Analyse UFAPEC mars 2019 par JP. Schmidt

03.19/ Du bien-être à l'école ? Et pourquoi pas le projet snoezelen ?

C’est par le bien faire que se crée le bien-être 
Proverbe chinois

 

Introduction

Aujourd’hui, nous sommes tous exposés, petits et grands, à de nombreux stimuli de la vie quotidienne. Le stress envahit nos vies. L’enfant est particulièrement sensible aux éléments qui l’entourent. Il passe non sans difficultés d’une dispute avec un camarade aux chamailleries de ses parents tôt le matin, en passant par les rêveries de son dessin animé ou jeu préféré. En arrivant à l’école, il a déjà dû affronter les aléas du transport, enfin il arrive dans la cour de récréation bruyante et parfois peu accueillante. Il est à la recherche de ses amis pour se rassurer et bien commencer la journée. Déjà les apprentissages sont là... Est-il en capacité mentale de les vivre ? La journée « école » démarre.

Dès lors, il semble opportun de permettre à l’enfant, à l’élève, à des moments récurrents, de se sentir bien dans un endroit particulier où il pourra se détendre, bouger et reposer son esprit. Le bien-être de l’enfant en dépend. Et pourtant cela ne semble pas si évident de mettre ces « nouveaux » moyens en place dans les écoles. Nous pensons ici à la méditation, le réaménagement des classes, Snoezelen... Pourquoi ? Qu’est-ce qui freine ? Qu’est-ce qui fait peur ? Nous vous proposons dans cette analyse de découvrir Snoezelen ainsi que les apports potentiels d’un tel projet pour les enfants, de montrer que monter un tel projet dans une école est possible. Pour renforcer l’épanouissement et la réussite de l’enfant, il faut favoriser le bien-être et le bien-vivre dans le milieu scolaire.

Qu’est-ce que le snoezelen ?

Dans les années ‘70, deux jeunes Hollandais, l’un musicothérapeute (Jan Hulsegge), l’autre ergothérapeute (Ad Verheul) souhaitent proposer des activités pour des personnes hyperactives, handicapées mentales et autistes ou ayant un retard de développement. Ils créent la démarche snoezelen. Snoezelen est la contraction de snuffelen (fureter, renifler, sentir) et doezelen (somnoler doucement). Le snoezelen est donc un concept de stimulation visant à établir une relation personnelle, dans un milieu naturel ou non permettant de vivre une expérience sensorielle.[1] L’Asbl Anim’Action précise que le snoezelen touche trois dimensions : les cinq sens, le respect et le rythme de la personne ainsi que le relâchement et la réduction des tensions. L’objectif est de donner du bien-être à la personne, stimulée grâce au plaisir que lui procure l’activité, et de limiter son stress. Les cinq sens sont stimulés, permettant une conscience de l’ici et maintenant. Apprendre, acquérir de nouvelles sensations, se détendre dans un espace sécurisé avec, en permanence, la notion du plaisir. Anim’Action ajoute : Même si ce concept a été expérimenté en premier lieu en santé mentale, il est devenu universel et ne se destine plus exclusivement à une population particulière, ni à une tranche d'âge, ni encore à des pathologies spécifiques. Il est vrai que ce projet convient très bien aux personnes ayant un handicap mental ou même un polyhandicap. Mais nous voyons également des projets se développer dans le secteur gérontologique et psychiatrique. Nous nous limiterons aux projets possibles à réaliser dans les écoles fondamentales.

Concrètement, un espace snoezelen est un espace chaleureux, accueillant et aménagé. Il se compose généralement d’un lieu où les cinq sens se déploient, où des jeux de couleur et de lumière se dévoilent. Ce lieu doit être pensé en fonction des objectifs à atteindre et construit par des personnes expérimentées en la matière.

Quels sont les apports d’un tel projet ?

S’apprivoiser, mieux se connaitre, appréhender l’autre dans un cadre différent et sécurisant permettent, entre autres, une nouvelle approche de la vie scolaire. Cette approche peut servir à tous les enfants : qu’ils soient en difficulté scolaire ou familiale, qu’ils vivent des tensions, des manques, des chagrins... L’apaisement que procure ce lieu permet d’une certaine manière d’appréhender tous ces maux. Quatre apports essentiels se dégagent quand les enfants pratiquent le snoezelen.

  • Une communication améliorée

Le projet snoezelen est un art de la relation basée sur la sensorialité, permettant une rencontre de qualité dans un espace et un temps définis par la qualité de cette rencontre[2]. Cet environnement apaisant créera les conditions d’une nouvelle communication entre tous les participants, placés sur un même pied, loin du brouhaha et autre parisite sonore. Snoezelen offre un moment de relation privilégiée. Le professionnel peut prendre du recul et observer l’enfant sous un autre angle.[3]

  • Un autre lieu de mouvement et de dépassement

A côté de la salle de sport ou même de la cour de récréation, ce lieu se targue d’être différent tant dans l’accueil, l’atmosphère, la dimension, la chaleur et la stimulation. L’enfant va se sentir stimulé à réaliser de nouvelles expériences dans un cadre serein et apaisant.

  • Un moment de détente hors du temps et sans stress

La recherche du bien-être reste primordiale. Le coin snoezelen doit paraitre accueillant, doux, magique et sécurisant par la présence d’un adulte. Ce moment de détente peut se vivre lors de moments de transition d’une journée scolaire.

  • La conscience de soi

De part des actions ludiques, l’atmosphère du lieu et la mise en confiance permettent à l’enfant d’agir librement et à son rythme. Des enfants parviennent à réguler leur comportement. Avec l’approche Snoezelen, nous pouvons leur offrir une salle zen, un refuge en dehors du temps pour qu’ils régulent leurs émotions.[4]

Ce projet peut s’inscrire dans les écoles qui se veulent inclusives. Une école inclusive est une école qui fait le choix de scolariser des enfants à besoins éducatifs particuliers dans le cadre ordinaire. Pour autant que les éléments facilitateurs soient rassemblés et que l’intégration soit bien « menée », différents bénéfices sont constatés. Ces bénéfices touchent l’ensemble de la communauté éducative : l’élève à besoins spécifiques, ses camarades de classe, les enseignants, les parents, etc.[5] Mais ce projet peut se vivre dans n’importe quel établissement, qu’il soit de l’ordinaire ou du spécialisé...

L’audace des acteurs de l’école manquerait-elle à ce niveau ? Oser entreprendre de nouveaux projets semble complexe. L’idée du changement peut faire peur. Et pourtant...

Et pourquoi pas dans les écoles ?

Le projet Snoezelen peut se construire dans un partenariat école-familles ou via une réflexion lors de l’élaboration d’un projet d’établissement vécu en conseil de participation. Une fois le projet validé par l’institution, la création du lieu se doit d’être portée et encouragée par tous parce que ce projet n’est pas une méthode, c’est un état d’esprit. Une formation des professionnels accompagnera la responsabilité du lieu. Mettre en place un tel projet n’a pas forcément d’ambition éducative, mais est plus de l’ordre de la recherche de créer un nouvel espace-temps de loisir dans l’établissement. Il n’y a pas d’objectifs de résultats. Pratiquer le snoezelen nécessite une mise à distance aux regards des normes habituellement valorisées et attendues par la société (action physique, rendement et production).[6] Il faut donc pouvoir se détacher des regards extérieurs interrogateurs. A l’école, aux professionnels, aux parents de bien expliquer la finalité du projet afin de légitimer et mobiliser toute l’équipe éducative.

Snoezelen ne laisse personne indemne. Des effets sont perçus tant sur les usagers que sur les professionnels. Oser ensemble, être soutenu dans l’établissement et par le politique également... c’est bien là, tout l’enjeu ! De nombreuses études[7] affirment qu’une relation positive entre l’enseignant et l’élève produit un impact essentiel tant sur l’émergence d’un nouveau moi que sur de nouvelles habilités face aux apprentissages.

Dans l’avis n°3 du Pacte pour un enseignement d’excellence, l’axe stratégique n°5[8] affirme qu’il faut : assurer à chaque enfant une place dans une école de qualité, et faire évoluer l’organisation scolaire afin de rendre l’école plus accessible, plus ouverte sur son environnement et mieux adaptée aux conditions du bien-être de l’enfant. Cependant, les cinq points de cet axe peuvent sembler vagues pour que tous les acteurs de l’école comprennent ce que signifie clairement le bien-être. Des initiatives existent pourtant dans plusieurs établissements pour entrevoir ce bien-être. Nous pensons ici à la méditation de pleine conscience[9], l’aménagement des classes[10], la création d’un parcours Vita[11] ou l’aménagement de la cour de récréation[12]. Cela reste encourageant et pauvre à la fois, tous ces projets dépendant d’une volonté commune de tous les partenaires éducatifs d’une école. Ces projets doivent pouvoir être pérennes, mais pour cela, il faut des moyens structurels, financier et humains. Ne faut-il pas, dès lors, à ce niveau, un soutien clair du politique, une réflexion globale de notre système scolaire ? Est-ce cela qui coince ou qui fait peur pour oser entreprendre dans nos écoles ?

Nous avons interrogé une enseignante et un parent qui vivent le projet Snoezelen. Madame Florence nous dit que : La mise en place du projet n’a pas été évidente en soi, mais une fois que l’école dans son ensemble, avec tous les partenaires, ont appuyé le projet, ce fut plus aisé. Il fallait quand même convaincre les plus sceptiques tant au niveau des enseignants que des parents. Catherine, la maman de Bastien raconte : Le projet est arrivé un soir de réunion du conseil de participation où nous devions échanger sur notre nouveau projet d’établissement. Après présentation du projet, chaque instance a pu réfléchir sur celui-ci. Au niveau de notre AP, l’enthousiasme et la volonté de donner un élan à ce projet ont recueilli l’adhésion. En deux week-end, les travaux dans ce local ont pu déboucher sur l’espace et l’environnement souhaités. Cela semble une réussite pour l’école, et tout cela, au bénéfice des enfants.

Comme on le voit dans une école où le dialogue et le partenariat école-famille sont mis en place, la relation de bienveillance et d’écoute mutuelle facilite l’installation de différents projets. Façonner une culture d’école apparait comme indispensable. Depuis le décret du 13 septembre 2018[13], il est prévu que le conseil de participation débatte et émette des avis sur une série d’éléments liés à la dynamique de l’école. Le conseil de participation est un lieu démocratique que tout parent doit pouvoir investir via ses représentants et en demandant tout d’abord que ce conseil soit mis en place avec, bien entendu, le pouvoir organisateur (PO), la direction et les enseignants si celui-ci n’existe pas.

Conclusion

Si l’école réfléchit au bien-être des enfants par un projet d’établissement construit et concerté en conseil de participation, cette école place le curseur d’un réel partenariat familles-école, objectif premier que nous poursuivons à l’UFAPEC, comme organisation représentative des parents et des associations de parents d’élèves. Tout projet semble donc possible. Snoezelen, par exemple.

Tous les enfants sont différents avec leurs richesses, leur histoire, leur parcours, mais chacun a droit au meilleur, au bien-être en particulier. Des élèves ne sont pas toujours en mode « école » car bien souvent ils ont en tête un tas d’éléments perturbateurs qui les empêchent d’être « présents », disponibles pour l’autre ou pour les apprentissages.

Dans son Mémorandum 2019, l’UFAPEC affirme que : Pour renforcer l’épanouissement et la réussite de l’enfant, il faut favoriser le bien-être et le bien-vivre dans le milieu scolaire. Ceci sous-entend à la fois le mobilier, l’infrastructure, le matériel, les sanitaires, les espaces communs, les espaces de sport, etc. C’est donc dans l’intérêt supérieur de l’enfant que le cadre scolaire doit être agréable afin de susciter l’envie, le goût et le plaisir d’apprendre. Il importe également de favoriser le développement d’une école citoyenne. Enfin, une culture de l’école réfléchie et conçue pour le bien-être des élèves se doit d’être mise en place. [14]

A l'UFAPEC, nous soutenons une nouvelle approche qui consiste à évaluer de la manière la plus objective possible les effets des mesures mises en œuvre au sein de chacun des établissements scolaires. Nous sommes convaincus que cela contribuera à pérenniser des projets positifs et à installer une cohérence pour tous les acteurs scolaires[15].

En mettant en place et en faisant ce genre de projet, l’école répond naturellement à cet enjeu du bien-être et de la citoyenneté. Ceci est à discuter et à promouvoir dans chaque établissement. C’est essentiel, car tout enfant est en droit d’attendre d’être considéré dans son école afin qu’il s’y sente bien et qu’il soit pris d’un véritable plaisir d’apprendre.

 

Jean-Philippe Schmidt 

 

 


[1] http://www.anim-action-crisnee.be/fr/le-snoezelen -- présentation par Anim’Action.

[2] Asbl snoezelen sans frontières : www.snoezelensansfrontieres.org

[3] Sidonie Filion, psychomotricienne et formatrice Snoezelen pour la petite enfance.

[4] Anne Colin-Sage, psychomotricienne à la crèche Babilou Convention, article « L'intérêt de l'approche Snoezelen dans les structures d'accueil du jeune enfant de Nelly Moussu, https://lesprosdelapetiteenfance.fr/bebes-enfants/psycho-pedagogie/lapproche-snoezelen/snoezelen-une-approche-non-reglementee-qui-se-professionnalise

[5] Pierard, A., Les bénéfices attendus de l’intégration des élèves à besoins spécifiques sont-ils atteints ? Analyse UFAPEC 2017 n°06.17 - http://www.ufapec.be/files/files/analyses/2017/0617-Benefices-integration.pdf

[7] Benoît GALAND, Pierre PHILIPPOT et Marianne FRENAY, « Structure de buts, relations enseignants-élèves et adaptation scolaire des élèves : une analyse multi-niveaux », Revue française de pédagogie [En ligne], 155 | avril-juin 2006, mis en ligne le 21 septembre 2010, consulté le 25 mars 2018.  URL : http://journals.openedition.org/rfp/225 ; DOI : 10.4000/rfp.225

[8] Avis n°3 du Pacte pour un enseignement d’excellence :http://www.pactedexcellence.be/wp-content/uploads/2017/05/PACTE-Avis3_versionfinale.pdf p. 28.

[9] Baie, F., La méditation de pleine conscience comme outil pédagogique : phénomène de mode ou révélation ? analyse UFAPEC, avril 2016 http://www.ufapec.be/nos-analyses/0816-meditation.html

[10] Claes, M., Réaménager les classes pour favoriser l’apprentissage et le bien-être des élèves ? analyse UFAPEC, novembre 2018 http://www.ufapec.be/nos-analyses/2618-reamenagement-classes.html

[11] Il s’agit de circuits balisés avec différents arrêts pour réaliser des exercices sportifs, adaptés à tous les âges, avec des panneaux explicatifs pour les mouvements.

[12] Schmidt, JP., Une cour réinventée, terreau d’un nouveau vivre-ensemble, analyse UFAPEC, octobre 2016 http://www.ufapec.be/nos-analyses/2016-cours-ecole.html

[13] Article 18 du décret modifiant le décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre afin de déployer un nouveau cadre de pilotage, contractualisant les relations entre la Communauté française et les établissements scolaires du 13-09-2018. http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/45594_002.pdf p. 25

[15] Floor, A., Mettre le bien-être et la réussite des élèves au cœur de nos priorités, analyse UFAPEC, décembre 2018 http://www.ufapec.be/nos-analyses/3118-bien-etre-eleves.html

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