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Pourquoi encore aller à l'école à l'ère des IA ?
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03.25/ Pourquoi encore aller à l’école à l’ère des IA ?
Introduction
Longtemps, l’école a été considérée comme l’unique lieu où se former dans une série de disciplines ; les élèves, dans leur grande majorité, dépendaient des enseignants pour acquérir des savoirs ou des connaissances. Aujourd’hui, grâce à une simple connexion internet, il est possible d’accéder à une multitude de ressources documentaires et pédagogiques, d’applications et de tutoriels d’apprentissage en ligne, ou même en immersion dans une réalité virtuelle. Depuis peu, nous pouvons converser avec des chatbots[1], qui répondent à toutes nos questions ; certains élèves disent apprendre plus facilement avec ces outils d’intelligence artificielle (IA) qu’avec leurs enseignants : en physique, on a beaucoup plus appris avec ChatGPT qu’avec notre ancien professeur, dit ainsi cet élève de sixième secondaire[2].
En 2020, la pandémie du covid19, qui a contraint les enseignants à recourir massivement à la technologie numérique pour poursuivre les cours, a montré qu’il est possible d’enseigner à distance, sans espaces spécifiquement dédiés aux apprentissages. Cette forme de désincarnation de l’école concernera-t-elle un jour les enseignants eux-mêmes, qu’on considérera comme superflus dans la médiation des savoirs ? Dans le contexte de pénurie d’enseignants que nous connaissons actuellement, particulièrement dans l’enseignement secondaire[3], des parents sont préoccupés par le rôle grandissant que pourraient prendre les technologies de l’information et les IA dans l’instruction des jeunes. S’ils sont conscients des apports potentiels de ces technologies, qui peuvent faciliter des recherches informatives par exemple, de manière générale, ils craignent une perte de contacts humains, une perte d’une culture commune. En ce qui concerne l’utilisation de l’IA et des chatbots comme premier réflexe dans toute recherche, ils redoutent des impacts négatifs sur le développement de certaines qualités humaines comme le sens de l’effort, la faculté de créer, de réfléchir par soi-même, de distinguer le vrai du faux, d’être ouvert sur d’autres points de vue que le sien, etc[4].
Face à ces inquiétudes et dans ce contexte de révolution numérique qui change le rapport aux apprentissages, nous nous demandons en quoi l’intervention de l’enseignant et de l’école reste nécessaire dans l’instruction des jeunes.
Transmettre la soif d’apprendre et le sens de l’effort
Dans un monde changeant, dont les savoirs évoluent sans cesse, être capable d’apprendre est une compétence essentielle, qu’il faut pouvoir mobiliser tout au long de la vie. Apprendre ou acquérir des connaissances et savoir-faire nécessite de pouvoir s’engager dans un processus d’apprentissage qui requiert non seulement des efforts, mais également une ouverture sur le monde et une soif d’apprendre. En ce sens, le rapport plus ou moins positif aux apprentissages que l’enfant ou l’adolescent développe à l’école est fondamental.
Parvenir à susciter l’intérêt des élèves pour les apprentissages scolaires est fondamental pour les enseignants, qui savent que des élèves curieux seront plus motivés et plus à même de s’engager dans leurs apprentissages. Cet engagement est nécessaire pour que des « savoirs enseignés » puissent se transformer en « savoirs appris » ou en « compétences mobilisables », permettant aux jeunes de penser et d’agir dans leur environnement. Mais la motivation pour les apprentissages ne dépend pas que des enseignants, elle est aussi propre à l’élève, qui est souvent peu enthousiaste par rapport à des matières scolaires très éloignées de ses centres d’intérêt. Selon les résultats de la dernière enquête #Génération2024, qui se penche sur les pratiques numériques et les centres d’intérêts des jeunes, les enfants et les adolescents utiliseraient majoritairement leurs écrans pour jouer à des jeux vidéo, écouter de la musique ou surfer sur des réseaux sociaux (sport, actu people…)[5].
Aujourd’hui, avec des chatbots capables de faire à leur place une partie de leur travail scolaire, n’est-il pas encore plus difficile d’amener les élèves à s’impliquer dans leurs apprentissages ? Des élèves disent qu’ils utilisent le chatbot pour lui faire faire des recherches, ou même des devoirs qu’ils n’ont plus qu’à recopier, ce qui leur fait « gagner » beaucoup de temps[6]. Mais du temps pour quoi ? Et qu’apprennent-ils ainsi ?
Pour le philosophe et essayiste Abdennour Bidar et le professeur émérite en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon-II, Philippe Meirieu, inciter les jeunes à développer leur curiosité au-delà de ce qui les intéresse spontanément et les encourager à approfondir toujours plus leurs connaissances nécessite plus que jamais la présence des enseignants[7]. Avec les technologies de l’information et les IA, Philippe Meirieu craint que la propension humaine à rechercher la facilité et la satisfaction immédiate, qui fait qu’on se contente souvent de « savoirs à l’économie », ne se voie renforcée, notamment chez les jeunes qui peuvent s’illusionner sur le fait que les connaissances pourraient s’obtenir en quelques clics, sans passer par un processus d’apprentissage. Et, lorsqu’on croit savoir, pourquoi apprendre[8] ?
Il (l’enfant) préfère le plus souvent, « savoir sans apprendre ». Car apprendre requiert de surseoir à la satisfaction immédiate et de fournir des efforts (…)[9]. Cette vision du rapport spontané du jeune au savoir et à l’apprentissage, que défend Philippe Meirieu, n’est pas partagée par tous. Pour le neuropsychologue Stanislas Dehaene, le désir d’apprendre est naturel chez l’enfant, il s’agit même d’un besoin essentiel de l’espèce humaine ; ce désir jouerait un rôle fondamental dans la motivation des élèves, pour autant que la curiosité des enfants soit un minimum stimulée en classe[10]. Que le désir d’apprendre soit inné ou non, l’importance que l’école devrait accorder au développement de la curiosité, en tant que qualité indispensable pour pouvoir entrer dans une réelle démarche d’apprentissage, semble mettre les scientifiques d’accord. À ce sujet, les parents n’ont-ils pas eux aussi un rôle à jouer ? Ne sont-ils pas les mieux placés pour encourager des centres d’intérêts divers et des passions chez leurs enfants ?
À entendre Justine, étudiante dans l’enseignement supérieur, qui évoque ses années de scolarité obligatoire, la curiosité serait peu encouragée et valorisée à l’école ; elle tient même le système scolaire partiellement responsable d’une situation d’apathie, de « non-désir d’apprendre » des jeunes, constatant que ses pairs et elle-même vont très rarement s’engager dans un apprentissage ou approfondir un sujet de manière spontanée ou volontaire[11]. Pour elle, cette situation s’explique en partie par la préoccupation majeure d’une majorité d’enseignants de parvenir à voir toute la matière de l’année dans les temps impartis, et de pouvoir évaluer les élèves sur cette matière. À l’école, on nous dit : voilà ce que vous devez connaitre et retenir d’ici la fin de l’année. Du coup, en tant qu’élève, on ne va pas plus loin. On ne veut pas perdre de temps à creuser un sujet. On assimile l’apprentissage aux évaluations à venir, que l’on redoute, par peur d’échouer… Depuis mes années d’école, voir une nouvelle matière, devoir l’apprendre, me fait peur, car je crains de ne pas la comprendre[12].
Apprendrait-on à l’école à craindre tout nouvel apprentissage ? Les évaluations scolaires instrumentaliseraient-elles le rapport des élèves aux apprentissages ? Selon ce témoignage, qui est partagé par d’autres élèves, c’est malheureusement parfois bien le cas[13] ; et des jeunes expliquent d’ailleurs apprécier pouvoir poser leurs questions à un chatbot, qui ne les jugent pas : (…) parfois, dans nos interactions avec le professeur, on a peur de poser une question, on est intimidé (…) l’IA va toujours nous répondre, peu importe la question[14].
Pour l’UFAPEC, apprendre avec sérénité et plaisir nécessite de pouvoir développer un rapport positif aux savoirs et de s’impliquer dans ses apprentissages. Encourager et valoriser la curiosité et les questionnements des élèves est une manière d’amener les élèves à développer ce plaisir d’apprendre, de même que considérer l’erreur positivement, comme un moyen de parvenir à la connaissance[15]. À côté des méthodes pédagogiques « classiques », il faut pouvoir imaginer et proposer des chemins d’apprentissages renouvelés, comme les nouveaux référentiels du tronc commun invitent à le faire, et mettre en œuvre une véritable pédagogie de l’intérêt qui laisse la possibilité aux jeunes de s’exprimer, d’affirmer leur point de vue et de partager leurs savoirs. Par les discussions qu’ils ont en famille, par leur vécu, par leurs lectures et leurs pratiques numériques, etc., les enfants et les adolescents n’ont-ils pas en effet eux aussi des savoirs à apporter ? En ce sens, ne faudrait-il pas considérer la classe comme une « communauté des savoirs » plutôt que comme un lieu où seul l’adulte les détiendrait ?
Permettre aux jeunes de s’exprimer et de partager leurs savoirs, notamment ceux qu’ils glanent sur le web, n’est-il pas aussi une façon de pouvoir échanger avec eux sur leurs pratiques numériques, les inciter à la prudence, à vérifier la fiabilité des sources et leur apprendre à cultiver leur esprit critique ?
Enseigner l’esprit critique
Face à la masse d’informations plus ou moins qualitatives disponibles sur internet, et face à des chatbots qui se font le relais de fausses informations et qui puisent dans des bases de données sans capacité de vérifier la véracité de l’information fournie, amener les jeunes à pouvoir exercer leur esprit critique, à distinguer le vrai du faux, est fondamental ; l’expérience et l’exemple de l’enseignant sont précieux à ce sujet[16]. D’ailleurs, lorsqu’en tant qu’élève, on demande à ChatGPT si ses réponses sont toujours exactes et fiables, il répond : (…) mes réponses peuvent parfois contenir des erreurs ou être incomplètes (…) Je te conseille toujours de vérifier les informations auprès de sources supplémentaires (comme des manuels scolaires, des sites académiques ou des enseignants) pour t’assurer de leur exactitude (…)[17].
Selon Philippe Meirieu, pour apprendre aux élèves à avoir un usage critique des ressources documentaires et numériques à leur disposition, pour qu’ils sachent distinguer les savoirs (qu’on peut prouver) des croyances (qu’on ne peut pas prouver), il faut les mettre en position de chercheurs en quête de connaissances, que ce soit sur des questions du programme, sur leur environnement ou sur leurs centres d’intérêt[18]. On constate aujourd’hui que l’usage critique des sources et la capacité de distinguer savoirs et croyances est une compétence que les élèves n’ont pas nécessairement au sortir de leur parcours de scolarité obligatoire. Dans l’enseignement supérieur, des enseignants et des chercheurs disent même être régulièrement confrontés à une contestation de leurs savoirs et à une perte d’autorité du savoir, certains jeunes estimant plus justes et fiables les informations qu’ils trouvent sur internet. Sur un certain nombre de sujets (…) on ne croit plus ce qui est établi par des chercheurs, on les accuse d’être sous l’emprise de leurs biais idéologiques, et donc, j’ai parfois le sentiment, en discutant avec des gens éduqués et cultivés, que nous ne partageons plus un monde commun, explique Justine Lacroix, professeure de théorie politique à l’ULB[19].
L’enjeu de la pensée critique est capital si l’on souhaite continuer à vivre dans un monde commun, guidé par des valeurs démocratiques, où les individus ne sont pas enfermés dans des « bulles informationnelles », voire dans des univers alternatifs, ne parvenant plus à distinguer le vrai du faux et se laissant manipuler par des théories du complot.
Dans les référentiels du tronc commun, le développement d’une pensée critique et complexe fait partie des visées transversales qui doivent être enseignées tout au long du tronc commun dans les différents domaines disciplinaires. Par exemple, certains attendus du nouveau cours de Formation manuelle, technique, technologique et numérique (FMTTN) concernent les « les Fake News », et plus particulièrement leur compréhension, leurs enjeux, les moyens pour les repérer[20]… Et, si les élèves de 4eprimaire doivent pouvoir expliquer la notion de « Fake News », ce n’est qu’en 2esecondaire qu’on attend d’eux de pouvoir les repérer. D’autres apprentissages, comme ceux reçus dans le cadre de l’éducation à la philosophie et à la citoyenneté, peuvent être l’occasion de travailler ce type d’attendus, en apprenant à identifier des discours manipulateurs par exemple.
Si l’UFAPEC se réjouit de la place importante accordée à la pensée critique dans les nouveaux référentiels et si elle constate que de nombreux outils éducatifs existent pour aider les enseignants, mais aussi les parents, à s’emparer de cette question[21], elle s’inquiète néanmoins des connaissances numériques insuffisantes de nombreux enseignants, notamment en ce qui concerne les IA, qui semblent encore très peu investies dans leurs cours. Avec la plupart des professeurs, si on en (IA) parle, c’est pour nous dire de ne pas l’utiliser, témoigne cet élève[22]. Mais, explique une enseignante d’anglais : je ne me sens pas capable de donner des conseils à mes élèves, j’aimerais être formée à l’utilisation des IA[23].
Étant donné l’évolution très rapide de ces nouvelles technologies, comment des enseignants, déjà dépassés aujourd’hui, vont-ils pouvoir accompagner leurs élèves dans l’utilisation des IA dans les années à venir ? Or, n’est-ce pas à l’école que les élèves devraient apprendre à utiliser ces outils, à bien formuler un « prompt »[24] par exemple ? Actuellement, sur base volontaire, les enseignants ont la possibilité de se former aux nouvelles technologies[25] ; mais, avec leur emploi du temps souvent déjà surchargé, et peut-être aussi avec la peur que peuvent susciter ces technologies, combien d’enseignants vont-ils saisir ces opportunités de formation ?
Apprendre ensemble pour construire du commun
Dans le futur, ne pourrait-on pas imaginer que les élèves apprennent en solitaire, devant leurs écrans, avec des programmes sur mesure totalement individualisés[26] ? Ne serait-ce pas plus efficace qu’apprendre ensemble, dans des écoles ? En quoi apprendre entre pairs, accompagnés de professionnels de l’éducation, est-il précieux et même indispensable pour les jeunes ?
Ce serait plus motivant d’apprendre ensemble et, selon de nombreux spécialistes de l’éducation comme Philippe Meirieu, ce serait plus efficace pour autant que des pédagogies coopératives (travail en groupe, tutorat…) soient utilisées en classe, de manière correcte. Ces pédagogies, dont le principe de base est que l’apprentissage se fasse avec et par les autres, facilitent les échanges entre pairs et la confrontation à des idées différentes, ce qui permet aux élèves de bousculer leurs croyances, leurs préjugés, « leurs savoirs naturels », qui pourraient les empêcher de progresser et d’accéder à des niveaux supérieurs de compréhension dans les apprentissages. Cette remise en question des conceptions spontanées des apprenants, stimulée à travers le groupe, est appelée « conflit socio-cognitif » par les pédagogues[27].
Débattre, argumenter, partager ses idées avec des personnes qui ont d’autres avis est difficile et nécessite un apprentissage, notamment en ce qui concerne le développement des compétences sociales, pour lequel l’accompagnement de l’enseignant est précieux et indispensable.
Étant donné les phénomènes de « bulle informationnelle » qui enferment intellectuellement les individus dans des univers de plus en plus étriqués, être capable d’entendre ce que dit l’autre ou encore, savoir remettre en question ses conceptions, semblent des compétences majeures à développer chez les jeunes, qui devront sans doute faire face à toujours plus de désinformation et à une fragilisation de nos démocraties. Par ailleurs, cet apprentissage commun que permet l’école obligatoire n’est-il pas une manière de garantir que chaque enfant apprenne les mêmes choses, au moins jusqu’à un certain niveau de sa scolarité, et de perpétuer une « communauté des savoirs », précieuse pour le vivre ensemble et la construction d’une culture commune ?
En plus d’apprendre avec d'autres, en expérimentant la vie en communauté, l’école n’est-elle pas aussi un lieu où l’on veille à ce que les enfants apprennent au contact de la réalité ou du monde vivant ? Pour Abdennour Bidar, les enseignants sont et seront des transmetteurs indispensables dans les prochaines années, notamment pour faire comprendre aux enfants qu’il y a des choses à apprendre autrement que devant un écran ou dans une réalité virtuelle ! En les incitant à se débrancher, à aller respirer l’air du dehors, partir à l’aventure, rencontrer des gens, s’engager, contempler la nature et des œuvres d’art « en vrai » dans un « vrai musée », travailler la terre, aider, participer, partager, aimer (…)[28]. Mais n’est-ce pas là aussi et avant tout le rôle de l'entourage familial ? Mais, face à cet enjeu d'éducation aux écrans (limitation des temps d'écran par exemple), de nombreux parents ont également besoin d'accompagnement.
Conclusion
Avec la révolution numérique, on observe une évolution du rapport à l’information, aux savoirs et à l’apprentissage, qui amène certains jeunes à recourir à des chatbots pour comprendre ou apprendre des matières scolaires. Si les nouvelles technologies permettent d’apprendre certaines choses seul, hors de l’école, les enfants et les adolescents semblent néanmoins majoritairement utiliser leurs écrans pour jouer à des jeux vidéo ou surfer sur des réseaux sociaux. Le monde de la connaissance semble peu les intéresser et, lorsqu’ils surfent sur internet, ils sont parfois peu critiques face aux informations ou aux ressources documentaires qu’ils trouvent. Dans ce contexte sociétal, l’école et les enseignants sont sans doute aujourd’hui plus nécessaires que jamais pour amener les jeunes à ouvrir leurs champs d’intérêts, les inciter à développer leur esprit critique et à se confronter à travers le groupe à des idées différentes, pour in fine devenir des citoyens responsables, actifs, critiques et solidaires.
Aider les élèves à développer leur curiosité et les motiver à faire l’effort d’apprendre est un défi pour les enseignants, et ce d’autant plus aujourd’hui avec les nouvelles technologies qui peuvent donner l’illusion aux jeunes qu’accéder à la connaissance est facile et peut se faire en quelques clics, en recourant, par exemple, à des chatbots.
Pour l’UFAPEC, la mise en œuvre de pédagogies de l’intérêt est une manière d’aider les élèves à s’engager dans leurs apprentissages, mais elle doit s’accompagner d’une nouvelle façon d’envisager l’évaluation scolaire, car, telle qu’elle est le plus souvent pratiquée aujourd’hui, l’évaluation engendre auprès des élèves une peur et un rapport instrumental aux apprentissages, qui va à l’encontre du désir et du plaisir d’apprendre. Étant donné la tendance à l’isolement, tant physique qu’intellectuel, qu’engendre l’utilisation intensive des nouvelles technologies, encourager des pratiques de pédagogies coopératives nous semble également nécessaire, car ces pédagogies favorisent les échanges entre pairs et développent chez les apprenants des compétences d’écoute, de tolérance, tout en stimulant la remise en question de croyances ou de préjugés.
Enfin, si la pensée critique est une compétence qui a toute sa place dans les nouveaux référentiels, l’UFAPEC s’inquiète néanmoins de voir des enseignants insuffisamment formés au numérique pour être en mesure d’accompagner leurs élèves dans une utilisation critique et responsable de certains outils, comme les chatbots, qui font pourtant aujourd’hui pleinement partie de notre environnement et dont l’école doit, selon nous, s’emparer.
Sybille Ryelandt
[1] Les chatbots ou agents conversationnels, comme ChatGPT, font partie des IA dites génératives qui, en plus d’être capables d’analyser des données, créent ou génèrent de nouvelles données (textes, images, sons, vidéos…) en réponse à des requêtes. Cf. Collectif, Les intelligences artificielles, comment mieux les comprendre ? Carnet 13, Collection Repère, CSEM, 04-02-2025. Pour télécharger le carnet : https://www.csem.be/eduquer-aux-medias/productions/carnet-13-les-intelligences-artificielles-comment-mieux-les
[2] RUYSSEN A., Quelle place pour l’IA à l’école ?, Les Clés, RTBF Auvio, 12-02-25.
[3] Il n’existe aucun chiffre officiel permettant de mesurer l’ampleur de la pénurie des enseignants mais, selon la dernière enquête menée en janvier 2025 auprès des chefs d’établissement de l’enseignement secondaire catholique, près de 8.000 heures de cours par semaine n’ont pas été données, car non attribuées faute de remplaçants, soit l’équivalent de 394 équivalents temps plein, cf. GHALI S., On « ratisse » de plus en plus large, in Le Vif n°8, 20-02-2025.
[4] Les questionnements et les inquiétudes des parents ont été recueillies par l’UFAPEC en janvier et février 2025 dans le cadre de son projet « Craque (CRACS) l’IA », notamment auprès de parents de l’Institut Sainte-Marie à Arlon, des Dames de Marie à Bruxelles et de l’école Saint-Antoine à Forest.
[5] Cf. Collectif, #Génération2024 : les jeunes et les pratiques numériques, Média Animation asbl, 31-05-2024, p. 73 : https://www.csem.be/sites/default/files/2024-07/Publication%20re%CC%81sultats-GEN2024.pdf
[6] RUYSSEN A., op.cit.
Selon les résultats de l’enquête #Génération 2024, près de six jeunes sur dix en FWB affirment avoir déjà utilisé une application ou un site d’intelligence artificielle.
[7] ABDENNOUR B. et MEIRIEU P., Grandir en humanité. Libres propos sur l’école et l’éducation, éd. Autrement, Paris, 2022, pp. 195-216.
[8] Ibidem, pp. 210-213.
[9] Ibidem, p. 211.
[10] VIGUIER-VINSON S., « D’où vient le besoin d’apprendre ? Entretien avec Stanislas Dehaene », Sciences humaines, 01-02-2021 : https://www.scienceshumaines.com/d-ou-vient-le-besoin-d-apprendre-entretien-avec-stanislas-dehaene_fr_43071.html?check_logged_in=1
À ce propos, il est intéressant de voir qu’un algorithme fondé sur la curiosité a été développé par la start-up de Google DeepMind, spécialisée dans l’intelligence artificielle, afin de maximiser l’apprentissage chez les robots.
[11] Interview de Justine (nom d’emprunt) réalisée le 06-02-2025.
[12] Idem.
[13] Récemment, nous avons consacré une étude à la question de l’évaluation scolaire, qui montre qu’une majeure partie des élèves apprennent et étudient non par curiosité ou désir d’apprendre, mais pour ne pas rater leur année, et que la plupart des acteurs de l’enseignement (enseignants, parents…) sont convaincus que l’existence d’une évaluation-sanction est un mal nécessaire pour motiver les élèves à s’engager dans les apprentissages, cf. RYELANDT S., Évaluer les élèves, pour quoi et pour qui ?, étude UFAPEC 2024 n°12.24 : https://www.ufapec.be/nos-analyses/1224-et1-evaluation.html
[14] RUYSSEN A., op.cit.
[15] Mémorandum UFAPEC 2024, pp. 39-40 : https://www.ufapec.be/files/files/Politique/memorandum/Memorandum-UFAPEC-2024.pdf
[16] En 2018, l’UFAPEC s’était déjà intéressée à l’apprentissage de l’esprit critique en lien avec des phénomènes de désinformation numérique, cf. HOUSSONLOGE Dominique: Quel apprentissage de l’esprit critique quand le savoir est disponible en un clic ?: analyse UFAPEC 2018 n°35.18 : https://www.ufapec.be/files/files/analyses/2018/3518-esprit-critique.pdf
[17] Cf. Requête adressée à ChatGPT le 05-03-25.
[18] ABDENNOUR B. et MEIRIEU P., op.cit., p. 214.
[19] JABON L. Pourquoi encore penser à l’heure des IA ?, RTBF-Auvio, 2024.
[20] Cf. Référentiel de formation manuelle, technique, technologique et numérique, Tronc Commun, FWB. Pour y accéder : http://www.enseignement.be/index.php?page=28597&navi=4920#domaines
[21] Le conseil supérieur de l’éducation aux médias (CSEM) publie régulièrement des carnets sur des questions d’éducation aux médias, comme la désinformation, l’impact des réseaux sociaux sur la démocratie, etc.. Dans le cadre du groupe de travail « usages médiatiques », dont l’UFAPEC fait partie, le CSEM vient de publier un carnet sur les intelligences artificielles, cf. Collectif, op.cit.
[22] RUYSSEN A., op.cit.
[23] Idem.
[24] Le prompt est une instruction ou une série de données fournies à un système d’IA, qui utilise ces informations pour générer des réponses ou des créations en texte, image, ou autre forme de média. Cf. https://www.lefebvre-dalloz.fr/ia-juridique/quest-ce-quun-bon-prompt/#:~:text=Un%20prompt%20est%20une%20instruction,ou%20autre%20forme%20de%20m%C3%A9dia
[25] Des modules de formation sur mesure et gratuits pour les enseignants sont, par exemple, proposés par le centre « technofutur TIC », cf. https://technofuturtic.be/
[26] Une vision de l’avenir totalement dystopique, telle qu’imaginée dans le film de science-fiction The Matrix, va bien plus loin dans l’utilisation des technologies, « la connaissance » étant directement « injectée » des ordinateurs au cerveau…
[27] Pour aller plus loin sur les pédagogies coopératives, lire : RYELANDT S., Habiter la classe autrement : quand la coopération prend le pas sur la performance, étude UFAPEC 2023 n°08.23/ET2 : https://www.ufapec.be/nos-analyses/0823-et2-cooperation.html
[28] ABDENNOUR B. et MEIRIEU P., op.cit., pp. 201-202.