Soutenir les parents ou les proches d’élèves atteints de phobie scolaire

Article paru dans la revue Les Parents et l'Ecole n°110 mars, avril, mai 2021

Que faire quand, du jour au lendemain, mon enfant refuse d’aller à l’école ? Il semble réellement dans l’impossibilité de dépasser ses angoisses, il ne dort plus la nuit, se plaint de maux de ventre ou de tête. Comment agir ? Faut-il le forcer ? Vers qui me tourner ? A qui poser mes questions ? Ces interrogations, les deux fondatrices de L’Anatole les ont vécues avec leurs propres enfants. Et elles ont désiré transformer cette expérience très déroutante en soutien pour d’autres parents.

Mars 2020 a donc vu la naissance de leur association de fait « L’Anatole ». Saskia Claes et Fabienne Ellenbecker ont une formation dans le domaine de la santé mentale et travaillent toutes deux dans le secteur social. Elles se consacrent à titre bénévole dans le lancement des premières activités de leur association : les groupes de paroles pour parents ou proches de jeunes confrontés à la phobie scolaire.

AF : D’où vous est venue l’impulsion de créer L’Anatole ?

L’Anatole : Nous avons regardé ce qui existait en Belgique et nous n’avons rien trouvé, hormis des dispositifs en psychiatrie. La phobie scolaire est un symptôme et non un diagnostic. Elle ne se retrouve pas dans les classifications psychiatriques internationales (DSM V ou CIM), ce qui explique, en partie, sans doute pourquoi c’est encore méconnu. En France, il y a une association « Phobie scolaire »[1] qui existe depuis assez longtemps et qui a aussi été créée par des parents. Ils ont commencé par des groupes de paroles pour ensuite proposer des suivis individuels et l’organisation de conférences.

AF : Pourquoi lancer en priorité ces groupes de parents ?

L’Anatole : Quand le jeune ou l’enfant, du jour au lendemain, n’est plus capable d’aller à l’école, on est dans une incompréhension en tant que parent et il faut pouvoir trouver rapidement les personnes compétentes et adéquates pour éclairer nos lanternes en tant que parent, mais aussi pour notre enfant. Dans nos expériences personnelles, nous avons parfois été jugées par l’entourage et avons reçu des conseils du genre : Il suffit d’être plus ferme et de l’obliger à aller à l’école. Mais qu’est-ce qu’on fait d’un enfant qui ne va pas à l’école et qui va si mal alors que soi-même on doit aller travailler ? En tant que modératrices, nous nous nourrissons aussi de ce partage d’expériences, cela nous met au travail, nous pousse à réfléchir.

Pouvoir mettre des mots sur ce qui se passe, découvrir qu’on n’est pas tout seuls à vivre cela et savoir vers qui se tourner pour être soutenus sont des étapes essentielles au début du parcours. Au sein du groupe, il peut y avoir un échange de pistes, on se reconnait aussi dans le récit de l’autre, on voit que parfois on ne fait pas pareil, on peut se nourrir de ces différences, développer un socle de confiance dans le groupe parce qu’on traverse des difficultés du même type. Il y a un apaisement psychique à rencontrer des personnes qui traversent les mêmes difficultés, à partager sans risque de jugement.

AF : Quelles sont les différentes étapes qui jalonnent l’accompagnement de son enfant en phobie scolaire ?

L’Anatole : En premier lieu, il y a une étape d’acceptation que l’enfant ne peut plus aller à l’école. Il faut tout d’abord trouver un médecin traitant ou un pédiatre pour le mettre en arrêt scolaire, en pause d’au moins deux semaines pour baisser la pression. Durant ce moment, il peut aussi être utile de prendre rendez-vous avec un pédopsychiatre (les délais d’attente sont longs, surtout à Bruxelles). En tant que parent, il faudra aussi veiller à conserver un lien avec l’école de son enfant. Il est important de ne pas être en rupture avec celle-ci. Vous serez l’ambassadeur de votre enfant en expliquant ce qui se passe et en formulant des demandes d’aménagements propres à chaque situation comme, par exemple, le fait que son enfant puisse se rendre à l’école à temps partiel, qu’il puisse y revenir sans réaliser les évaluations… Il faut parfois faire profil bas en tant que parent. Les actions et les aménagements demandés dépendront évidemment de ce qui est à l’origine de la phobie.

AF : Quelles peuvent être les causes de la phobie scolaire ?

L’Anatole : La phobie scolaire peut avoir différentes causes et peut toucher divers profils de jeunes : jeunes à haut potentiel intellectuel, jeunes hypersensibles, jeunes présentant des profils dys (dyspraxie, dyscalculie, dyslexie…), jeunes ayant subi du harcèlement dans le milieu scolaire… Ce sont aussi, dans certains cas, des jeunes qui ont des formes d’intelligence assez poussées, mais qui ont des empêchements sur certaines matières ou compétences qui font qu’il y a un épuisement au fur et à mesure des années. Cela conduit petit à petit le jeune à être en burn-out.

Ils ont en commun d’avoir une soif d’apprendre, mais ils ne savent plus aller à l’école. Ils ont tellement d’angoisses et on ne sait pas apaiser une angoisse facilement. C’est tellement prenant qu’il peut y avoir un sentiment d’effondrement total. Même s’ils ont envie d’y aller, ils en sont empêchés, un peu comme un cheval qui, face à un obstacle, se cabre et refuse de le franchir (school refusal).

A ce refus de l’école sont associés des symptômes physiques typiques du stress : nausées, problèmes d’endormissement, maux de tête, insomnies…

Quand cela se déclenche clairement, en amont de cela, il y a tout un travail réalisé par le jeune pour supporter une situation dans laquelle il était de plus en plus inconfortable. C’est après coup en tant que parent qu’on se rend compte que ces symptômes existaient déjà. Mais quand on est parent, on se prend dans la figure du jour au lendemain cette impossibilité pour son enfant de se rendre à l’école. On peut être traversé par un sentiment d’incompréhension, de culpabilité, d’impuissance et d’être dans la marge par rapport au devoir d’obligation scolaire. Cela a un impact sur toute la famille. Il y a comme un travail d’enquêteur au début : on essaie de comprendre ce qui s’est passé pour en arriver là. Puis vient le moment où on doit expliquer à l’école et à un médecin qu’on a un enfant qui ne sait plus aller à l’école.

AF : Qu’est-ce qui existe comme structure ou accompagnement pour les élèves en phobie scolaire ?

Cela dépend de la problématique à l’origine de la phobie. Il faudra construire un plan d’action sur mesure avec le jeune et sa famille. En même temps, il n’y a pas 100.000 solutions. Commencer par faire une pause pour lâcher la pression, obtenir un rendez-vous avec un pédopsychiatre dans un délai raisonnable, trouver un soutien sous forme de psychothérapie, etc., sont autant de pistes possibles. C’est peut-être aussi l’occasion de faire un bilan neuropsychologique pour voir s’il ne se cache pas là derrière un trouble d’apprentissage, un profil TDA/H ou HP.

AF : Quelle piste donneriez-vous à un enseignant confronté à un élève en phobie scolaire ?

L’Anatole : Adopter une attitude de bienveillance et rester ouvert au fait que le jeune est en souffrance et ne se moque pas de son monde. Cela fait déjà la différence.

AF : Pourquoi ce nom l’Anatole à votre association ?

L'Anatole est une succession d'accords en jazz. Nous avons choisi ce nom pour symboliser le fait que parfois certains accords musicaux de jazz écoutés isolément peuvent paraître dissonants (en analogie avec le vécu des familles). Tandis qu'une fois qu'on les associe (en comparaison avec la dynamique et les échanges des groupes de paroles), cela peut donner finalement un résultat très harmonieux. Et puis c'est aussi un prénom sympa.

AF : Concrètement, comment faire pour participer à vos groupes de paroles ?

L’Anatole : Ces groupes de parents se réunissent deux fois par mois à Bruxelles. Nous laissons la latitude aux parents de venir au moment qui leur convient. Il n’y a actuellement pas d’inscription préalable. Nous informons aussi les parents par téléphone. Ils nous laissent un message et nous les recontactons.  Il n’y a pas d’obligation de participer aux groupes de paroles pour recevoir des informations.

Propos recueillis par Anne Floor

 

Pour contacter l’Anatole :

Site : http://www.lanatole.be

Courriel : contact@lanatole.be

Téléphone : 0468/479349

Page Facebook : L’Anatole, soutien aux parents concernés par la phobie scolaire – Bruxelles

 

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