisation des médias est désignée par le concept « Bedroom Culture ». L’ordinateur dans la chambre, loin du regard des membres de la famille, et le GSM privé, loin du téléphone familial, en sont des exemples. La chambre est une « zone connectée » dans laquelle les jeunes ont accès, grâce à la technologie, à un éventail plus large de culture, de détente et d’interaction sociale, souvent hors de la surveillance des parents. Diverses études montrent clairement que les cyber-harceleurs disposent souvent de chambres bien équipées au niveau media, ce qui leur permet d’être significativement moins contrôlés dans leur utilisation des technologies que d’autres personnes de leur génération.

  5. Le caractère public des nouvelles technologies doit également être souligné. Les jeunes trouvent que les pratiques sur Internet et via GSM par lesquelles ils sont humiliés devant un vaste public sont plus graves que les actions qui n’ont de conséquences que pour eux-mêmes.

Préventions 

Surveiller les activités virtuelles de nos jeunes n’est pas simple : parents et éducateurs ne peuvent être rivés en permanence sur les écrans des jeunes utilisateurs qui doivent également rester un lieu d’expression privé, où le secret de la correspondance doit pouvoir être préservé.
 
Mais l’organisation de l’environnement informatique peut permettre une supervision des parents, en plaçant l’ordinateur dans un lieu de vie commun à la maison et non dans une chambre. Une plus grande connaissance de ces nouvelles technologies par les personnes ayant une responsabilité d’éducation permet également d’instaurer un dialogue plus aisé à propos de ce monde virtuel.
 
Dans le cadre d’une politique de prévention, idéalement élaborée au sein du Conseil de participation, les écoles doivent élaborer à l’intention des élèves un règlement d’ordre intérieur clair quant aux règles et sanctions relatives à l’utilisation des nouvelles technologies et une charte spécifique à l’utilisation des centres cyber-média[6].

Induire des comportements responsables 

Le domicile du jeune est souvent le lieu où démarrent ces intimidations virtuelles. Les parents doivent donc développer toute leur vigilance pour prévenir ces risques.
 
Quant à l’école, elle ne peut être le lieu de mise en œuvre de ce type d’intimidation. Pour Michel Berhin[7], en donnant accès aux infrastructures informatiques, l’école a pour mission de réduire la fracture numérique entre les familles. Il ne faudrait pas, par ce biais, produire de nouvelles injustices. Car, reconnaissons-le, à une période où la possession des instruments ne fait plus vraiment problème, c’est dans l’acquisition des compétences médiatiques que la mission de l’école est engagée. On parle ainsi aujourd’hui de réduire une fracture numérique de second niveau[8] : non plus l’accès à la machine, mais l’acquisition de compétences spécifiques. Le monde scolaire doit inscrire l’éducation aux médias dans ses priorités. Il doit intégrer dans son projet pédagogique, l’envie de former le jeune à des comportements responsables et citoyens dans ses usages des technologies. Il doit travailler pour cela les compétences technologiques, certes, mais inscrire aussi cet apprentissage technologique dans une réflexion plus globale sur les valeurs et la citoyenneté.
 
A nous, parents et enseignants, de réussir l’apprentissage des bonnes attitudes via les écrans. Les nouvelles technologies sont assurément de bons outils. Mais mal utilisées, elles peuvent devenir des armes si elles défendent des valeurs douteuses. Ces nouvelles technologies n’ont pas inventé de nouveaux risques, mais de nouvelles responsabilités, que tous les partenaires de l’Ecole doivent assumer conjointement.
 
 
Si vous avez des questions, vous pouvez contacter :
 
  • L’école de votre enfant (ou le centre PMS de l’école).
  • Child Focus via  clicksafe@childfocus.org
  • FCCU (Federal Computer Crime Unit de la police) via www.ecops.be. Vous pouvez signaler à la FCCU toutes les informations dérangeantes trouvées sur Internet : racisme, pornographie enfantine, fraude, etc. ou d'autres délits informatiques.
  • Auprès du fournisseur du site web, du blog ou du chat sur lequel le harcèlement se produit.
  • L’asbl Média-animation : www.media-animation.be
  • L’organisation Action Ciné Médias jeunes : www.acmj.be 
 
 
 
 
Bénédicte Loriers 
 
 
 
 
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Animation, conférence, table ronde... n’hésitez pas à nous contacter,
Nous sommes à votre service pour organiser des activités sur cette thématique.


 



[1] Besley B., Retrieved October, 2006 from www.cyberbullying.org
[5] Cyber harcèlement, risque du virtuel, impact sur le réel, de l’Observatoire des droits de l’Internet : http://www.clicksafe.be/splash/uploads/sid/Boek_cyberpesten_fr.pdf
[6] DASNOY Nathalie, Prévention et lutte contre le cyber harcèlement : un nouveau défi pour l’école : http://www.segec.be/Documents/Lgs/Prevention_et_lutte_contre_le_cyberharcelement.pdf
[7] BERHIN Michel, Cyber - harcèlement, un terrain d'éducation aux médias,  http://michelberhin.wiki.zoho.com/Cyber---harcèlement---un---terrain---d---éducation---aux---médias.html
[8] Lire à ce propos l’analyse UFAPEC n°31.08 sur la fracture numérique : http://www.ufapec.be/nos-analyses/comprendre-les-fractures-numeriques-du-1er-et-du-2sd-degres/

 

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