Service H d'Infor Jeunes Bruxelles pour prévenir le harcèlement

Nous avons interviewé Adèle Danckers, responsable du Service H à Infor Jeunes Bruxelles et juriste de formation, pour en savoir encore plus à propos de leurs différents projets de lutte contre le harcèlement scolaire.

Pourquoi avoir développé ce Service H ?

Historiquement, Infor Jeunes Bruxelles comme d’autres associations réalisait des animations ponctuelles dans les écoles sur le harcèlement. Ces animations one shot de 2 heures ont présenté leurs limites et nous avons décidé de développer d’autres actions. Il y a deux ans, j’ai été chargée de me spécialiser sur les questions de harcèlement. A l’heure actuelle, le service s’articule autour de quatre axes différents : l’accompagnement des écoles, l’intervention, l’accompagnement individuel et l’information.

En quoi consiste cet accompagnement sur mesure pour les écoles ?

Nous proposons aux écoles de les accompagner globalement dans le sens où nous nous adaptons à leur rythme, avec l’énergie et les moyens du bord. Notre postulat est le suivant : une sensibilisation de deux heures ne suffit pas, il faut que l’équipe éducative soit capable de recevoir la parole des victimes et de réagir correctement. Nous sensibilisons tous les adultes de l’école (direction, enseignants, personnel administratif, de nettoyage, de l’accueil extrascolaire…) à ce qu’est le harcèlement et à savoir identifier des situations de harcèlement. Nous proposons ensuite de former un plus petit groupe d’adultes à des outils spécifiques de prévention et d’intervention. Nous travaillons aussi le bien-être de tous à l’école. Nous souhaitons au maximum mettre les écoles en situation d‘autonomie en leur donnant un panel d’outils pour qu’elles ne soient plus dépendantes d’opérateurs extérieurs.

Nous proposons aux élèves un cycle de cinq animations : harcèlement scolaire et cyberharcèlement ; préjugés et différences ; émotions ; pression du groupe et comment y résister ? ; humour : peut-on rire de tout ? La dernière heure d’animation les met en situation d’acteurs : nous leur demandons ce qu’ils voudraient mettre en place pour lutter contre le harcèlement scolaire

Nous nous adressons également aux parents. De manière générale, dans notre société, il y a de la confusion et un abus de vocabulaire par rapport au harcèlement. C’est très intéressant d’en parler avec les parents pour qu’ils comprennent bien le phénomène du harcèlement scolaire. 

Comment intervenez-vous dans les situations de harcèlement dans les écoles ?

J’ai été formée à la méthode de la préoccupation partagée[1]. Cette méthode est non sanctionnatrice et la jeune victime doit être d’accord. Les études démontrent que la sanction ne fonctionne pas toujours dans les situations de harcèlement. Les harceleurs ne sont pas forcément équipés correctement dans leurs relations avec leurs pairs et doivent apprendre à trouver leur place autrement que par la moquerie. La sanction sera suspendue le temps de mettre en place ce système. Si la situation n’évolue pas, on peut revenir vers une sanction. Le harcèlement est une dynamique de groupe, avec cette méthode cela pousse les récalcitrants à s’y mettre aussi.

Quelle approche préconiseriez-vous par rapport au harcèlement ?

Dans son dernier livre sur le harcèlement[2], Benoît Galand, chercheur, arrive, après avoir analysé toute une série de méthodes de prévention et d’intervention, à la conclusion qu’il n’y a pas de méthode miracle. En prévention, il faut s’adapter à la réalité de chaque école, essayer, réessayer, se confectionner une boîte à outils. Et c’est la même chose en intervention, je parle beaucoup de la méthode de la préoccupation partagée, car je pense que c’est un outil qui gagne à être connu. Mais soyons très clairs, cela ne va pas fonctionner à tous les coups. Il faut savoir se créer une boîte à outils avec d’autres solutions, des alternatives.

Pourquoi avoir créé dans vos bureaux un espace d’accompagnement individuel ?

Au gré de nos formations, nous avons constaté que les jeunes victimes ont besoin de déposer leurs vécus dans un espace neutre où il n’y a pas d’enjeu. En, effet, parler aux adultes de l’école présente certains risques : « Si je me confie à eux, qu’est-ce qu’il va se passer ? » C’est pareil avec les parents : « Si je me confie, que vont-ils faire ? contacter l’école ? Je ne veux pas les inquiéter, les stresser, les rendre tristes. » Nous offrons un espace dans nos locaux où déposer leurs vécus, recevoir des conseils et éventuellement être accompagnés dans des démarches s’ils le demandent. On travaille avec les jeunes sur base de ce qu’ils veulent bien faire. La seule exception : s’il y a un danger réel, alors le secret professionnel doit pouvoir être levé. Pour le moment, je constate que les situations qui nous sont présentées sont déjà allées très loin et ce sont les parents qui les ont poussés à venir nous voir. Si les jeunes pouvaient acquérir le réflexe de nous contacter plus vite, dès les premières intimidations, cela nous permettrait de prendre la situation beaucoup plus tôt. Au plus vite on prend la situation, au plus efficaces seront les méthodes mises en place.

Des ressources en plus pour les parents

A la suite de l’animation que nous avions réalisée avec les parents lors d’une soirée organisée par l’UFAPEC, j’ai aussi rédigé deux articles spécifiquement destinés aux parents. En effet, nous conseillons beaucoup d’outils lors de ces soirées et les parents étaient un peu noyés. Nous avons établi un répertoire des ressources à utiliser concrètement[3]. : jeux pédagogique, livres, etc., avec les coordonnées claires de chaque outil. J’aborde aussi la question suivante : « Comment articuler et préparer un moment de discussion avec leur enfant ? ». En effet, un gros conseil que nous donnons en prévention aux parents est de faire passer le message suivant aux enfants : « Quoi qu’il arrive, tu peux me parler et j’aurai une réaction la plus adéquate possible. » Il est donc important d’avoir régulièrement des discussions avec ses enfants sur des thématiques qui peuvent sembler plus compliquées à aborder. J’ai essayé dans l’article de décrire comment en tant que parent je peux préparer un moment comme cela. Je vais d’abord choisir un gros thème que j’ai envie d’aborder et je vais me renseigner, lire des ressources et trouver un outil grâce auquel je pourrais entamer cette discussion : film, livre, bd… Il y a aussi toute la question des émotions, les compétences socio-émotionnelles et le rapport à l’autre avec des idées d’outils. Cet article s’adresse de préférence aux parents qui ont suivi une conférence sur le harcèlement et comprennent de quoi il s’agit. On donne cependant des ressources à lire pour les parents qui ont envie de se renseigner.

Je réponds aussi dans un deuxième article[4] à la question de comment réagir si mon enfant s’adresse à moi et m’explique qu’il est victime de harcèlement. J’ai repris les phrases à ne pas dire et j’ai expliqué pourquoi. Il y a aussi quelques conseils-clé : comment j’agis ? A qui m’adresser ?

 

Propos recueillis par Anne Floor

Pour plus de renseignements sur Infor Jeunes Bruxelles Asbl :

adele.danckers@ijbxl.be - 02/514.41.11 ou 02/223.12.52

Tous ces services sont gratuits. Attention Infor Jeunes Bxl n’interviendra que dans des écoles de la région bruxelloise. Cependant l’association peut accueillir en consultation individuelle des élèves qui sont scolarisés ou habitent en dehors de Bruxelles.

Réseau Prévention Harcèlement (RPH)

Le Réseau prévention harcèlement, dont l’UFAPEC fait partie, est né de la collaboration depuis 2013 de professionnels de différents horizons. 

Via le site https://www.lerph.be et le bouton « rechercher les acteurs du réseau », la plateforme RPH peut vous orienter vers des partenaires validés pour la formation, la sensibilisation, la prévention, l’intervention et la pérennisation. Les jeunes et les parents peuvent également trouver un répertoire de contacts grâce à l’onglet besoin d’aide : Harcèlement, besoin d'aide - Réseau Prévention Harcèlement, rph (lerph.be).

 

[2] Benoît GALAND, Le harcèlement à l’école, coll. Mythes et réalités, Retz. Cet ouvrage est présenté dans la rubrique « Lu pour vous » en p. 21.

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