Sybille Ryelandt Octobre 2025

La vaccination, un enjeu éducatif ?

 

Introduction

En Belgique, pour la majorité des parents, faire vacciner son enfant pour les maladies à prévention vaccinale est une démarche évidente et les taux de vaccination sont actuellement élevés pour la plupart des maladies. On observe néanmoins une « couverture vaccinale[1] » insuffisante, notamment pour la rougeole, avec comme conséquence une augmentation du nombre d’enfants et de jeunes infectés ces dernières années. Cette situation n’est pas propre à la Belgique, les cas de rougeole ont en effet doublé en 2024 en Europe, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Est-ce lié à la pandémie de Covid-19 (Covid), qui aurait créé de la méfiance envers la vaccination, avec davantage de personnes qui hésitent à se faire vacciner ou à faire vacciner leur enfant ?

La vaccination est-elle devenue un enjeu de santé publique préoccupant en Belgique ? C’est en tous cas ce qu’a pu laisser penser le test électoral 2024, proposé à tous les citoyens belges et dont une des questions portait sur une éventuelle interdiction d’accès à l’école pour des enfants qui n’auraient pas reçu tous les vaccins obligatoires[2]. Mais, rappelons qu’en Belgique, seul un vaccin, celui contre la poliomyélite, est légalement obligatoire depuis 1967[3]. Parler « des vaccins obligatoires pour avoir accès à l’école » est donc inexact et cette question du test électoral semble avant tout démontrer une forme de méconnaissance de la législation belge. Dans le cadre de son programme de vaccination, la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) recommande un calendrier vaccinal[4] pour les enfants et les adolescents, comprenant des vaccins ciblant différentes maladies infectieuses, mais l’obligation de suivre ce calendrier vaccinal ne concerne que les enfants qui fréquentent un milieu d’accueil de la petite enfance (0-3 ans) agréé par l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE)[5].

Dans cette analyse, nous cherchons à clarifier la situation vaccinale en FWB et à comprendre certains enjeux sociétaux, comme l’hésitation vaccinale. Nous nous intéressons également aux missions de vaccination et d’éducation à la vaccination des services de promotion de la santé à l’école (services PSE). En quoi ces missions sont-elles aujourd’hui essentielles ?

 

Des couvertures vaccinales insuffisantes contre certaines maladies ?

Rappelons que les microbes, qu’ils soient des bactéries, des virus ou des parasites, peuvent causer des maladies graves, parfois mortelles. Contre ces microbes, la vaccination offre une protection individuelle et collective. Individuelle, car, même si la vaccination ne garantit pas toujours une immunité qui empêche les maladies, elle permet de diminuer très fortement les risques de contracter des formes graves de celles-ci ou des complications. Collective, car, lorsqu’une fraction significative d’une communauté est vaccinée contre un microbe, comme le virus de la rougeole par exemple, on atteint une forme d’immunité collective, qui fait que la transmission de la maladie et le risque d’épidémies sont fortement réduits, et que la population, y compris les personnes plus faibles ou qui ne peuvent pas se faire vacciner, est protégée[6]. On ne se vaccine donc pas que pour soi, mais aussi pour les autres.

En FWB, si les objectifs internationaux de vaccination (définis par l’OMS) sont atteints pour la vaccination des nourrissons, il n’en va pas de même pour la vaccination des enfants et des adolescents, comme le montrent les derniers rapports de l’institut national de Sciensano (2021 et 2023[7]). Par exemple, la vaccination contre les infections à papillomavirus humain (HPV), qui protège notamment du cancer du col de l’utérus, est insuffisante[8], et celle contre la rougeole est trop faible en ce qui concerne la deuxième dose du vaccin rougeole-rubéole-oreillons (RRO)[9]. En conséquence, on a vu une augmentation des cas de rougeole à la fin de l’année 2023, particulièrement chez des enfants de moins de dix ans qui, pour une majorité, n’étaient pas vaccinés. Cette augmentation s’est poursuivie en 2024[10].

En 2023-2024, une enquête de couverture vaccinale visant à établir la couverture vaccinale du rappel diphtérie, tétanos et coqueluche (dTpa) chez les élèves de 4e secondaire, montre que si le taux de couverture reste stable (57,2 %), il comporte d’importantes disparités géographiques et de types d’enseignement[11]. Ainsi, le taux de vaccination est significativement plus bas à Bruxelles et dans le Hainaut. Dans l’enseignement professionnel seuls 41,6 % des élèves ont reçu leur rappel dTpa contre 64 % pour ceux de l’enseignement général[12].

Le taux global de couverture vaccinale, bien en-dessous de l’objectif de 95 % fixé dans le cadre du Programme de vaccination FWB, et les disparités de couverture s’expliquent en partie par l’important taux de « statut vaccinal inconnu », qui peut augmenter considérablement en fonction de la province ou du type de réseau de vaccinateurs[13]. Les résultats de l’enquête montrent que 41,3 % des élèves dans l’enseignement professionnel ont un statut vaccinal inconnu (alors que le taux moyen de statut vaccinal inconnu est d’un peu plus de 20 %).

Pour l’UFAPEC, le statut vaccinal inconnu de nombreux élèves est préoccupant, particulièrement celui des jeunes issus de milieux socio-culturels et économiques défavorisés qui sont proportionnellement plus nombreux à vivre à Bruxelles et dans le Hainaut et à suivre leur scolarité dans l’enseignement professionnel, où les taux d’inconnus sont les plus importants. En l’absence de données vaccinales, le risque n’est-il pas que les rappels de vaccination ne soient pas proposés à ces élèves ? Si certains services PSE veillent à prendre systématiquement contact avec les parents en l’absence de données vaccinales, est-ce le cas de tous les services de médecine scolaire ? En ont-ils les moyens ?

Pierre Squifflet, directeur du service PSE libre du Brabant Wallon, dont une des missions principales est la vaccination des enfants scolarisés, regrette l’absence d’un registre vaccinal complet et fiable en FWB, qui faciliterait le travail de ses équipes[14]. Ces dernières n’ont par exemple pas d’accès automatique aux données vaccinales préscolaires des élèves. Pour les obtenir, elles doivent demander aux parents, pour chaque enfant suivi, une copie du carnet de santé, et c’est sous format papier que ces copies leurs parviennent…

S’il existe bien depuis 2014 une plateforme électronique -E-vax[15]- qui doit permettre un enregistrement centralisé des vaccinations en FWB, sa sous-utilisation par les différents acteurs de la santé (médecins traitants, pédiatres, ONE, médecine scolaire…), qui n’encodent pas toujours correctement et systématiquement les vaccins qu’ils administrent, et son manque d’interopérabilité[16] avec les différents systèmes informatiques de soins, fait que chaque acteur de santé a tendance à continuer à utiliser ses propres outils d’enregistrement.

Alors que les autorités publiques insistent sur la nécessité d’une simplification administrative, l’UFAPEC déplore l’absence d’un registre de vaccination fonctionnel et le temps que doivent passer les équipes des services PSE à encoder des données de vaccination préscolaires au détriment de leurs missions principales de suivi et de promotion de la santé à l’école. Par ailleurs, que les parents puissent avoir accès à un registre vaccinal fonctionnel pour leur enfant nous semble également essentiel, ceci afin de savoir à tout moment s’il est à jour de vaccin.

Même si les données de couverture vaccinale sont toujours de l’ordre de l’estimation, notamment en raison du problème des taux d’inconnus, elles sont globalement rassurantes en FWB. Néanmoins, pour Paloma Carrillo-Santisteve, médecin et gestionnaire du programme de vaccination de la FWB, les professionnels de la santé doivent être vigilants et ne pas négliger toutes ces personnes qui se méfient des vaccins ou qui se posent une multitude de questions pouvant aboutir au fait de refuser ou postposer une vaccination[17]. À ces « hésitants vaccinaux [18]», à ces parents qui, très légitimement, s’interrogent sur la pertinence de faire vacciner leur enfant, (…) il faut pouvoir fournir une information claire et scientifique ou orienter vers des sources d’information fiable, ceci afin de permettre à chacun de prendre des décisions pour sa santé – ou celle de ses enfants – en toute connaissance de cause[19].

 

Comment expliquer que des parents hésitent à faire vacciner leur enfant, ou décident de ne pas le faire ?

L’hésitation à se faire vacciner contre des maladies infectieuses pouvant être prévenues est préoccupante, explique Gilbert Faure, professeur émérite d’immunologie des universités de Lorraine, parce qu’elle contribue à augmenter le nombre de personnes malades lors d’un épisode pandémique. À plus long terme, cette hésitation entraine une insuffisance de couverture immunitaire, avec de grandes inégalités dans différentes sous-populations, selon le niveau social ou les minorités religieuses, sectaires ou de pensée[20]. Aujourd’hui, les seuils nécessaires de vaccination, permettant d’offrir une immunité collective, ne sont pas ou plus atteints dans de nombreux pays d’Afrique, aux États-Unis, en France, etc., et semblent continuer à diminuer depuis la pandémie[21]. Cette situation fait craindre un risque accru de nouvelles pandémies, mais aussi la réapparition de maladies oubliées souvent mortelles, telles que la rougeole ou la diphtérie, qui sont particulièrement dangereuse pour les personnes vulnérables.

Comment expliquer ce phénomène d’« hésitation vaccinale » ?

 

  • Une méfiance envers les vaccins accentuée par la crise Covid

Professeure de sciences dans le secondaire supérieur de l’Institut Saint-Stanislas d’Etterbeek après une longue carrière dans le domaine des vaccins viraux, Isabelle Parent pense que, si elle a toujours existé, la méfiance envers les vaccins a augmenté avec le Covid. La rapidité de conception des nouveaux vaccins et le manque d’essais cliniques ont suscité chez certains une inquiétude toute légitime par rapport à l’innocuité de ces ceux-ci. De plus, de nombreuses personnes n’ont pas compris pourquoi, alors que vaccinées, elles étaient tombées malades et avaient contaminé leur entourage. Pour Isabelle Parent, cette incompréhension a été causée par la communication infantilisante, peu transparent, lacunaire, voire mensongère des autorités, qui a notamment amené certaines personnes à croire que la vaccination les protégerait totalement, elle et leur entourage[22].

Gabriel Dorthe, philosophe des sciences, pense que la communication des autorités, des scientifiques, a été problématique durant la crise Covid, et qu’elle a entrainé auprès de certains un rejet de l’expertise. Il pointe en particulier les discours contradictoires (avec de fréquents revirements dans les consignes données), et la position de surplomb : les gens ont senti que, sous le vernis du discours se gargarisant de l’autorité de la science, il y avait beaucoup d’incertitude et de confusion[23].

Mais n’était-il pas compréhensible que, face à une population désemparée, les autorités cherchent à avoir une communication la plus rassurante et « assurée » possible, qui permette aussi de convaincre du bien-fondé des recommandations sanitaires ?

Gilbert Faure reconnait que la communication officielle {sur les vaccins, sur l’origine du virus, sur l’efficacité des masques…} associée aux évolutions rapides des recommandations sanitaires a pu être jugée confuse par une partie du public[24]. Mais, pour lui, ce n’est pas tant cette communication qui a causé le plus de dégâts, mais le fait que l’incertitude des scientifiques et des décideurs, qui avaient des connaissances limitées du nouveau virus, a été exploitée pour mettre en doute la démarche scientifique et les mesures de prévention, et pour mettre en avant certaines théories complotistes, comme l’idée que les campagnes de vaccinations puissent servir à un contrôle global de la population. Il déplore la prolifération de fausses informations, qui ont eu un impact très négatif sur la santé publique, avec notamment un narratif antivax selon lequel les vaccins auraient été plus dangereux que le virus.

 

  • De nombreuses croyances irrationnelles autour des vaccins

Certaines applications concrètes de la science, comme les vaccins, suscitent beaucoup de croyances irrationnelles, constate le sociologue Gérald Bronner[25]. Il explique cela par le fait que quand on craint quelque chose, ce qui est particulièrement le cas des vaccins qui touchent directement notre corps et celui de nos enfants, on a tendance à être plus méfiant, moins critique et cognitivement plus vulnérable. Pour le sociologue, cette vulnérabilité cognitive, qui concerne tous les individus, quel que soit leur niveau d’éducation, est alimentée par notre tendance à la paresse intellectuelle et par nos biais cognitifs[26] qui altèrent notre perception de la réalité, comme le fait de favoriser des informations qui confirment nos croyances préexistantes (biais de confirmation). La place de plus en plus importante des fausses informations sur internet et les réseaux sociaux préoccupe le sociologue, qui recommande, comme le font de nombreux scientifiques, d’éduquer dès le plus jeune âge aux médias et à l’esprit critique pour être davantage capable de penser, malgré nos peurs, et de résister aux croyances irrationnelles.

 

  • Une sous-estimation du danger de certaines maladies

Aujourd’hui, on se méfie moins des maladies graves, car on n’en connait plus les dangers. Qui sait encore ce que c'est la rougeole, ce que sont les oreillons ? Plus aucun parent n’est en contact avec ces maladies, grâce à une très bonne couverture vaccinale. Les jeunes d'aujourd'hui, entre 25 et 30 ans, dans l'âge moyen de procréation, n'ont pas vus des enfants mourir de rougeole, n’ont pas côtoyé des femmes enceintes qui après avoir contracté la rubéole ont donné naissance à un enfant malformé, ou des hommes qui après avoir eu les oreillons sont devenus stériles[27]Cette méconnaissance des dangers des maladies graves, l’effacement-même de ces maladies de la mémoire collective lié à leur rareté ces dernières décennies, font craindre à Isabelle Parent que de plus en plus de parents estiment qu’il n’est pas ou plus nécessaire de faire vacciner leur enfant.

Pour conceptualiser ce lien entre oubli de certaines maladies et vaccination, les experts parlent de « paradoxe de la vaccination » : grâce à la vaccination d’un grand nombre d’individus, une maladie ne se transmet plus, le public pense qu’elle a disparu, il baisse la garde, se vaccine moins… Ce qui permet à la maladie de ressurgir[28].

Pour contrer cet oubli ou cette minimisation de certaines maladies graves, pour inciter à la vaccination, il faut informer et éduquer les individus. Pour Isabelle Parent, une façon simple de le faire est de montrer des photos d'enfants atteints de polio, de rougeole : il n’est pas nécessaire de faire des grands discours scientifiques, avec des explications très complexes. Montrons déjà les maladies telles qu'elles ont existé[29].

L’éducation à la vaccination fait partie des programmes d’apprentissage de l’enseignement secondaire supérieur[30] et des formations continuées sont proposées aux enseignants afin d’actualiser leurs connaissances. Ainsi, le congrès des sciences, qui propose chaque année des formations et conférences aux enseignants de sciences et de géographie (enseignement secondaire et supérieur de la FWB), a programmé une conférence sur « la vaccination : les fondements biologiques et enjeux sociétaux » lors de sa 63e édition en août 2025[31]. La place prise par la vaccination dans ce programme, démontre une prise de conscience des scientifiques et des médecins concernant l’importance de sensibiliser et d’éduquer à la vaccination.

 

Informer, éduquer et responsabiliser

Pierre Squifflet regrette que les parents soient insuffisamment informés des bénéfices des vaccins. Par exemple, peu de parents savent que le vaccin HPV concerne aussi les garçons et qu’il couvre différents papillomavirus[32]. Ce vaccin prévient non seulement le cancer du col de l’utérus, mais aussi celui de la gorge, du pénis, des verrues génitales. Pouvoir informer les parents durant la scolarité de leur enfant de l’existence du vaccin HPV semble d’autant plus important lorsque l’on sait que la possibilité d’une vaccination gratuite cesse après l’âge de 18 ans[33].

Afin de mieux informer les parents, Pierre Squifflet pense qu’il est nécessaire que les services PSE puissent mettre en place des outils de communication plus diversifiés (audio, vidéo, etc.) que les documents écrits habituels (brochures, courriers). Pierre Squifflet souhaiterait également pouvoir entrer plus directement en contact avec les parents, par exemple via WhatsApp ou une autre application du genre, mais cela nécessite des moyens financiers supplémentaires. Pour Pierre Squifflet, l’ONE, dont les services PSE dépendent financièrement[34], ne semble pas suffisamment conscient de l’importance d’investir dans la communication vers les parents.

Isabelle Parent pense également qu’informer davantage les parents sur la vaccination est une priorité et qu’il ne faut pas omettre certains aspects plus dérangeants, comme les effets secondaires aux injections. La vaccination, ce n'est pas anodin, ce n’est pas comme si l’on donnait un bonbon. Il faut que le personnel de santé puisse expliquer qu’après une vaccination, le système immunitaire réagit pendant quelques heures, voire quelques jours, et que c’est normal de voir son enfant un peu patraque, alors qu’il était en pleine santé, ou de le voir développer une inflammation à l’endroit de l’injection. Sans cette transparence de la part des personnels de santé, le risque est grand de voir des parents confrontés à une réaction immunitaire forte de leur enfant renoncer aux rappels de vaccination. Notons que dans la brochure « une question sur la vaccination » la question des effets indésirables à la vaccination n’est pas éludée : les risques sont bien expliqués[35].

L’information concerne aussi l’enfant ou l’adolescent, qui doit pouvoir comprendre pourquoi on lui demande de se faire vacciner. Permettre au jeune de trouver du sens à la vaccination, est très important pour Pierre Squifflet, car un enfant serein et consentant se trouve dans de meilleures conditions vaccinales, il sera moins sujet au malaise par exemple. Ses équipes veillent toujours à ne vacciner qu’avec le consentement du jeune : si un enfant refuse de se faire vacciner, on ne va jamais le forcer et, cela, même si ses parents ont demandé qu’il le soit et qu’ils ont fourni « l’autorisation de vaccination ». Face à un refus, il s’agit de pouvoir rassurer l’enfant et, parfois, il est nécessaire de déconstruire certaines de ses représentations liées à la douleur de l’injection par exemple. Ces représentations souvent très anxiogènes peuvent être alimentées par l’entourage éducatif, explique Pierre Squifflet, qui évoque par exemple l’attitude et la communication des éducateurs qui accompagnent des groupes d’enfants pour leur bilan de santé[36] et qui peuvent être plus ou moins rassurantes ou, au contraire, stressantes.

Permettre à un enfant de comprendre pourquoi on lui demande de se faire vacciner est également une manière de lui apprendre à devenir progressivement acteur de sa santé et de lui faire prendre conscience que prendre soin de soi c’est aussi prendre soin des autres. Mais, se soucie-t-on suffisamment de cette éducation à la santé ? Ne laisse-t-on pas encore trop souvent les enfants rencontrer les professionnels de la santé de manière passive ?

Éduquer les enfants à devenir acteur de leur santé, en les encourageant à s’y intéresser, en leur donnant accès à une information adaptée, en leur apprenant à s’informer et à faire preuve d’esprit critique semble essentiel dans un monde où les sciences sont attaquées par la désinformation, tandis que les pandémies nous menacent de plus en plus[37]. Avec les professionnels de son service PSE, Pierre Squifflet souhaite davantage conscientiser les jeunes. Pour ce faire, il est convaincu qu’une communication des jeunes vers les jeunes doit être mise en œuvre plus systématiquement, que ce soit via des rencontres ou sous forme de vidéos, de podcasts… Par ailleurs, il est intéressant et encourageant de voir que des enfants sensibilisés aux enjeux de la vaccination influencent souvent positivement leurs parents.

 

Pistes et conclusion

En FWB, les données de couverture vaccinale sont globalement rassurantes. Néanmoins, contre certaines maladies, le taux de couverture vaccinale des enfants et des adolescents est insuffisant, ce qui entraine une recrudescence de maladies et une baisse d’immunité collective. Par ailleurs, nous avons vu que les taux de vaccination pour certains vaccins, comme le rappel dTpa, sont significativement plus bas en Hainaut et à Bruxelles et dans l’enseignement professionnel. Ces taux de vaccination moins élevés s’expliquent en partie par un pourcentage élevé de « statut vaccinal inconnu ».

Pour les services de médecine scolaire, ne pas avoir accès à l’historique de vaccination de nombreux jeunes est problématique, car effectuer un rappel nécessite d’avoir cette information. Pour l’UFAPEC, cette absence de données vaccinales, qui semble concerner plus particulièrement des jeunes issus de milieux socio-culturels et économiques défavorisés, est préoccupante. Pour permettre aux équipes de médecine scolaire de vacciner plus de jeunes, dans toutes les zones géographiques et dans tous les types d’enseignement, il est fondamental que ces dernières puissent avoir accès à un registre de vaccination complet et fiable, ce qui n’est malheureusement pas le cas actuellement. Dans l’attente d’un tel registre fonctionnel, l’UFAPEC encourage les parents à fournir les données vaccinales de leur enfant lorsque le service PSE de l’école le leur demande.

Passer moins de temps à courir après des données de vaccination, à les encoder, permettrait aux équipes de médecine scolaire de consacrer plus de temps à l’éducation et à la promotion de la santé. Dans un contexte sociétal où la méfiance envers les vaccins prend de l’ampleur, où certaines maladies oubliées ressurgissent, où de plus en plus de parents hésitent à faire vacciner leur enfant, en arrivant parfois à postposer ou refuser des vaccins, éduquer à la vaccination est une nécessité.

Pour l’UFAPEC, la logique de recommandation vaccinale qui prévaut en Belgique, où seul le vaccin contre la poliomyélite est légalement obligatoire, doit s’accompagner d’une politique d’éducation à la santé et à la vaccination, qui prévoit suffisamment de moyens financiers, notamment pour les services de médecine scolaire, qui doivent pouvoir mieux informer et sensibiliser les parents et les jeunes. Il s’agit de permettre à chacun de comprendre les enjeux de la vaccination et ses bénéfices, tant individuels que collectifs. Pour l’enfant, il s’agit d’apprendre progressivement à devenir acteur de sa santé, en étant capable de s’informer de manière raisonnée et critique, et de comprendre que se protéger soi-même, c’est également protéger les autres et faire preuve de responsabilité citoyenne.

 

[1] La couverture vaccinale, c’est la proportion de la population ciblée par un vaccin qui est effectivement vaccinée. L’institut national de santé publique (Sciensano) calcule annuellement une estimation de la couverture vaccinale nationale.

[2] Lors des élections fédérales belges de 2024, un test en ligne était proposé par différents médias (RTBF, VRT…) pour aider les citoyens dans leur choix de vote. La question-proposition sur les vaccins était formulée ainsi : les enfants qui n’ont pas reçu les vaccins obligatoires doivent être interdits d’accès à l’école ?

[3] Pour tout savoir sur l’obligation vaccinale, consulter le site vaccination-info.be : https://www.vaccination-info.be/faq/21-quelles-sont-les-vaccinations-obligatoires-en-belgique/

[4] Le calendrier vaccinal de la FWB est téléchargeable sur : https://www.vaccination-info.be/calendrier-de-vaccination/

[5] Tout milieu d’accueil de la petite enfance agréé par l’ONE est en droit de refuser l’admission d’un enfant qui ne serait pas vacciné selon le schéma vaccinal exigé par l’ONE (les vaccins concernés sont ceux contre la poliomyélite, la diphtérie, la coqueluche, l’Haemophilus influenzae b (qui peut provoquer la méningite), la rougeole, la rubéole et les oreillons), cf. https://www.one.be/public/0-1-an/sante/la-vaccination/

[6] Pour comprendre ce qu’est un vaccin, son fonctionnement et son intérêt, lire la brochure « Une question sur la vaccination ? », réalisée par les gestionnaires du Programme de vaccination de la FWB, et consultable via le site https://www.vaccination-info.be/

[7] Cf. Collectif, couverture vaccinale, rapport annuel VPD 2021, Sciensano, : https://www.sciensano.be/sites/default/files/vaccine_coverage_2020-21_fr_final.pdf.

et Collectif, Épidémiologie des maladies infectieuses à prévention vaccinale. Synthèse annuelle 2023, Sciensano, décembre 2024 : https://www.sciensano.be/fr/biblio/epidemiologie-des-maladies-infectieuses-a-prevention-vaccinale-synthese-annuelle-2023

[8] Collectif, couverture vaccinale (…), op.cit., pp. 7 et 11.

[9] Le rapport Sciensano 2023 montre qu’en FWB, le taux de vaccination pour la rougeole est de 75 % en Wallonie et à Bruxelles et de 89 % en Flandre pour deux doses documentées (alors que la couverture vaccinale devrait être d’au moins 95 % pour une vaccination complète à deux doses), cf. Collectif, Épidémiologie (…), op.cit., pp. 5 et 13.

[10] Ibidem, p. 5.

[11] Cette enquête a été réalisée par l’ONE auprès des services de promotion de la santé à l’école et des centres psycho-médico-sociaux de la FWB. Cf. OULARE M, SARR K, BRASSEUR C, Résumé enquête de couverture vaccinale 2023-2024, ONE, FWB : https://www.ccref.org/e-vax/Resume_enquete_couverture_vaccinale_PSE_2023-2024.pdf
En FWB, des enquêtes sont réalisées annuellement auprès d’une cohorte d’enfants en âge scolaire pour une vaccination déterminée. Sur base de ces enquêtes, organisées par les différentes communautés, le département d’épidémiologie des maladies infectieuses de Sciensano calcule annuellement une estimation de la couverture vaccinale nationale.

[12] OULARE M, SARR K, BRASSEUR C, op.cit.

[13] Idem.
Le taux de statut vaccinal inconnu est plus important à Bruxelles, ainsi que dans le réseau Wallonie Bruxelles Enseignement.

[14] Interview de Pierre Squifflet réalisée le 27 juin 2025.
Le Service PSE libre du BW comporte trois antennes : Wavre, Nivelles et Braine l’Alleud. Il assure le suivi médical d’élèves issus de 144 implantations scolaires, ainsi que d’étudiants de deux écoles supérieures. Les missions de promotion de la santé à l’école sont définies par le décret du 14-03-2019, elles sont assurées par les services PSE pour l’enseignement subventionné, cf. http://www.enseignement.be/index.php?page=25423&navi=366
Pour plus d’informations sur le rôle des services PSE, lire : SCHMIDT J.P., Service PSE, un acteur de première ligne méconnu, analyse UFAPEC 2016 05.16 : https://www.ufapec.be/nos-analyses/0516-pse.html

[16] L’interopérabilité est la capacité de systèmes à opérer ou communiquer ensemble.

[17] Cf. Quand les parents hésitent à faire vacciner leurs enfants, Question santé, dossier vaccination n°99 du 25-04-2025 : https://questionsante.org/ejournal-pse/quand-les-parents-hesitent-a-faire-vacciner-leurs-enfants/

[18] L’hésitation vaccinale est définie par l’Organisation mondiale de la santé comme le retard dans l’acceptation ou le refus des vaccins malgré la disponibilité des services de vaccination. Cf. FAURE G., « La vaccination, cible de choix de la « fake science » et du complotisme », in La Recherche, n°582, juillet-septembre 2025, pp. 26-29.

[19] Cf. Quand les parents hésitent à faire vacciner leurs enfants, op.cit.

[20] Idem.

[21] Ibidem, p. 29.

[22] Interview d’Isabelle Parent réalisée le 30 juin 2025.

[23] TRÉCOURT F., « La neutralité scientifique est un mythe récent », in La Recherche, op.cit, pp. 58-59.

[24] FAURE G., « La vaccination, cible de choix de la « fake science » et du complotisme », in La Recherche, op.cit., pp. 26-29.

[25] BRONNER G., « Autopsie d’une vulnérabilité cognitive », in La Recherche, op.cit., pp. 35-36.

[26] Un biais cognitif est un schéma de pensée trompeur qui peut affecter notre manière de réfléchir et influencer nos choix de manière souvent inconsciente. Notre cerveau utilise des biais cognitifs (ils seraient au nombre de 250) pour traiter rapidement les informations et économiser son énergie. Cf. DEPUYDT C., Je me libère des écrans !, éd. Racine, 2025, pp. 64 et 83.

[27] Interview d’Isabelle Parent, op. cit.

[28] Ghali S., Faut-il rendre tous les vaccins obligatoires ? in le VIF, 22-10-2018.

[29] Interview d’Isabelle Parent, op. cit.

[30] Le système immunitaire et la vaccination font parties des matières vues en cours de biologie.

[32] Interview de Pierre Squifflet, op.cit.

[33] Les recommandations du conseil supérieur de la santé insistent sur la nécessité de vacciner aussi les garçons. En FWB, si le vaccin est commandé via le programme de vaccination de la FWB, et qu’il se fait avant l’âge de 19 ans, la vaccination est gratuite tant pour les filles que pour les garçons, qu’elle se fasse via l’école ou chez le médecin traitant. Cf. LA PSE, La promotion de la santé à l’école, ONE, dépliant informatif téléchargeable via : https://www.hpvinfo.be/la-vaccination/

[34] L’ONE, à travers sa direction promotion de la santé à l’école (DPSE), est responsable de la politique des services PSE, de leur agrément et de leur financement. Cf. https://www.one.be/professionnel/sante-a-lecole/missions-de-la-pse/

[35] Collectif, Une question sur la vaccination, Programmation de vaccination de la FWB, édition 2023. Pour télécharger la brochure, se rendre sur : https://www.one.be/public/brochures/brochuredetail/brochure/une-question-sur-la-vaccination/

[36] En médecine scolaire, on ne parle plus de visite médicale, mais bien de bilan de santé.

[37] Pour comprendre en quoi nos modes de vie et les incroyables capacités adaptatives des virus risquent d’accélérer la fréquence et la gravité des pandémies, lire : DELUZARCHE C., « Pourquoi l’ère des pandémies ne fait-elle que commencer », Futura, janvier 2021 : https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/pandemie-ere-pandemies-ne-fait-elle-commencer-80160/

 

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