Etude UFAPEC décembre 2022 par D. Houssonloge & A. Pierard

21.22/ET3 - S'il te plait, dessine-moi une école pour tous ! L'école inclusive, entre idéal et réalité

Nous dédions cette étude à tous les pédagogues qui font confiance à nos enfants, convaincus qu’il n’y a pas de vie minuscule (Charles Gardou)

Introduction

Depuis 2009, l’école inclusive[1] serait en marche en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). En effet, pensée et voulue depuis de nombreuses années par quelques convaincus et motivés, l’intégration[2] dans une école ordinaire des élèves à besoins spécifiques relevant jusque-là de l’enseignement spécialisé bénéficie, enfin, d’un cadre légal depuis 2009 grâce à deux textes de loi : le décret du 5 février relatif à l’enseignement intégré[3] et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la Belgique le 2 juillet 2009[4]. Voilà une belle idée, celle de donner l’accès à l’école ordinaire à tous les élèves qui le souhaitent ! Mais quel serait l’intérêt pour notre système scolaire et notre société de mettre en œuvre l’inclusion alors que, depuis les années 70, nous pouvons nous targuer d’avoir un enseignement spécialisé de qualité qui permet la scolarisation de tous les enfants ?

Et en 2022, où en sommes-nous ? Si une majorité de la société semble d’accord sur le principe d’une école inclusive et jusqu’à un certain point (à certains moments et pour certains élèves), la mise en œuvre reste complexe et laborieuse. En effet, décréter l’inclusion ne suffit pas pour changer les pratiques. Qu’en est-il concrètement dans nos écoles ? Est-ce de l’ordre de l’idéal ou de la réalité ? Quelles sont les représentations en matière d’inclusion des différents acteurs scolaires à commencer par les parents ? Ces représentations sont-elles des freins ou des leviers à l’école inclusive ?

Comme nous l’écrivions dans une analyse précédente, certains profils d’élèves à besoins spécifiques bénéficient d'une meilleure reconnaissance que d’autres. En effet, au vu des retours des parents depuis trois ans et des acteurs interrogés en mai 2022 par Anne Floor, les élèves « dys » font partie des mieux lotis parmi les élèves à besoins spécifiques. Il est, en effet, évident pour tous les acteurs et parents interrogés qu'un enfant « dys » fait partie des élèves à besoins spécifiques. D'ailleurs, les fiches outils éditées par la FWB à destination des enseignants pour l'accompagnement de ces élèves font la part belle aux troubles d’apprentissage (7 fiches sur les 12). Les parents ayant des enfants avec des troubles d’apprentissage osent à présent, pour la plupart, franchir les portes de l’école, parler des difficultés rencontrées par leurs enfants.[5] Toutefois, comme en témoignent les nombreux parents avec lesquels l’UFAPEC est en contact et à qui elle apporte son soutien, cela ne veut pas dire pour autant que tout roule et que les aménagements raisonnables sont mis en place facilement. Certaines résistances par manque d’information, de connaissance ou de volonté sont encore présentes et fragilisent le parcours des élèves « dys ». Nous n’aborderons pas prioritairement la question de ces élèves dans notre étude.

Ici, nous voulons voir où nous en sommes en FWB en matière d’inclusion scolaire pour tous les autres élèves à besoins spécifiques (qu’ils aient des troubles du comportement, qu’ils soient malades de longue durée, qu’ils soient en situation de handicap mental, physique ou sensoriel).

Par ailleurs, si l’inclusion scolaire est aujourd’hui un droit activable pour tous, est-elle souhaitable pour tous les élèves, quels que soient leurs besoins ? Est-ce que, sur le terrain, les écoles et l’ensemble des acteurs sont prêts pour une école inclusive ? Quels sont les bénéfices et les limites de l’école inclusive ? Ensuite, l’inclusion scolaire n’est-elle pas d’abord une affaire de privilégiés ? D'un autre point de vue, l’inclusion scolaire ne risque-t-elle pas d’être préjudiciable aux autres élèves de la classe et entrainer un nivellement par le bas, comme le craignent certains parents et professionnels de l’école ?

Enfin, si le projet est d’intégrer peu à peu tous les élèves, ou presque, dans l’ordinaire, notre enseignement spécialisé a-t-il encore une place ?

La Belgique a déjà été condamnée par l’Europe en matière d’inclusion scolaire pour non-respect des droits humains, en l’occurrence des droits de l’enfant. En effet, il y a encore dans notre système scolaire une réelle sur-orientation vers l’enseignement spécialisé. Cette sur-orientation est source de discrimination envers les élèves à besoins spécifiques. Dans cette étude, il s’agit d’envisager le respect du droit de ces élèves : droit à accéder à une école ordinaire avec l’encadrement, les outils et les aménagements nécessaires à leur épanouissement, leur socialisation et leur réussite.

À côté des droits des enfants, il y a aussi les conditions de travail et de vie en classe pour tous. Comment construire une école inclusive de qualité sans l’adhésion des équipes éducatives ? Découragement, voire mal-être, pénurie et instabilité de ces équipes fragilisent le monde de l’enseignement. Dès lors, les enseignants sont-ils prêts pour l’inclusion scolaire ?

Nous tenterons de répondre à toutes ces questions pour pouvoir nous faire une opinion du degré de développement de l’école inclusive en FWB. Pour ce faire, nous commencerons par définir quelques notions et expliquer notre méthodologie. Pour bien ancrer le sujet, il nous semble important de faire un bref historique de la scolarisation des élèves à besoins spécifiques étroitement lié à nos représentations du handicap, de présenter le cadre légal ainsi que quelques données chiffrées. Avant d’entrer dans le vif du débat « l’école inclusive, est-ce une réalité aujourd’hui ? », nous vous partagerons les résultats d’une enquête que nous avons réalisée auprès de parents et ferons une comparaison de notre système d’enseignement avec celui d’autres pays en matière d’inclusion scolaire. Enfin, nous proposerons une série de pistes pour rendre l’inclusion scolaire plus réaliste, tout en étant profitable à tous. Dans ce sens, notre organisation donnera également son positionnement sur la question.

Pour rendre la lecture plus accessible, nous vous proposons un glossaire à la fin du document reprenant les concepts clés.

(Téléchargez l'étude complète - 74p.- ci contre)

 

Alice Pierard et Dominique Houssonloge

 

 

[1] Le fait d’inclure un élève à besoins spécifiques relevant de l’enseignement spécialisé dans une école de l’enseignement ordinaire. Nous développerons cette notion plus loin ou voir glossaire.

[2] Processus mis en place avant l’inclusion que nous développerons également plus loin ou voir glossaire

[3] Repris dans le code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire, le décret du 3 mars 2004, modifié par le décret du 5 février 2009 organisant l’enseignement spécialisé relatif à l’enseignement intégré reconnaît et organise l’intégration des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire.

[4] Cette convention oblige les états signataires à organiser un système scolaire accueillant les élèves ayant un handicap car à l’article 24, elle demande un enseignement inclusif.

[5] FLOOR A., Les élèves en souffrance psychique sont-ils aussi des élèves à besoins spécifiques ?, analyse UFAPEC, mai 2022, p. 3, analyse 2022 élèves en souffrance psychique

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